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Ariane Web: Conseil d'État 395098, lecture du 30 mai 2016, ECLI:FR:CECHS:2016:395098.20160530

Décision n° 395098
30 mai 2016
Conseil d'État

N° 395098
ECLI:FR:CECHS:2016:395098.20160530
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre
M. Olivier Rousselle, rapporteur
SCP DELAPORTE, BRIARD ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN, avocats


Lecture du lundi 30 mai 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

La SCI Mesondubonheur a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution du titre exécutoire émis à son encontre le 24 août 2015 par le maire de Perpignan pour un montant de 64 447, 66 euros correspondant au coût des travaux réalisés d'office dans le cadre de la procédure de péril imminent relative à l'immeuble situé 9, rue des Farines. Par une ordonnance n°1505485 du 9 novembre 2015, le juge des référés a rejeté sa demande.

Par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 8 et 22 décembre 2015, la SCI Mesondubonheur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de suspension ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Perpignan la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la SCI Mesondubonheur et à la SCP Delaporte, Briard, avocat de la commune de Perpignan ;


1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) " ;

2. Considérant que, par l'ordonnance attaquée du 9 novembre 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la SCI Mesondubonheur tendant à la suspension de l'exécution du titre exécutoire émis à son encontre le 24 août 2015 par le maire de Perpignan en vue du recouvrement du coût des travaux exécutés d'office dans le cadre de la procédure de péril imminent relative à l'immeuble situé 9, rue des Farines ;

3. Considérant qu'en vertu de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation relatif à la procédure de péril imminent, lorsque les mesures provisoires ordonnées par le maire pour garantir la sécurité n'ont pas été exécutées par le propriétaire de l'immeuble dans le délai qui lui était imparti, le maire les fait exécuter d'office en agissant en lieu et place de l'intéressé, pour son compte et à ses frais ; qu'aux termes de l'article R. 511-5 du même code : " La créance de la commune sur les propriétaires ou exploitants née de l'exécution d'office des travaux prescrits en application des articles L. 511-2 et L. 511-3 comprend le coût de l'ensemble des mesures que cette exécution a rendu nécessaires, notamment celui des travaux destinés à assurer la sécurité de l'ouvrage ou celle des bâtiments mitoyens, les frais exposés par la commune agissant en qualité de maître d'ouvrage public et, le cas échéant, la rémunération de l'expert nommé par le juge administratif " ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le 13 janvier 2014, l'immeuble situé 7 rue des Farines à Perpignan s'est effondré et a fragilisé l'immeuble mitoyen situé 9 rue des Farines, appartenant à la SCI Mesondubonheur ; que par un arrêté du 17 janvier 2014 , le maire de Perpignan a interdit temporairement l'habitation dans l'immeuble situé 7 rue des Farines, puis, par un second arrêté du 13 février 2014, a prescrit à la SCI Mesondubonheur de réaliser les travaux de confortement de son immeuble ; que si les travaux d'étaiement qui ont été exécutés à l'intérieur de l'immeuble dont la SCI est propriétaire au 9, rue des Farines, n'ont pas été prescrits par l'arrêté de péril pris le 13 février 2014 par le maire de Perpignan, mais par l'arrêté du 17 janvier 2014 relatif à l'immeuble mitoyen situé au 7 de la même rue, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que ces travaux d'extrême urgence ont été réalisés avec l'accord de la SCI Mesondubonheur, qui ne s'est pas opposée à ce que la commune les réalise d'office et sans délai ; que, dès lors, en estimant que ne soulevait pas un doute sérieux le moyen tiré de ce que le coût des travaux en cause ne pouvait être mis à la charge de la SCI Mesondubonheur, qui était étrangère à la procédure de péril imminent relative à l'immeuble du 7 rue des Farines, le juge des référés n'a, eu égard à son office, pas commis d'erreur de droit et n'a pas dénaturé les pièces du dossier ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'en jugeant que n'était pas de nature à faire naître un doute sérieux le moyen tiré de ce que le coût des travaux de confortement du mur mitoyen séparant les deux immeubles auraient dû être répartis entre leurs propriétaires respectifs, le juge des référés n'a pas davantage entaché son ordonnance d'erreur de droit, eu égard à son office, ni de dénaturation, dès lors que les travaux en cause ont été prescrits aux deux propriétaires et que seuls les travaux de renfort du mur mitoyen ont été mis à la charge de la SCI Mesondubonheur , tandis que les frais de l'installation d'une structure métallique entre les bâtiments ont été mis à la charge du propriétaire de l'immeuble du 7 rue des Farines ;

6. Considérant, en troisième lieu, que, d'une part, aux termes de l'article R. 621-13 du code de justice administrative, applicable aux expertises ordonnées dans le cadre d'une procédure de référé : " (...) le président du tribunal (...) en fixe les frais et honoraires par une ordonnance (...). Cette ordonnance désigne la ou les parties qui assumeront la charge de ces frais et honoraires (...). Elle peut faire l'objet, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, du recours prévu à l'article R. 761-5 (...) " ; que, d'autre part, aux termes de l'article R. 511-5 du code de la construction et de l'habitation : " La créance de la commune sur les propriétaires (...) née de l'exécution d'office des travaux prescrits en application des articles L. 511-2 et L. 511-3 comprend (...) le cas échéant la rémunération de l'expert nommé par le juge administratif " ; que si, par une ordonnance du 14 mars 2014, le président du tribunal administratif de Montpellier a, en application de l'article R. 621-13 du code de justice administrative, taxé les frais d'expertise en les mettant à charge de la commune, cette ordonnance ne faisait pas obstacle à ce que, sur le fondement de l'article R. 511-5 du code de la construction et de l'habitation, le maire inclue ces frais d'expertise dans le montant de la somme dont le paiement est réclamée à la SCI Mesondubonheur ; qu'ainsi en ne retenant pas le moyen tiré de ce que les frais en cause ne pouvaient être mis à la charge de la requérante, le juge des référés n'a pas, eu égard à son office, commis d'erreur de droit ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la SCI Mesondubonheur doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Mesondubonheur la somme de 3 000 euros à verser à la commune de Perpignan au même titre ;


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la SCI Mesondubonheur est rejeté.

Article 2 : La SCI Mesondubonheur versera à la commune de Perpignan la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SCI Mesondubonheur et à la commune de Perpignan.