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Ariane Web: Conseil d'État 390697, lecture du 13 avril 2016, ECLI:FR:CECHS:2016:390697.20160413

Décision n° 390697
13 avril 2016
Conseil d'État

N° 390697
ECLI:FR:CECHS:2016:390697.20160413
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre
M. Lionel Collet, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL, avocats


Lecture du mercredi 13 avril 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

La commune des Arcs (Var) a demandé au tribunal administratif de Toulon de suspendre, en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution, d'une part, de l'arrêté du 19 décembre 2014 du préfet du Var portant à 200 % le taux de majoration défini à l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation qui lui est applicable et, d'autre part, de l'arrêté du 13 mars 2015 du même préfet fixant le montant du prélèvement ainsi majoré sur ses ressources fiscales. Par une ordonnance n° 1501500, 1501494 du 21 mai 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a fait droit à ces demandes.

Par un pourvoi enregistré le 3 juin 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité demande au Conseil d'Etat d'annuler cette ordonnance.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lionel Collet, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de la commune les Arcs ;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal de Toulon que, par un arrêté du 19 décembre 2014, le préfet du Var a fixé pour la commune des Arcs (Var) le taux de majoration visé à l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation à 200 % ; que, par un arrêté du 13 mars 2015, il a fixé en conséquence pour l'année 2015 le montant du prélèvement dû par la commune au titre de l'article L. 302-7 du même code à 308 732,64 euros ; que, par l'ordonnance du 21 mai 2015 contre laquelle le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité se pourvoit en cassation, le juge des référés a suspendu l'exécution de ces arrêtés sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative en regardant comme de nature à créer un doute sérieux sur leur légalité le moyen tiré de la violation du principe de non rétroactivité de la loi répressive plus sévère ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 18 janvier 2013 : " I. - L'arrêté motivé prononçant la carence des communes et la majoration du prélèvement dont elles sont redevables est pris, pour la quatrième période triennale, selon les modalités prévues à l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction antérieure à la présente loi. / II. - Les communes soumises au prélèvement défini à l'article L. 302-7 du même code réalisent, au titre d'une période de référence courant entre le premier jour du premier trimestre suivant la date d'entrée en vigueur de la présente loi et le 31 décembre 2013, un nombre de logements locatifs sociaux égal à un douzième du nombre de logements locatifs sociaux à réaliser pour la quatrième période triennale, en application de l'article L. 302-8 dudit code dans sa rédaction antérieure à la présente loi, multiplié par le nombre de trimestres entiers restant à courir pendant la période de référence. / Le représentant de l'Etat dans le département peut, par arrêté motivé pris après avis du comité régional de l'habitat, constater qu'une commune n'a pas réalisé les objectifs mentionnés au premier alinéa du présent II, en tenant compte de l'importance de l'écart entre les objectifs et les réalisations constatées pendant la période de référence, du respect de la typologie prévue au II de l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation, des difficultés rencontrées, le cas échéant, par la commune et des projets de logements sociaux en cours de réalisation. / III. - Pour les communes faisant l'objet de l'arrêté mentionné au I ainsi que de l'arrêté mentionné au II du présent article, le représentant de l'Etat dans le département peut, en fonction des critères mentionnés au second alinéa du même II, augmenter, après avis de la commission mentionnée au I de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation, le taux de majoration de telle sorte que le prélèvement majoré puisse atteindre jusqu'à cinq fois le montant du prélèvement mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 302-7 du même code. Le prélèvement majoré ne peut excéder 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune. Ce plafond est porté à 7,5 % pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur ou égal à 150 % du potentiel fiscal médian par habitant sur l'ensemble des communes soumises au prélèvement défini au même article L. 302-7 " ;

3. Considérant que la conformité de dispositions législatives à la Constitution ne saurait être contestée devant le juge administratif en dehors de la procédure prévue à l'article 61-1 de la Constitution ; que la possibilité de soumettre une commune ayant manqué à ses obligations en matière de réalisation de logements sociaux à la fois sur l'ensemble de la période triennale 2011-2013 et sur la période comprise entre le 1er avril et le 31 décembre 2013 à un prélèvement sur ses ressources fiscales plus élevé que celui que prévoyaient les dispositions législatives antérieures résulte des termes mêmes du III de l'article 26 de la loi du 18 janvier 2013 citées ci-dessus ; que, dès lors, le moyen de la commune selon lequel les arrêtés étaient contraires au principe constitutionnel de non rétroactivité de la loi répressive plus sévère revenait à contester la constitutionnalité de ces dispositions législatives ; qu'à la date à laquelle le juge des référés a statué, aucune question prioritaire de constitutionnalité n'avait été soulevée par la commune devant le tribunal administratif ; que, dès lors, en jugeant que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de la non rétroactivité de la loi répressive plus sévère était de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité des arrêts litigieux, le juge des référés a commis une erreur de droit ; que son ordonnance doit, par suite, être annulée ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la commune des Arcs, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'ordonnance du juge des référés annulée par la présente décision, la commune des Arcs a soulevé devant le tribunal administratif de Toulon, à l'appui de sa demande d'annulation des arrêtés du préfet du Var, une question prioritaire de constitutionnalité visant le III de l'article 26 de la loi du 18 janvier 2013 ; que le tribunal administratif a transmis cette question au Conseil d'Etat qui, par une décision du 12 février 2016, a refusé de la renvoyer au Conseil constitutionnel ; que, par suite, le moyen tiré de la violation du principe de non rétroactivité de la loi répressive plus sévère n'est pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité des arrêtés litigieux ;

6. Considérant que le moyen tiré de ce que les arrêtés seraient entachés d'erreur manifeste d'appréciation ne présente pas davantage, en l'état de l'instruction, un caractère sérieux ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'une des conditions auxquelles les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative subordonnent la suspension par le juge des référés de l'exécution d'une décision administrative n'est pas remplie en l'espèce ; que la commune des Arc n'est dès lors pas fondée à demander la suspension de l'exécution des arrêtés des 19 décembre 2014 et 13 mars 2015 du préfet du Var ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 21 mai 2015 du juge des référés du tribunal administratif de Toulon est annulée.

Article 2 : La demande présentée par la commune des Arcs devant le juge des référés du tribunal administratif de Toulon et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre du logement et de l'habitat durable ainsi qu'à la commune des Arcs.