Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 390647, lecture du 1 juin 2016, ECLI:FR:CECHR:2016:390647.20160601

Décision n° 390647
1 juin 2016
Conseil d'État

N° 390647
ECLI:FR:CECHR:2016:390647.20160601
Inédit au recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur
M. Gilles Pellissier, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP THOUIN-PALAT, BOUCARD, avocats


Lecture du mercredi 1 juin 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 390647, par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 juin, 4 juin et 16 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département des Yvelines demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-525 du 12 mai 2015 portant dissolution au 31 décembre 2015 des établissements publics fonciers des Hauts-de-Seine, du Val-d'Oise et des Yvelines et modifiant le décret n° 2006-1140 du 13 septembre 2006 portant création de l'Etablissement public foncier d'Ile-de-France ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 390708, par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 juin, 4 juin et 16 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département du Val-d'Oise demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-525 du 12 mai 2015 portant dissolution au 31 décembre 2015 des établissements publics fonciers des Hauts-de-Seine, du Val-d'Oise et des Yvelines et modifiant le décret n° 2006-1140 du 13 septembre 2006 portant création de l'Etablissement public foncier d'Ile-de-France ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

3° Sous le n° 391627, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 juillet et 21 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département des Hauts de-Seine demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-525 du 12 mai 2015 portant dissolution au 31 décembre 2015 des établissements publics fonciers des Hauts-de-Seine, du Val-d'Oise et des Yvelines et modifiant le décret n° 2006-1140 du 13 septembre 2006 portant création de l'Etablissement public foncier d'Ile-de-France ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 ;
- le décret n° 2006-1140 du 13 septembre 2006 ;
- le décret n° 2006-1141 du 13 septembre 2006 ;
- le décret n° 2006-1142 du 13 septembre 2006 ;
- le décret n° 2006-1143 du 13 septembre 2006 ;
- le décret n° 2015-525 du 12 mai 2015 ;
- la décision n°s 390647, 390708 du 3 juillet 2015 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les départements des Yvelines et du Val-d'Oise ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat du département des Yvelines, à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat du département du Val-d'Oise et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du département des Hauts-de-Seine ;


1. Considérant que les requêtes du département des Yvelines, du département du Val-d'Oise et du département des Hauts-de-Seine sont dirigées contre le même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant que l'article 17 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles a modifié l'article L. 321-1 du code de l'urbanisme pour disposer que la région d'Ile-de-France ne compterait désormais qu'un seul établissement public foncier de l'Etat et qu'au plus tard le 31 décembre 2015, l'établissement public foncier de l'Etat de la région d'Ile-de-France dont le périmètre est le plus large serait substitué aux autres établissements publics fonciers de l'Etat existant dans cette région ; qu'en application de ces dispositions, le décret attaqué du 12 mai 2015 a modifié le décret du 13 septembre 2006 portant création de l'établissement public foncier d'Ile-de-France, notamment en ses dispositions relatives à ses missions et à son conseil d'administration, et a dissous à compter du 31 décembre 2015 les établissements publics fonciers des Hauts-de-Seine, du Val-d'Oise et des Yvelines, créés par des décrets du 13 septembre 2006 ;

Sur les interventions du département des Hauts-de-Seine :

3. Considérant que le département des Hauts-de-Seine justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation du décret attaqué ; qu'ainsi ses interventions au soutien des requêtes n°s 390647 et 390708 sont recevables ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 321-2 du code de l'urbanisme : " Sous réserve de l'accord prévu au premier alinéa de l'article L. 321-1, les établissements publics fonciers de l'Etat sont créés par décret en Conseil d'Etat après avis des conseils régionaux, des conseils départementaux, des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre compétents en matière de plan local d'urbanisme ainsi que des conseils municipaux des communes de 20 000 habitants et plus non membres de ces établissements, situés dans leur périmètre de compétence (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que la procédure de consultation qu'elles prévoient est également applicable, eu égard à son objet, préalablement à la dissolution d'un établissement public foncier de l'Etat ;

