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Ariane Web: Conseil d'État 387484, lecture du 11 mai 2016, ECLI:FR:Code Inconnu:2016:387484.20160511

Décision n° 387484
11 mai 2016
Conseil d'État

N° 387484
ECLI:FR:CECHR:2016:387484.20160511
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 1ère chambres réunies
M. Cyrille Beaufils, rapporteur
Mme Suzanne Von Coester, rapporteur public
SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats


Lecture du mercredi 11 mai 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société Intervent a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 2 août 2012 du directeur régional de Météo France ouest lui refusant son accord en vue de l'installation d'éoliennes, en deçà des distances légales minimales d'éloignement du radar météorologique de Falaise, sur le territoire des communes de Chicheboville et Conteville. Par un jugement n° 1202190 du 21 juin 2013, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13NT02356 du 28 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de la société Intervent, annulé ce jugement et renvoyé l'affaire devant ce tribunal afin qu'il soit statué sur sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 janvier et 28 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Météo France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté du 26 août 2011 du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyrille Beaufils, auditeur,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la société Météo France et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la société Intervent ;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Intervent, qui souhaite exploiter des éoliennes sur le territoire des communes de Chicheboville et Conteville (Calvados) a sollicité l'accord de Météo France, qui était requis en application des dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 26 août 2011 du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, compte tenu de la proximité du radar météorologique de Falaise, situé à quelque 20 kilomètres ; que, par une décision du 2 août 2012, le directeur régional de Météo France ouest a refusé de donner son accord ; que, par un jugement du 21 juin 2013, le tribunal administratif de Caen, statuant comme juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement, a rejeté la demande d'annulation de ce refus ; que, par un arrêt du 28 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement et la décision du 2 août 2012 ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-2 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : " Les installations visées à l'article L. 511-1 sont définies dans la nomenclature des installations classées établie par décret en Conseil d'Etat, pris sur le rapport du ministre chargé des installations classées, après avis du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques. Ce décret soumet les installations à autorisation, à enregistrement ou à déclaration suivant la gravité des dangers ou des inconvénients que peut présenter leur exploitation. " ; qu'en vertu de l'article L. 553-1 du même code, les installations terrestres de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent constituant des unités de production telles que définies au 3° de l'article 10 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, et dont la hauteur des mâts dépasse 50 mètres sont soumises à autorisation au titre de l' article L. 511-2 ; que, selon l'article L. 512-2 du même code, l'autorisation prévue à l'article L. 512-1 est accordée par le préfet ; qu'aux termes de l'article L. 512-5 du même code : " Pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, le ministre chargé des installations classées peut fixer par arrêté, après consultation des ministres intéressés et du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques, les règles générales et prescriptions techniques applicables aux installations soumises aux dispositions de la présente section. (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 26 août 2011 du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement mentionné ci-dessus, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'installation est implantée de façon à ne pas perturber de manière significative le fonctionnement des radars et des aides à la navigation utilisés dans le cadre des missions de sécurité de la navigation aérienne et de sécurité météorologique des personnes et des biens. / A cette fin, les aérogénérateurs sont implantés dans le respect des distances minimales d'éloignement indiquées ci-dessous sauf si l'exploitant dispose de l'accord écrit du ministère en charge de l'aviation civile, de l'établissement public chargé des missions de l'Etat en matière de sécurité météorologique des personnes et des biens ou de l'autorité portuaire en charge de l'exploitation du radar. (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que la délivrance de l'autorisation d'exploiter des éoliennes implantées en deçà des distances minimales d'éloignement par rapport aux radars fixées à l'article 4 de l'arrêté du 26 août 2011 précité est subordonnée à un accord de l'opérateur du radar concerné et que la phase de concertation relative à cet accord a lieu directement entre le pétitionnaire et l'opérateur du radar, avant le dépôt du dossier de demande d'autorisation au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement ; qu'il suit de là qu'un refus d'accord recueilli par le demandeur rend impossible la constitution d'un dossier susceptible d'aboutir à une décision favorable, mettant ainsi un terme à la procédure, sauf pour l'intéressé à présenter néanmoins au préfet une demande d'autorisation nécessairement vouée au rejet, dans le seul but de faire naître une décision susceptible d'un recours à l'occasion duquel le refus d'accord pourrait être contesté ; que, dans ces conditions, le refus d'accord de l'opérateur du radar doit être regardé comme faisant grief et comme étant, par suite, susceptible d'être déféré au juge ; que, par suite, en jugeant que le refus opposé, le 2 août 2012, par le directeur régional de Météo France ouest à une demande d'accord de la société Intervent pour l'implantation d'éoliennes à une distance inférieure aux distances minimales par rapport au radar météorologique de Falaise était une décision faisant grief susceptible de recours, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Météo France n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Météo France la somme de 3 000 euros à verser à la société Intervent, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Météo France est rejeté.

Article 2 : La société Météo France versera à la société Intervent une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Météo France et à la société Intervent.
Copie en sera adressée à la ministre de l'environnement, de l'écologie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.


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