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Ariane Web: Conseil d'État 384608, lecture du 11 mai 2016, ECLI:FR:Code Inconnu:2016:384608.20160511

Décision n° 384608
11 mai 2016
Conseil d'État

N° 384608
ECLI:FR:CECHR:2016:384608.20160511
Inédit au recueil Lebon
6ème - 1ère chambres réunies
Mme Mireille Le Corre, rapporteur
Mme Suzanne Von Coester, rapporteur public
SCP SEVAUX, MATHONNET, avocats


Lecture du mercredi 11 mai 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu 1°, sous le n° 384608, la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 18 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...E...et Mme K...J..., épouseE..., demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 juin 2014 du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et du ministre du logement et de l'égalité des territoires portant déclaration d'utilité publique, en vue de l'institution de servitudes, les travaux de construction d'une ligne électrique aérienne à 225 000 volts entre les postes électriques de Pratclaux et Sanssac (département de la Haute-Loire), d'une ligne électrique aéro-souterraine à 225 000 volts entre les postes électriques de Sanssac (département de la Haute-Loire) et Rivière (département de la Loire), d'une ligne électrique aérienne à 225 000 volts entre les postes électriques de Pratclaux et Trevas (département de la Haute-Loire) et d'une ligne électrique aéro-souterraine à 225 000 volts entre les postes électriques de Trevas (département de la Haute-Loire) et Rivière (département de la Loire), sur le territoire des communes de Saint-Privat-d'Allier, Vergezac, Bains, Sanssac-l'Eglise, Polignac, Chaspinhac, Malrevers, Beaulieu, Rosières, Mézères, Saint-Julien-du-Pinet, Beaux, Saint-Maurice-de-Lignon, Les Villettes, Sainte-Sigolène, Monistrol-sur-Loire, La Séauve-sur-Semène, Saint-Didier-en-Velay, Saint-Just-Malmont, dans le département de la Haute-Loire, et Saint-Romain-les-Atheux, Saint-Genest-Malifaux, Planfoy, Saint-Etienne, dans le département de la Loire ;





2°) de mettre à la charge de la société RTE et de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu 2°, sous le n° 384867, la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 septembre 2014 et 25 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association MBE Environnement, représentée par sa présidente, M. G...D..., M. B...D..., Mme C...I..., Mme N...L..., M. H...M..., et M. F...M...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 juin 2014 du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et du ministre du logement et de l'égalité des territoires déclarent d'utilité publique, en vue de l'institution de servitudes, les travaux de construction d'une ligne électrique aérienne à 225 000 volts entre les postes électriques de Pratclaux et Sanssac (département de la Haute-Loire), d'une ligne électrique aéro-souterraine à 225 000 volts entre les postes électriques de Sanssac (département de la Haute-Loire) et Rivière (département de la Loire), d'une ligne électrique aérienne à 225 000 volts entre les postes électriques de Pratclaux et Trevas (département de la Haute-Loire) et d'une ligne électrique aéro-souterraine à 225 000 volts entre les postes électriques de Trevas (département de la Haute-Loire) et Rivière (département de la Loire), sur le territoire des communes de Saint-Privat-d'Allier, Vergezac, Bains, Sanssac-l'Eglise, Polignac, Chaspinhac, Malrevers, Beaulieu, Rosières, Mézères, Saint-Julien-du-Pinet, Beaux, Saint-Maurice-de-Lignon, Les Villettes, Sainte-Sigolène, Monistrol-sur-Loire, La Séauve-sur-Semène, Saint-Didier-en-Velay, Saint-Just-Malmont, dans le département de la Haute-Loire, et Saint-Romain-les-Atheux, Saint-Genest-Malifaux, Planfoy, Saint-Etienne, dans le département de la Loire, en tant qu'il concerne les travaux de construction de lignes électriques aéro-souterraines à deux circuits 225 000 volts des tronçons Sanssac-Rivière et Trévas Rivière ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 du Parlement européen et du Conseil ;
- le code de l'énergie ;
- le code de l'environnement ;
- le décret n° 70-492 du 11 juin 1970 ;
- l'arrêté du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d'énergie électrique ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Mireille Le Corre, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de la société RTE ;



