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Ariane Web: Conseil d'État 389636, lecture du 13 mai 2016, ECLI:FR:CECHS:2016:389636.20160513

Décision n° 389636
13 mai 2016
Conseil d'État

N° 389636
ECLI:FR:CECHS:2016:389636.20160513
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
M. Marc Thoumelou, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public


Lecture du vendredi 13 mai 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 20 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département des Ardennes, le département de l'Aveyron, le département du Calvados, le département d'Eure-et-Loir, le département des Hauts-de-Seine, le département du Haut-Rhin, le département du Loir-et-Cher, le département du Loiret et le département de l'Yonne demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire du 17 février 2015 du garde des sceaux, ministre de la justice relative aux modalités de prise en charge des mineurs isolés étrangers suite à la décision du Conseil d'Etat du 30 janvier 2015 portant sur la légalité de la circulaire du 31 mai 2013 relative aux modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers : dispositif national de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à chacun d'eux, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code civil ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Thoumelou, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;




Considérant ce qui suit :

Sur l'intervention du département de Vaucluse :

1. Le département de Vaucluse justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation des dispositions impératives de la circulaire attaquée. Son intervention au soutien de la requête est donc recevable.

Sur les conclusions des départements requérants tendant à l'annulation de la circulaire du 17 février 2015 :

2. Aux termes de l'article 375-1 du code civil : " Le juge des enfants (...) doit toujours (...) se prononcer en stricte considération de l'intérêt de l'enfant ". Aux termes de l'article 375-3 du même code : " Si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants peut décider de le confier : (...) 3° A un service départemental de l'aide sociale à l'enfance (...) ". Aux termes de l'article 375-5 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la circulaire attaquée : " A titre provisoire mais à charge d'appel, le juge peut, pendant l'instance, (...) prendre l'une des mesures prévues aux articles 375-3 et 375-4. / En cas d'urgence, le procureur de la République du lieu où le mineur a été trouvé a le même pouvoir, à charge de saisir dans les huit jours le juge compétent, qui maintiendra, modifiera ou rapportera la mesure (...) ". Enfin, aux termes du troisième alinéa de l'article 375-7 du même code : " Le lieu d'accueil de l'enfant doit être recherché dans l'intérêt de celui-ci et afin de faciliter l'exercice du droit de visite et d'hébergement par le ou les parents et le maintien de ses liens avec ses frères et soeurs en application de l'article 371-5 ".

3. La circulaire attaquée n'a pas d'autre objet que de donner, à l'intention des procureurs généraux près les cours d'appel, du procureur de la République près le tribunal supérieur d'appel, des procureurs de la République près les tribunaux de grande instance et des directeurs interrégionaux de la protection judiciaire de la jeunesse, l'interprétation qu'il convient d'adopter de ces dispositions, pour la prise en charge des mineurs isolés étrangers, à la suite de la décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, du 30 janvier 2015 qui a partiellement annulé la circulaire du 31 mai 2013 relative aux modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers.

4. Postérieurement à l'introduction de la requête, est intervenue la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant. Son article 49 complète l'article 375-5 du code civil par deux alinéas ainsi rédigés : " Lorsqu'un service de l'aide sociale à l'enfance signale la situation d'un mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, selon le cas, le procureur de la République ou le juge des enfants demande au ministère de la justice de lui communiquer, pour chaque département, les informations permettant l'orientation du mineur concerné. / Le procureur de la République ou le juge des enfants prend sa décision en stricte considération de l'intérêt de l'enfant, qu'il apprécie notamment à partir des éléments ainsi transmis pour garantir des modalités d'accueil adaptées ". Son article 48 insère dans le code de l'action sociale et des familles un article L. 221-2-2 qui prévoit que : " Pour permettre l'application du troisième alinéa de l'article 375-5 du code civil, le président du conseil départemental transmet au ministre de la justice les informations dont il dispose sur le nombre de mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille dans le département. Le ministre de la justice fixe les objectifs de répartition proportionnée des accueils de ces mineurs entre les départements, en fonction de critères démographiques et d'éloignement géographique (...) ".

5. Les dispositions de la loi du 14 mars 2016 modifient ainsi les dispositions du code civil et du code de l'action sociale et des familles en ce qui concerne les modalités d'orientation des mineurs isolés, qui font l'objet de l'interprétation litigieuse développée par la circulaire attaquée. Les dispositions contestées sont, par suite, devenues caduques. Dès lors, les conclusions de la requête tendant à l'annulation de cette circulaire ont perdu leur objet.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le département des Ardennes et les autres départements requérants à ce titre.


D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention du département de Vaucluse est admise.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête du département des Ardennes et des autres départements requérants aux fins d'annulation de la circulaire du garde des sceaux, ministre de la justice, du 17 février 2015.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au département des Ardennes, au département de l'Aveyron, au département du Calvados, au département d'Eure-et-Loir, au département des Hauts-de-Seine, au département du Haut-Rhin, au département du Loir-et-Cher, au département du Loiret, au département de l'Yonne, au département de Vaucluse et au garde des sceaux, ministre de la justice.