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Ariane Web: Conseil d'État 384492, lecture du 27 juin 2016, ECLI:FR:Code Inconnu:2016:384492.20160627

Décision n° 384492
27 juin 2016
Conseil d'État

N° 384492
ECLI:FR:CECHR:2016:384492.20160627
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 4ème chambres réunies
M. Lionel Collet, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public


Lecture du lundi 27 juin 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 7 200 euros en réparation des préjudices résultant de son absence de relogement. Par un jugement n° 1318115 du 17 juin 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a condamné l'Etat à lui verser une somme de 1 400 euros.

Par une ordonnance n° 14PA03790 du 8 septembre 2014, enregistrée le 15 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 18 août 2014 au greffe de cette cour, présenté par la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité. Par ce pourvoi, la ministre demande :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lionel Collet, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;




1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un jugement du 25 juin 2013, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris, saisi par M. A...sur le fondement du I de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, a enjoint au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris d'assurer le relogement de l'intéressé, de sa conjointe et de leurs deux enfants, sous une astreinte de 900 euros par mois de retard à compter du 1er septembre 2013 ; que, par un jugement du 17 juin 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif, constatant le défaut d'exécution du jugement du 25 juin 2013, a condamné l'Etat à verser 1 400 euros à M. A... en réparation des préjudices résultant de la carence de l'administration ; que le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité se pourvoit en cassation contre ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation : " (...) / Dans un délai fixé par décret, la commission de médiation désigne les demandeurs qu'elle reconnaît prioritaires et auxquels un logement doit être attribué en urgence. Elle détermine pour chaque demandeur, en tenant compte de ses besoins et de ses capacités, les caractéristiques de ce logement ... / La commission de médiation transmet au représentant de l'Etat dans le département la liste des demandeurs auxquels doit être attribué en urgence un logement. (...) / (...) le représentant de l'Etat dans le département désigne chaque demandeur à un organisme bailleur disposant de logements correspondant à la demande. (...) / En cas de refus de l'organisme de loger le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département qui l'a désigné procède à l'attribution d'un logement correspondant aux besoins et aux capacités du demandeur sur ses droits de réservation. (...) / " ; qu'aux termes de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction en vigueur à la date du jugement attaqué : " I. - Le demandeur qui a été reconnu par la commission de médiation comme prioritaire et comme devant être logé d'urgence et qui n'a pas reçu, dans un délai fixé par décret, une offre de logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités peut introduire un recours devant la juridiction administrative tendant à ce que soit ordonné son logement ou son relogement. (...) / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne, lorsqu'il constate que la demande a été reconnue comme prioritaire par la commission de médiation et doit être satisfaite d'urgence et que n'a pas été offert au demandeur un logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités, ordonne le logement ou le relogement de celui-ci par l'Etat et peut assortir son injonction d'une astreinte. / (...) " ; que l'article R. 441-14-1 du même code renvoie pour la définition du critère de sur-occupation des logements aux dispositions du 2° de l'article D. 542-14 du code de la sécurité sociale, qui dispose que la surface habitable globale du logement doit être " au moins égale à seize mètres carrés pour un ménage sans enfant ou deux personnes, augmentée de neufs mètres carrés par personne en plus dans la limite de soixante-dix mètres carrés pour huit personnes et plus " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions législatives citées ci-dessus que le juge, saisi sur le fondement de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, doit, s'il constate qu'un demandeur a été reconnu par une commission de médiation comme prioritaire et devant être logé ou relogé d'urgence et que ne lui a pas été offert un logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités définis par la commission, ordonner à l'administration de loger ou reloger l'intéressé, sauf si cette dernière apporte la preuve que l'urgence a complètement disparu, en assortissant le cas échéant cette injonction d'une astreinte versée à un fonds national ; que la circonstance que, postérieurement à la décision de la commission de médiation, l'intéressé est parvenu à se procurer un logement par ses propres recherches ne saurait être regardée comme établissant que l'urgence a disparu lorsque, compte tenu des caractéristiques de ce logement, le demandeur continue de se trouver dans une situation lui permettant d'être reconnu comme prioritaire et devant être relogé en urgence en application des dispositions de l'article R. 441-14-1 du code de la construction et de l'habitation ; que, si tel n'est pas le cas, le juge peut néanmoins estimer que l'urgence perdure si le logement obtenu ne répond manifestement pas aux besoins de l'intéressé, excède notablement ses capacités financières ou présente un caractère précaire ;

4. Considérant que, pour constater le défaut d'exécution du jugement du 25 juin 2013, le tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que si M.A... avait emménagé, en août 2013, dans un logement vide du parc locatif privé, le caractère prioritaire et urgent de la demande de logement reconnu par la commission de médiation n'avait pas disparu, eu égard au caractère manifestement inadapté de ce logement qu'occupait l'intéressé avec son épouse et ses deux enfants mineurs et de la brève durée du bail ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit en retenant que l'urgence n'avait pas disparu, alors même que le logement ne pouvait pas être regardé comme sur-occupé en application de l'article D. 542-14 du code de la sécurité sociale ; qu'en retenant que l'urgence reconnue par la commission de médiation n'avait pas disparu eu égard à l'inadéquation manifeste du logement aux besoins de l'intéressé et à son caractère précaire, le tribunal administratif s'est livrée à une appréciation souveraine des pièces du dossier, qui n'est pas entachée de dénaturation ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la ministre du logement et de l'habitat durable et à M. B... A....



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