1. Considérant que, par un arrêté du 30 juin 2014, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le ministre du logement et de l'égalité des territoires ont déclaré d'utilité publique, en vue de l'institution de servitudes, les travaux de construction d'une ligne aérienne à 225 000 volts entre les postes électriques de Pratclaux et Sanssac (département de la Haute-Loire), d'une ligne électrique aéro-souterraine à 225 000 volts entre les postes électriques de Sanssac (département de la Haute-Loire) et Rivière (département de la Loire), d'une ligne électrique aérienne à 225 000 volts entre les postes électriques de Pratclaux et Trévas (département de la Haute-Loire) et d'une ligne électrique aéro-souterraine à 225 000 volts entre les postes électriques de Trévas (département de la Haute-Loire) et Rivière (département de la Loire), sur le territoire des communes de Saint-Privat-d'Allier, Vergezac, Bains, Sanssac-l'Eglise, Polignac, Chaspinhac, Malrevers, Beaulieu, Rosières, Mézères, Saint-Julien-du-Pinet, Beaux, Saint-Maurice de-Lignon, Les Villettes, Sainte-Sigolène, Monistrol-sur-Loire, La Séauve-sur-Semène, Saint-Didier-en-Velay, Saint-Just-Malmont, dans le département de la Haute-Loire, et Saint-Roman-les-Atheux, Saint-Genest-Malifaux, Planfoy, Saint-Etienne, dans le département de la Loire ; que l'association MBE Environnement et autres demandent l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté en ce qu'il concerne les travaux de construction de lignes électriques aéro-souterraines à deux circuits 225 000 volts des tronçons Sanssac-Rivière et Trévas-Rivière ; que M. et Mme E... demandent l'annulation pour excès de pouvoir du même arrêté dans son entier ; qu'il y a lieu de joindre ces recours pour statuer par une seule décision ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe :

S'agissant de la commission nationale du débat public :

2. Considérant que les dispositions du II de l'article L. 121-8 du code de l'environnement en vertu desquelles le maître d'ouvrage, lorsqu'il rend public son projet, indique sa décision de saisir ou de ne pas saisir la commission nationale du débat public, précise les modalités de concertation qu'il s'engage à mener dans l'hypothèse où la commission ne serait pas saisie et en informe celle-ci, sont entrées en vigueur postérieurement à la date du 5 février 2010 à laquelle le projet litigieux a été rendu public ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté ;

S'agissant de la procédure préalable à la définition du " fuseau de moindre impact " :

3. Considérant que la circulaire ministérielle du 9 septembre 2002 relative au développement des réseaux publics de transport et de distribution de l'électricité, et dont l'objet est d'informer les préfets des conditions de mise en oeuvre de l'accord national " Réseaux électriques et environnement " conclu entre l'Etat, Electricité de France et RTE, a prévu, s'agissant des déclarations d'utilité publique en matière de construction de lignes électriques, une phase de concertation préalable ; que cette concertation a notamment pour objet de déterminer le " fuseau de moindre impact " à l'intérieur duquel sera défini le tracé ou l'emplacement de l'ouvrage, en identifiant les tracés les plus respectueux de l'environnement ; que cette phase intervient avant la procédure d'instruction, de concertation et d'enquête, prévue à l'article 7 du décret du 11 juin 1970 pris pour l'application de l'article 35 modifié de la loi du 8 avril 1946 concernant la procédure de déclaration d'utilité publique des travaux d'électricité et de gaz qui ne nécessitent que l'établissement de servitudes ainsi que les conditions d'établissement desdites servitudes, au terme de laquelle intervient la déclaration d'utilité publique des travaux de construction d'une ligne électrique de tensions égale ou supérieure à 225 kV ; que la définition d'un tel " fuseau de moindre impact " doit être regardée comme un simple document d'orientation élaboré dans le cadre de l'organisation des relations entre l'Etat, Electricité de France et RTE ; que les requérants ne peuvent donc se prévaloir de cette circulaire pour invoquer une insuffisance de la concertation préalable à la définition du " fuseau de moindre impact " ;