5. Considérant, en premier lieu, que les requérants ne sauraient utilement soutenir que la consultation des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale à laquelle il a été procédé en application de l'article L. 321-2 du code de l'urbanisme aurait été privée de portée utile, au motif qu'elle ne pouvait permettre de remettre en cause le principe de la substitution d'un seul établissement public foncier de l'Etat aux autres établissements de la région Ile-de-France, dès lors que ce choix résulte, ainsi qu'il l'a été indiqué au point 2, de dispositions législatives ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que ni les dispositions citées au point 4 ni aucun principe ne faisaient obstacle à ce que l'administration procédât, à titre facultatif, à la consultation d'autres personnes publiques susceptibles d'être concernées par le projet de texte ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le décret attaqué a été pris au terme d'une procédure irrégulière du fait qu'ont également été consultées des collectivités qui n'avaient pas à l'être en application de l'article L. 321-2 du code de l'urbanisme ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier que l'ensemble des questions soulevées par les dispositions du décret litigieux ont été soumises aux collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale consultés en application de l'article L. 321-2 du code de l'urbanisme ; que, dès lors, ni la différence de rédaction de la disposition relative aux modalités de l'élection de l'un des deux vice-présidents du conseil d'administration de l'établissement public foncier d'Ile-de-France contenue dans le projet de décret par rapport à celle contenue dans la version consolidée du projet, ni les prétendues obscurités ou inexactitudes du projet de décret ne sauraient être regardées comme ayant entaché d'irrégularité la consultation des ces organismes ;

Sur la légalité interne du décret attaqué :

8. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 321-8 du code de l'urbanisme : " Le conseil d'administration est composé de représentants de l'Etat et, pour au moins la moitié, de membres représentant les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre désignés dans les conditions définies à l'article L. 321-9 " ; que selon l'article L. 321-9 du même code : " Les régions et les départements sont chacun représentés au conseil d'administration par un ou plusieurs membres désignés, respectivement, par leur organe délibérant. / Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et les communes non membres de ces établissements sont représentés directement ou indirectement (...) " ; qu'en vertu de l'article L. 5219-1 du code général des collectivités territoriales, la métropole du Grand Paris est un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre à statut particulier regroupant la commune de Paris, l'ensemble des communes des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ainsi que d'autres communes limitrophes ; que l'article R*. 321-1 du code de l'urbanisme dispose : " Le décret constitutif de l'établissement public détermine son objet, son périmètre de compétence et éventuellement sa durée. / Il fixe ses statuts, notamment en ce qui concerne : - la composition du conseil d'administration (...) ; / - les pouvoirs du conseil d'administration (...) ; "

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la métropole du Grand Paris réunit environ 6,7 millions d'habitants, soit plus de 56 % de la population francilienne ; qu'ainsi, eu égard à son poids démographique et à sa place au sein de la région Ile de France, le décret attaqué a pu prévoir, sans méconnaître le principe d'égalité, que, parmi les représentants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et des communes non membres de ces établissements siégeant au sein du conseil d'administration de l'établissement public foncier d'Ile-de-France, la métropole du Grand Paris disposera, à elle seule, d'un nombre de représentants égal à celui des représentants des autres établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont le siège est situé dans les départements de l'Essonne, de Seine-et-Marne, du Val-d'Oise et des Yvelines et des communes non membres de ces établissements, qui regroupent un peu moins de 44 % de la population régionale ;

10. Considérant, en dernier lieu, d'une part, que dès lors que la dissolution des établissements publics fonciers départementaux concernés résulte de l'article 17 de la loi du 27 janvier 2014, il ne peut être utilement soutenu que les dispositions du décret attaqué qui mettent en oeuvre ces dispositions législatives sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elles tendraient à désorganiser la politique foncière départementale et le modèle de décision de proximité qui prévalaient jusqu'à leur entrée en vigueur ; que, d'autre part, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des propres termes du décret attaqué, dont les dispositions transitoires prévoient notamment que le nouvel établissement public foncier d'Ile-de-France reprend les biens, droits et obligations des établissements dissous, ainsi que les personnels qui y étaient précédemment affectés, que les dispositions critiquées du décret du 12 mai 2015 relatives au mode d'organisation du nouvel établissement public foncier seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requêtes des départements des Yvelines, du Val-d'Oise et des Hauts-de-Seine doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;


D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les interventions du département des Hauts-de-Seine sont admises.
Article 2 : Les requêtes du département des Yvelines, du département du Val-d'Oise et du département des Hauts-de-Seine sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par le département des Hauts-de-Seine en sa qualité d'intervenant et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, au département des Yvelines, au département du Val-d'Oise et au département des Hauts-de-Seine.


Voir aussi