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Ariane Web: Conseil d'État 388606, lecture du 27 juin 2016, ECLI:FR:CECHR:2016:388606.20160627

Décision n° 388606
27 juin 2016
Conseil d'État

N° 388606
ECLI:FR:CECHR:2016:388606.20160627
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
Mme Pauline Jolivet, rapporteur
M. Edouard Crépey, rapporteur public
SCP DELAPORTE, BRIARD, avocats


Lecture du lundi 27 juin 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Montreuil de le décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des majorations correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 et 2009. Par un jugement n° 1303749 du 15 novembre 2013, le tribunal administratif a réduit les bases d'imposition des pensions versées à M. A...de 90,43 % pour la caisse Cre-Ircafex et 52,81 % pour la caisse Pro BTP et l'a déchargé en conséquence des cotisations supplémentaires et majorations correspondantes.

Par un arrêt n° 14VE00323 du 16 décembre 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel du ministre de l'économie et des finances, annulé ce jugement et remis à la charge de M. A...les impositions dont il avait été déchargé.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 mars et 10 juin 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Emirats Arabes Unis en vue d'éviter les doubles impositions du 19 juillet 1989 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Jolivet, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, avocat de M. B...A...;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un contrôle sur pièces de ses déclarations de revenus pour les années 2008 et 2009, M. A..., résident fiscal des Emirats Arabes Unis, a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu procédant de la réintégration dans ses bases d'imposition des pensions qui lui avaient été servies au titre de ces deux années par les caisses de retraite Cre-Ircafex et Pro BTP, qu'il n'avait pas mentionnées dans ses déclarations de revenus ; que le tribunal administratif de Montreuil a partiellement fait droit à sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des majorations y afférentes en limitant la réintégration dans ses revenus imposables en France à la seule fraction desdites pensions acquise pendant la période au cours de laquelle il était salarié, détaché aux Emirats Arabes Unis, d'une société établie en France et affilié à ce titre de manière obligatoire au régime d'assurance vieillesse du régime général de la sécurité sociale ainsi que, par voie de conséquence, aux régimes de retraite complémentaire, à l'exclusion de la fraction des pensions acquise en contrepartie des cotisations versées au cours de la période où, devenu salarié expatrié d'une société de droit émirati, il avait été affilié de manière volontaire à ces caisses de retraite ; que M. A...se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir, sur le recours du ministre, partiellement annulé le jugement du tribunal administratif, a remis à sa charge les sommes dont la décharge lui avait été accordée par les premiers juges ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " (...) [Les personnes] dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de [l'] impôt [sur le revenu] en raison de leurs seuls revenus de source française " ; qu'aux termes de l'article 79 du même code, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition 2008 et 2009 : " Les (...) pensions (...) concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu " ; qu'aux termes de l'article 164 B du même code " (...) Sont également considérés comme revenus de source française lorsque le débiteur des revenus a son domicile fiscal ou est établi en France : a. Les pensions et rentes viagères (...) " ; que les quotes-parts de pensions perçues par M. A...des caisses Pro-BTP et Cre-Ircafex en contrepartie de son adhésion volontaire à l'assurance vieillesse en qualité de salarié expatrié, qui sont payées par des débiteurs établis en France, constituent des revenus de source française imposables à l'impôt sur le revenu en application des dispositions combinées des article 4 A et 164 B du code général des impôts ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 14 de la convention fiscale signée le 19 juillet 1989 entre la France et les Emirats Arabes Unis : " 1. (...) les pensions et les autres rémunérations similaires payées à un résident d'un Etat au titre d'un emploi antérieur ne sont imposables que dans cet Etat. / 2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, les pensions et autres sommes payées en application de la législation de la sécurité sociale d'un Etat sont imposables dans cet Etat " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale, relatif à la détermination des garanties complémentaires des salariés : " A moins qu'elles ne soient instituées par des dispositions législatives ou réglementaires, les garanties collectives dont bénéficient les salariés, anciens salariés et ayants droit en complément de celles qui résultent de l'organisation de la sécurité sociale sont déterminées soit par voie de conventions ou d'accords collectifs, soit à la suite de la ratification à la majorité des intéressés d'un projet d'accord proposé par le chef d'entreprise, soit par une décision unilatérale du chef d'entreprise constatée dans un écrit remis par celui-ci à chaque intéressé " ; qu'en vertu de l'article L. 911-2 du même code, ces garanties collectives ont notamment pour objet de prévoir, au profit des salariés, anciens salariés et de leurs ayants droits, la constitution d'avantages sous forme de pensions de retraite ;