4. Considérant, la méconnaissance d'un contrat administratif, sauf s'il comporte des clauses réglementaires, ne peut être utilement invoquée à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision administrative telle qu'une déclaration d'utilité publique ; que les requérants ne peuvent ainsi se prévaloir utilement de la méconnaissance du contrat de service public conclu entre l'Etat, Electricité de France et RTE pour contester les modalités de la concertation préalable à la définition du " fuseau de moindre impact " ; que, de même, l'article L. 120-1 du code de l'environnement relatif à la participation du public aux décisions ayant une incidence sur l'environnement ne peut utilement être invoqué à l'encontre de la définition du " fuseau de moindre impact ", qui n'est, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, qu'un simple document d'orientation et n'a pas le caractère d'une décision au sens et pour l'application de cet article L. 120-1 du code de l'environnement ; qu'il ressort au demeurant des pièces du dossier que la définition du fuseau de moindre impact a fait l'objet, à l'initiative de RTE, d'une large information et d'une concertation préalable avec le public entre 2009 et 2011 ;

S'agissant de l'étude d'impact et des autres pièces du dossier d'enquête publique :

5. Considérant qu'en vertu de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, l'étude d'impact présente notamment : " (...) 7° Les mesures prévues par le pétitionnaire ou le maître de l'ouvrage pour : / - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; / - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. / La description de ces mesures doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes, de l'exposé des effets attendus de ces mesures à l'égard des impacts du projet sur les éléments visés au 3° ainsi que d'une présentation des principales modalités de suivi de ces mesures et du suivi de leurs effets sur les éléments visés au 3° ; " qu'aux termes de ce même article : " Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine (...) " ;

6. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu par les requérants, l'étude d'impact présente, dans une partie intitulée " esquisse des principales solutions de substitution ", une analyse détaillée de l'incidence sur l'environnement et la santé des différents tracés envisagés, y compris le fuseau " centre Nord " finalement retenu pour le secteur 3 " Trévas-Rivière " ; que les documents soumis à l'enquête publique ont pour objet non pas de décrire en détail la totalité des ouvrages envisagés et leur localisation exacte, mais de permettre au public de connaître la nature et l'implantation des principaux travaux envisagés et les caractéristiques générales des ouvrages les plus importants ; que, par suite, si les requérants soutiennent que l'insuffisante précision de l'étude quant au tracé de la ligne, et notamment l'implantation des pylônes, faisait obstacle à ce que le public apprécie les effets directs et indirects du projet, ni l'étude d'impact ni aucun autre élément du dossier soumis à enquête publique n'avait à indiquer une localisation exacte des pylônes, qui pouvait légalement ne pas être encore arrêtée au stade de l'enquête ; que, compte tenu de la nature de l'opération projetée, la description du milieu physique et du contexte géologique font l'objet de développements suffisants dans l'étude d'impact ; que le moyen tiré de l'insuffisance du dossier d'enquête publique et de l'étude d'impact en ce qui concerne les risques liés à un " réseau tellurique ", n'est, en tout état de cause, pas assorti de précisions de nature à permettre d'en apprécier le bien-fondé ; que, contrairement à ce qui est soutenu, l'étude d'impact n'avait pas à comporter une " étude géologique et géophysique " des sols pour évaluer de tels risques ; qu'elle prend en compte l'état actuel des connaissances scientifiques relatives au risque potentiel d'exposition à des champs électromagnétiques ; que les recommandations de l'autorité environnementale, formulées sur l'étude d'impact, lesquelles ont au demeurant été partiellement suivies par RTE, ne revêtent pas, en tout état de cause, un caractère contraignant ; que l'étude est suffisamment développée s'agissant du tracé retenu, du traitement des impacts paysagers, de l'estimation des mesures compensatoires, précisément analysées et chiffrées dans la partie VII de l'étude d'impact, et des incidences sur l'habitat, les activités de loisirs et les boisements ; que l'étude d'impact mentionne l'existence de zones " Natura 2000 " et de zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique traversées par le projet et analyse précisément l'incidence du projet sur l'avifaune ; que, dès lors, les divers moyens tirés des insuffisances de l'étude d'impact et du dossier d'enquête publique doivent être écartés ;

