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Ariane Web: Conseil d'État 375779, lecture du 20 mai 2016, ECLI:FR:CECHS:2016:375779.20160520

Décision n° 375779
20 mai 2016
Conseil d'État

N° 375779
ECLI:FR:CECHS:2016:375779.20160520
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre
Mme Célia Verot, rapporteur
M. Vincent Daumas, rapporteur public
SCP GASCHIGNARD ; SCP MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT, avocats


Lecture du vendredi 20 mai 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





Vu la procédure suivante :

L'association " Avenir d'Alet " et l'association " Collectif aletois gestion publique de l'eau " ont demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du conseil municipal d'Alet-les-Bains du 14 avril 2008 décidant de confier à la société des eaux d'Alet l'exploitation d'un captage d'eau en vue d'un embouteillage et d'une activité thermale et autorisant le maire à signer le contrat correspondant, d'autre part, d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 14 septembre 2009 du même conseil municipal autorisant son maire à signer un avenant à la convention conclue avec la société des eaux d'Alet, enfin, d'enjoindre à la commune d'Alet-les-Bains de saisir le juge du contrat afin qu'il en prononce la résolution à moins d'une résolution amiable entre les parties. Par un jugement n° 0802495-0904942 en date du 4 février 2011, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 11MA01389, 11MA01411 en date du 23 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Marseille, faisant partiellement droit à l'appel des associations " Avenir d'Alet " et " Collectif aletois gestion publique de l'eau ", a annulé la délibération 14 avril 2008, réformé le jugement du tribunal administratif de Montpellier en ce sens et rejeté le surplus de leurs conclusions.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 février et 26 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " Avenir d'Alet " et l'association " Collectif aletois gestion publique de l'eau " demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 4 de cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la commune d'Alet-les-Bains la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Célia Verot, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de l'Association Avenir d'Alet et de l'association collectif aletois gestion publique de l'eau et à la SCP Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de la commune d'Alet-les-Bains ;


Considérant ce qui suit :

1. Considérant que par un arrêt du 23 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Marseille a, à la demande de l'association " Avenir d'Alet " et de l'association " Collectif aletois gestion publique de l'eau ", annulé la délibération du 14 avril 2008 du conseil municipal de la commune d'Alet-les-Bains autorisant la signature par le maire d'une convention avec la société des eaux d'Alet portant concession de l'exploitation de la source " émergence forée des eaux chaudes " située sur le territoire de la commune ; que les associations requérantes demandent l'annulation de l'arrêt attaqué en tant que celui-ci a rejeté le surplus de leurs conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 14 septembre 2009 autorisant la signature d'un avenant à cette convention, relatif à la localisation de l'usine d'embouteillage, ainsi que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au maire d'Alet-les-Bains de saisir le juge du contrat afin qu'il prononce la nullité ou la résolution de la convention ;

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette les conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 14 septembre 2009 :

2. Considérant qu'en jugeant que les associations requérantes n'avaient fourni aucun élément permettant de supposer que le débit d'eau accordé à la société des eaux d'Alet et destiné à l'embouteillage se ferait au détriment des besoins d'alimentation du réseau public de l'eau potable, la cour administrative d'appel n'a commis ni erreur de droit ni dénaturation des pièces du dossier et suffisamment motivé son arrêt ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre du conseil municipal a le droit d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération " ; que si les membres du conseil municipal tiennent de leur qualité de membres de l'assemblée municipale appelés à délibérer sur les affaires de la commune, le droit d'être informés de tout ce qui touche à ces affaires dans des conditions leur permettant de remplir normalement leur mandat et s'ils doivent disposer des projets de délibérations et des documents préparatoires qui les accompagnent au début des séances au cours desquelles ces projets doivent être soumis au vote du conseil municipal, ni les dispositions de l'article L. 2121-13 précitées, ni aucun principe n'imposait toutefois au maire de communiquer aux conseillers municipaux le projet d'avenant préalablement aux séances du conseil municipal en l'absence d'une demande de leur part ; qu'ainsi, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que ces dispositions n'imposaient pas que les éléments essentiels du projet d'avenant soient communiqués spontanément aux membres du conseil municipal en l'absence d'une demande de leur part ;

