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Ariane Web: Conseil d'État 396912, lecture du 15 avril 2016, ECLI:FR:CECHR:2016:396912.20160415

Décision n° 396912
15 avril 2016
Conseil d'État

N° 396912
ECLI:FR:CECHR:2016:396912.20160415
Inédit au recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Romain Victor, rapporteur
M. Vincent Daumas, rapporteur public
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN, avocats


Lecture du vendredi 15 avril 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1501874 du 8 février 2016, enregistrée le 11 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Besançon, avant qu'il soit statué sur la demande de la communauté d'agglomération du Grand Besançon tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 octobre 2015 par lequel le préfet du Doubs a fixé le nombre de sièges au sein de son conseil communautaire et leur répartition entre les communes membres, a décidé, par application de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des III, IV et V de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales.

Dans la question prioritaire de constitutionnalité transmise et par un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 mars et 1er avril 2016, la communauté d'agglomération du Grand Besançon soutient que les dispositions contestées, applicables au litige, méconnaissent le principe d'égalité devant le suffrage, le principe de libre administration des collectivités territoriales, le principe de périodicité raisonnable du mandat des élus ainsi que les principes de sécurité juridique et de clarté et d'intelligibilité de la loi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2016, le ministre de l'intérieur soutient que les conditions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies et, en particulier, que la question soulevée n'est pas nouvelle ni sérieuse.

La question prioritaire de constitutionnalité a été communiquée au Premier ministre, qui n'a pas produit de mémoire.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2015-264 du 9 mars 2015 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Romain Victor, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la communauté d'agglomération du Grand Besançon ;



1. Considérant que la communauté d'agglomération du Grand Besançon a saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 5 octobre 2015 du préfet du Doubs fixant le nombre et la répartition des sièges du conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Grand Besançon ; que, par une ordonnance du 8 février 2016, le président du tribunal administratif de Besançon a transmis au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des III, IV et V de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales ; que, toutefois, la communauté d'agglomération du Grand Besançon doit être regardée comme ne critiquant pas les dispositions du 4° bis du IV de cet article, qui ne sont applicables qu'à la métropole d'Aix-Marseille-Provence ;

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 5211-6 du code général des collectivités territoriales : " Les (...) communautés d'agglomération sont administrées par un organe délibérant composé de délégués des communes membres élus dans le cadre de l'élection municipale au suffrage universel direct pour toutes les communes dont le conseil municipal est élu au scrutin de liste, dans les conditions fixées par la loi (...) " ; que le I de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa version issue de l'article 1er de la loi du 9 mars 2015 autorisant l'accord local de répartition des sièges de conseiller communautaire, applicable en l'espèce, dispose que le nombre et la répartition des sièges de conseiller communautaire sont établis, en ce qui concerne les communautés d'agglomération, soit par accord des conseils municipaux des communes membres, soit selon les modalités prévues aux II à IV de cet article ; que le II de cet article prévoit que la composition de l'organe délibérant est établie par les III à VI selon les principes suivants : " 1° L'attribution des sièges à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne aux communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale, en fonction du tableau fixé au III, garantit une représentation essentiellement démographique ; / 2° L'attribution d'un siège à chaque commune membre de l'établissement public de coopération intercommunale assure la représentation de l'ensemble des communes " ; que le III du même article fixe le nombre des conseillers communautaires de l'organe délibérant de tout établissement de coopération intercommunale en fonction de la population municipale et prévoit que ce nombre peut être modifié dans les conditions prévues aux 2°, 4° ou 5° du IV ; qu'aux termes du IV du même article : " La répartition des sièges est établie selon les modalités suivantes : / 1° Les sièges à pourvoir prévus au tableau du III sont répartis entre les communes à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sur la base de leur population municipale authentifiée par le plus récent décret publié en application de l'article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité ; / 2° Les communes n'ayant pu bénéficier de la répartition de sièges prévue au 1° du présent IV se voient attribuer un siège, au-delà de l'effectif fixé par le tableau du III ; / 3° Si, après application des modalités prévues aux 1° et 2° du présent IV, une commune obtient plus de la moitié des sièges de l'organe délibérant : / -seul un nombre de sièges portant le nombre total de ses conseillers communautaires à la moitié des sièges de l'organe délibérant, arrondie à l'entier inférieur, lui est finalement attribué ; / -les sièges qui, par application de l'alinéa précédent, se trouvent non attribués sont ensuite répartis entre les autres communes suivant la règle de la plus forte moyenne, sur la base de leur population municipale authentifiée par le plus récent décret publié en application de l'article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 précitée ; 4° Si, par application des modalités prévues aux 1° à 3° du présent IV, le nombre de sièges attribués à une commune est supérieur à celui de ses conseillers municipaux, le nombre total de sièges au sein de l'organe délibérant est réduit à due concurrence du nombre de sièges nécessaire pour que, à l'issue d'une nouvelle application des 1° à 3° du présent IV, cette commune dispose d'un nombre total de sièges inférieur ou égal à celui de ses conseillers municipaux ; / (...) ; / 5° En cas d'égalité de la plus forte moyenne entre des communes lors de l'attribution du dernier siège, chacune de ces communes se voit attribuer un siège " ; qu'enfin, le V de cet article prévoit que, dans les communautés de communes et les communautés d'agglomération, 10 % du nombre total de sièges issus de l'application des III et IV sont attribués aux communes selon les modalités prévues au IV lorsque les sièges attribués sur le fondement du 2° du IV excèdent 30 % du nombre de sièges définis au III ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