5. Considérant que la caisse de retraite pour la France et l'extérieur (CRE) et l'institution de retraite des cadres et assimilés de France et de l'extérieur (Ircafex) ainsi que le régime de retraite complémentaire géré par le groupe PRO-BTP sont des institutions de retraite complémentaire membres de l'association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (Arrco) et de l'association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc) ; que l'article L. 922-1 du code de la sécurité sociale définit la nature juridique, l'objet et les missions des institutions de retraite complémentaire, qui sont autorisées à fonctionner par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale ; que l'article L. 922-2 du même code détermine les conditions d'adhésion des entreprises à ces institutions ainsi que les conséquences d'une telle adhésion ; que l'article L. 922-3 leur fait interdiction de pratiquer des opérations autres que celles relatives aux régimes de retraite complémentaire ; que l'article L. 922-6 dispose que les statuts et règlements des institutions de retraite complémentaire et de leurs fédérations sont approuvés, ainsi que leurs modifications, par le ministre chargé de la sécurité sociale ; qu'en vertu de l'article L. 922-5, les cotisations versées à ces institutions sont recouvrées selon les mêmes sûretés que les cotisations de sécurité sociale ; que l'article L. 922-13 prévoit que leurs règles de fonctionnement et les conditions de leur liquidation sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ; que ces institutions sont, en vertu de l'article L. 922-14, soumises au contrôle de l'inspection générale des affaires sociales ; qu'ainsi, nonobstant leur nature conventionnelle, ces régimes sont régis par le code de la sécurité sociale ; que les prestations qu'ils servent ont, par suite, la nature de pensions payées en application de la législation française de sécurité sociale, au sens et pour l'application des stipulations précitées de l'article 14 de la convention fiscale signée le 19 juillet 1989 entre la France et les Emirats Arabes Unis ;

6. Considérant que si la possibilité ouverte aux salariés expatriés qui cessent d'être dans le champ de l'affiliation obligatoire aux régimes complémentaires de retraite de maintenir à titre individuel leur affiliation en adhérant de façon volontaire à ces régimes découle non du code de la sécurité sociale mais de délibérations de l'Arrco et de l'Agirc, cette adhésion volontaire, qui est notamment subordonnée à la condition que le salarié expatrié ait déjà des droits inscrits auprès de ces régimes, a pour seul objet de lui permettre de continuer à acquérir des droits à pension dans des régimes français complémentaires de retraite par répartition et est indissociable de l'organisation d'ensemble de ces régimes ; que la fraction de la pension de retraite complémentaire versée en contrepartie d'une période d'adhésion volontaire doit, par suite, également être regardée comme payée en application de la législation française de sécurité sociale, au sens et pour l'application des stipulations précitées de l'article 14 de la convention fiscale signée le 19 juillet 1989 entre la France et les Emirats Arabes Unis ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que la cour aurait entaché son arrêt d'une erreur de droit en jugeant que ces stipulations ne faisaient pas obstacle à l'imposition en France de l'ensemble des sommes perçues par lui des caisses de retraite complémentaire CRE-Ircafex et Pro-BTP, y compris celles correspondant aux droits à pensions acquis au cours de sa période d'adhésion volontaire ; que le pourvoi de ce dernier doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. A...est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre des finances et des comptes publics.


Voir aussi