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette les conclusions à fins d'injonction :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi :

4. Considérant que l'annulation d'un acte détachable d'un contrat n'implique pas nécessairement la nullité dudit contrat ; qu'il appartient au juge de l'exécution, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, d'enjoindre à la personne publique de résilier le contrat, le cas échéant avec un effet différé, soit, eu égard à une illégalité d'une particulière gravité, d'inviter les parties à résoudre leurs relations contractuelles ou, à défaut d'entente sur cette résolution, à saisir le juge du contrat afin qu'il en règle les modalités s'il estime que la résolution peut être une solution appropriée ; que, s'il s'agit notamment d'un vice de forme ou de procédure propre à l'acte détachable et affectant les modalités selon lesquelles la personne publique a donné son consentement, sa régularisation peut résulter d'un nouvel acte d'approbation avec effet rétroactif, dépourvu du vice ayant entaché l'acte annulé ;

5. Considérant que la cour administrative d'appel a annulé la délibération du 14 avril 2008 autorisant la signature de la convention de concession au motif que le conseil municipal ne s'était pas prononcé sur tous les éléments essentiels du contrat à intervenir, notamment les conditions de la répartition des avantages et des charges liées à l'exploitation du forage, en méconnaissance de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales ; qu'en se fondant, pour rejeter les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au maire d'Alet-les-Bains de saisir le juge du contrat afin qu'il prononce la nullité ou la résolution de la convention, sur l'approbation par le conseil municipal le 14 septembre 2009 d'un avenant à cette convention par laquelle celui-ci aurait nécessairement donné son approbation sur les éléments de la convention initiale et en jugeant l'illégalité ainsi régularisée, sans rechercher si, compte tenu de l'argumentation dont elle était saisie, le conseil municipal avait effectivement délibéré sur tous les éléments essentiels du contrat à intervenir et si la délibération du 14 septembre 2009 pouvait être regardée comme un nouvel acte d'approbation dépourvu du vice ayant entaché la délibération initiale, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les associations requérantes sont seulement fondées à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette leur conclusions à fins d'injonction ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

7. Considérant que la société des eaux d'Alet a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 9 mai 2011 du tribunal de commerce de Carcassonne ; que, depuis cette date, la société a été dissoute et l'exploitation a cessé ; que la commune d'Alet-les-Bains a demandé, le 15 avril 2013, la résiliation de la concession ; que, dans ces conditions, les conclusions présentées par les associations requérantes tendant à ce qu'il soit enjoint au maire d'Alet-les-Bains de saisir le juge du contrat afin qu'il prononce la nullité ou la résolution de la convention sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'association " Avenir d'Alet " et de l'association " Collectif aletois gestion publique de l'eau ", qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Alet-les-Bains la somme demandée par l'association " Avenir d'Alet " et de l'association " Collectif aletois gestion publique de l'eau " au titre de ces mêmes dispositions ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 23 décembre 2011 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il rejette les conclusions à fins d'injonction.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur conclusions de l'association " Avenir d'Alet " et de l'association " Collectif aletois gestion publique de l'eau " tendant à ce qu'il soit enjoint au maire d'Alet-les-Bains de saisir le juge du contrat afin qu'il prononce la nullité ou la résolution de la convention.
Article 3 : Le surplus des conclusions de l'association " Avenir d'Alet " et de l'association " Collectif aletois gestion publique de l'eau " présentées devant le Conseil d'Etat et la cour administrative d'appel de Marseille est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association " Avenir d'Alet ", à l'association " Collectif aletois gestion publique de l'eau " et à la commune d'Alet-les-Bains.


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