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté attaqué :

S'agissant des atteintes portées à l'environnement :

7. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 6, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des éléments contenus dans l'étude d'impact, que le projet n'aura pas d'incidence significative sur la protection des oiseaux, s'agissant notamment de la zone " Natura 2000 " liée à la zone de protection spéciale des " Gorges de la Loire " et de la zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique " Les gorges du Ramel " ; que des mesures d'accompagnement, d'évitement ou de compensation sont prévues ; que les moyens tirés de la méconnaissance de la directive 2009/147/CE, dite directive " oiseaux ", et des atteintes néfastes du projet à un site " Natura 2000 ", à une zone de protection spéciale et à une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique doivent, par suite, être écartés ;

S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance du principe de précaution :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la Charte de l'environnement : " Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé " ; qu'aux termes de son article 5 : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage " ; qu'aux termes du 1° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, la protection et la gestion des espaces, ressources et milieux naturels s'inspirent notamment du " principe de précaution, selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable. " ;

9. Considérant qu'une opération qui méconnaît les exigences du principe de précaution ne peut légalement être déclarée d'utilité publique ; qu'il appartient, dès lors, à l'autorité compétente de l'Etat, saisie d'une demande tendant à ce qu'un projet soit déclaré d'utilité publique, de rechercher s'il existe des éléments circonstanciés de nature à accréditer l'hypothèse d'un risque de dommage grave et irréversible pour l'environnement ou d'atteinte à l'environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé, qui justifierait, en dépit des incertitudes subsistant quant à sa réalité et à sa portée en l'état des connaissances scientifiques, l'application du principe de précaution ; que, si cette condition est remplie, il lui incombe de veiller à ce que des procédures d'évaluation du risque identifié soient mises en oeuvre par les autorités publiques ou sous leur contrôle et de vérifier que, eu égard, d'une part, à la plausibilité et à la gravité du risque, d'autre part, à l'intérêt de l'opération, les mesures de précaution dont l'opération est assortie afin d'éviter la réalisation du dommage ne sont ni insuffisantes, ni excessives ; qu'il appartient au juge, saisi de conclusions dirigées contre l'acte déclaratif d'utilité publique et au vu de l'argumentation dont il est saisi, de vérifier que l'application du principe de précaution est justifiée, puis de s'assurer de la réalité des procédures d'évaluation du risque mises en oeuvre et de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation dans le choix des mesures de précaution ;

10. Considérant que, si aucun lien de cause à effet entre l'exposition résidentielle à des champs électromagnétiques de très basse fréquence et un risque accru de survenance de leucémie chez l'enfant n'a été démontré, plusieurs études ont mis en évidence une certaine corrélation statistique à proximité des lignes à très haute tension entre le facteur de risque invoqué par les requérants et l'occurrence d'une telle pathologie supérieure à la moyenne ; que, si certaines études récentes arrivent à des conclusions différentes sur la corrélation statistique entre la présence des ouvrages et les leucémies infantiles, les éléments du dossier peuvent justifier, au vu des éléments sur la connaissance de ce risque, l'application du principe de précaution ; qu'en revanche, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autres risques invoqués par les requérants, tels que ceux liés à un " réseau tellurique " étaient, à la date de l'arrêté attaqué, étayés par des éléments suffisamment circonstanciés pour justifier l'application de ce principe ;