4. Considérant que la communauté d'agglomération du Grand Besançon soutient que les dispositions des III, IV et V de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales portent atteinte aux principes d'égalité devant le suffrage, d'égalité entre les communes, de libre administration des collectivités territoriales, de " périodicité raisonnable des mandats électoraux ", de sécurité juridique et de clarté et d'intelligibilité de la loi ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'en tant qu'elles prévoient que le nombre des sièges au sein de l'organe délibérant des communautés d'agglomération est, à défaut d'accord entre les conseils municipaux des communes membres, fixé en fonction de l'importance de la population municipale et que les sièges sont répartis entre les communes selon la méthode de la représentation proportionnelle, sous réserve de l'attribution d'un siège aux communes n'ayant pu bénéficier de l'attribution d'un siège à la représentation proportionnelle, les dispositions contestées ne portent pas atteinte au principe selon lequel la représentation des collectivités locales au sein d'un établissement public de coopération intercommunale obéit à un principe général de proportionnalité par rapport à la population de chaque collectivité territoriale membre de cet établissement, tout en garantissant la représentation de toutes les collectivités par l'attribution d'au moins un siège ; que la communauté d'agglomération du Grand Besançon n'est dès lors pas fondée à soutenir que les dispositions contestées porteraient atteinte aux principes d'égalité devant le suffrage et d'égalité entre les communes ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que la communauté d'agglomération du Grand Besançon ne peut utilement soutenir que les mêmes dispositions auraient eu pour effet d'abréger la durée du mandat d'une vingtaine de conseillers communautaires et porteraient ainsi atteinte au principe selon lequel les électeurs sont appelés à exercer selon une périodicité raisonnable leur droit de suffrage, dès lors qu'il est constant que c'est sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l'article 4 de la loi du 9 mars 2015 précitée, en raison du renouvellement du conseil municipal de la commune de Franois, membre de la communauté d'agglomération du Grand Besançon, que le préfet du Doubs a pris l'arrêté litigieux ;

7. Considérant, enfin, que les griefs tirés de la méconnaissance des principes de libre administration des collectivités territoriales et de sécurité juridique et, en tout état de cause, le grief tiré de la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ne sont pas assortis des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la question soulevée par la communauté d'agglomération du Grand Besançon, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'il n'y a donc pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;



D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la communauté d'agglomération du Grand Besançon.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la communauté d'agglomération du Grand Besançon, au Premier ministre et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au tribunal administratif de Besançon.


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