Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 397364, lecture du 20 mai 2016, ECLI:FR:CECHR:2016:397364.20160520

Décision n° 397364
20 mai 2016
Conseil d'État

N° 397364
ECLI:FR:CECHR:2016:397364.20160520
Inédit au recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
Mme Célia Verot, rapporteur
Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public


Lecture du vendredi 20 mai 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par un mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 février et 28 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, l'Assemblée des départements de France demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la circulaire du ministre de l'intérieur, de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, et du secrétaire d'Etat à la réforme territoriale du 22 décembre 2015 relative à la nouvelle répartition des compétences en matière d'interventions économiques des collectivités territoriales et de leurs groupements issue de l'application de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 4251-16 du code général des collectivités territoriales.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Célia Verot, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;



1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 4251-13 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l'article 2 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, la région élabore un schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation, qui définit notamment les orientations en matière d'aides aux entreprises, de soutien à l'internationalisation et d'aides à l'investissement immobilier et à l'innovation des entreprises, ainsi que les orientations relatives à l'attractivité du territoire régional, en organisant, sur le territoire régional, la complémentarité des actions menées par la région en matière d'aides aux entreprises avec les actions menées par les autres collectivités territoriales et leurs groupements ; qu'en vertu de l'article L. 4251-17 du même code, les actes des collectivités territoriales et de leurs groupements en matière d'aides aux entreprises doivent être compatibles avec le schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 4251-15, les orientations du schéma applicables sur le territoire d'une métropole sont élaborées et adoptées conjointement par le conseil de la métropole concerné et le conseil régional ou, à défaut d'accord, par la métropole, qui élabore un document d'orientations stratégiques prenant en compte le schéma régional ; qu'aux termes de l'article L. 4251-16 : " Le schéma régional et, le cas échéant, le document d'orientations stratégiques mentionné à l'article L. 4251-15 sont approuvés par arrêté du représentant de l'Etat dans la région. / Ce dernier s'assure du respect, par le conseil régional et, le cas échéant, par le conseil de la métropole, de la procédure d'élaboration prévue au présent chapitre et de la préservation des intérêts nationaux. / S'il n'approuve pas le schéma, le représentant de l'Etat dans la région le notifie au conseil régional par une décision motivée, qui précise les modifications à apporter au schéma. Le conseil régional dispose d'un délai de trois mois à compter de la notification pour prendre en compte les modifications demandées. / S'il n'approuve pas le document d'orientations stratégiques, le représentant de l'Etat dans la région le notifie au conseil de la métropole par une décision motivée, qui précise les modifications à apporter au document. Le conseil de la métropole dispose d'un délai de trois mois à compter de la notification pour prendre en compte les modifications demandées " ;

4. Considérant que l'Assemblée des départements de France soutient que les dispositions de l'article L. 4251-16 du code général des collectivités territoriales méconnaissent l'article 72 de la Constitution en subordonnant la reconnaissance du caractère exécutoire du schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation et du document d'orientations stratégiques métropolitain à l'approbation préalable du représentant de l'Etat ;

5. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution : " Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leur compétence " ; qu'aux termes du dernier alinéa du même article : " Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'Etat, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois " ; qu'il résulte de ces dispositions que la loi fixe les conditions de la libre administration des collectivités territoriales sous réserve que le contrôle administratif par le représentant de l'Etat permette d'assurer le respect des lois et la sauvegarde des intérêts nationaux ; que le législateur n'a pas privé de garanties suffisantes l'exercice de la libre administration des collectivités territoriales en soumettant le schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation à l'approbation préalable du représentant de l'Etat en vue d'assurer, sous le contrôle du juge, le respect de la légalité, notamment le respect des obligations internationales de la France, et des intérêts nationaux ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée par l'Assemblée des départements de France, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'il n'y a donc pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;



D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'Assemblée des départements de France.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Assemblée des départements de France, au Premier ministre, au ministre de l'intérieur et au ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.