11. Considérant que si les requérants soutiennent que le projet litigieux est de nature à faire courir un risque à la personne humaine, il ressort des pièces du dossier qu'a été pris en compte, dans l'étude d'impact, ainsi que cela a été dit au point 6, l'état actuel des connaissances scientifiques relatives au risque potentiel d'exposition à des champs électromagnétiques de très basse fréquence ; que RTE a respecté la norme imposée par l'article 12 bis de l'arrêté du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d'énergie électrique, relatif à la limitation de l'exposition aux champs électromagnétiques, aux termes duquel : " Limitation de l'exposition des tiers aux champs électromagnétiques. / Pour les réseaux électriques en courant alternatif, la position des ouvrages par rapport aux lieux normalement accessibles aux tiers doit être telle que le champ électrique résultant en ces lieux n'excède pas 5 kV/m et que le champ magnétique associé n'excède pas 100 micro T dans les conditions de fonctionnement en régime de service permanent. " ; que le projet se substitue à un ouvrage similaire et est de nature à réduire substantiellement, par rapport à la situation précédente, les risques éventuels pour les populations concernées ; que les villages de Chazelle et Neyret se situent à plus de 300 mètres du tracé, à une distance à laquelle les champs électromagnétiques sont imperceptibles ; que le tracé évite systématiquement les zones peuplées et les surplombs d'habitations ; qu'eu égard aux risques éventuellement en cause, les mesures prises ne peuvent être regardées comme manifestement insuffisantes ; qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de précaution doit être écarté ;

S'agissant de l'utilité publique du projet :

12. Considérant qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à l'environnement et à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ; que, dans l'hypothèse où un projet comporterait un risque potentiel justifiant qu'il soit fait application du principe de précaution, cette appréciation est portée en tenant compte, au titre des inconvénients d'ordre social du projet, de ce risque de dommage tel qu'il est prévenu par les mesures de précaution arrêtées et des inconvénients supplémentaires pouvant résulter de ces mesures et, au titre de son coût financier, du coût de ces dernières ;

13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux, qui a pour objet, en remplaçant les installations existantes de transport d'électricité, qui ont un âge moyen de 70 ans et sont techniquement fragiles et de capacité insuffisante, par une ligne de 225 kV dite " double circuit ", de mettre le réseau électrique à même de répondre, en sécurité, aux besoins liés au développement du territoire, est en lui-même, d'utilité publique ;

14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les atteintes au cadre de vie, aux paysages et au milieu naturel invoquées par les requérants ne sont pas, compte tenu des diverses mesures d'accompagnement, d'évitement ou de compensation retenues par la société RTE, consistant notamment en des opérations de mise en souterrain de certains tronçons, de reboisement ou de plantation de haies, la création de zones humides et la mise en oeuvre d'action de protection des espèces d'oiseaux protégés ainsi que de son coût qui n'est pas excessif et des mesures prises pour satisfaire aux exigences du principe de précaution, de nature à retirer à l'ouvrage son caractère d'utilité publique ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la société RTE, que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté qu'ils attaquent ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'association MBE Environnement et autres la somme de 3 000 euros à verser à la société RTE et à la charge de M. et Mme E...la somme de 1 000 euros à verser à la société RTE, au titre des mêmes dispositions.


D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de l'association MBE Environnement et autres et de M. et Mme E... sont rejetées.

Article 2 : L'association MBE Environnement et autres verseront à la société RTE la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. et Mme E...verseront à la société RTE la somme de 1 000 euros au titre des mêmes dispositions.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association MBE Environnement, à M. G...D..., à M. B...D..., à Mme C...I..., à Mme N...L..., à M. H... M..., à M. F...M..., à M. A...E..., à Mme K...J..., épouseE..., à la société RTE et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.