Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 380916, lecture du 30 juin 2016, ECLI:FR:CECHR:2016:380916.20160630

Décision n° 380916
30 juin 2016
Conseil d'État

N° 380916
ECLI:FR:CECHR:2016:380916.20160630
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Jean-Luc Matt, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR, avocats


Lecture du jeudi 30 juin 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La SAS Euro Charter a demandé au tribunal administratif de Nantes la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2003. Par un jugement n° 0900102 du 13 décembre 2012, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13NT00417 du 3 avril 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la SAS Euro Charter contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 juin et 3 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SA Transat France, venant aux droits de la SAS Euro Charter, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de la SA Transat France ;


1. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou des charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) Les provisions qui, en tout ou en partie, reçoivent un emploi non conforme à leur destination ou deviennent sans objet au cours d'un exercice ultérieur sont rapportées aux résultats dudit exercice. Lorsque le rapport n'a pas été effectué par l'entreprise elle-même, l'administration peut procéder aux redressements nécessaires dès qu'elle constate que les provisions sont devenues sans objet. Dans ce cas, les provisions sont, s'il y a lieu, rapportées aux résultats du plus ancien des exercices soumis à vérification. (...) " ; qu'en vertu de l'article 38 sexies de l'annexe III au même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible, notamment (...) les fonds de commerce (...) donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° de l'article 39 du code général des impôts " ; qu'une société qui a constitué une provision pour tenir compte de la dépréciation de son fonds de commerce peut, si cette provision n'a pas perdu son objet, maintenir ou modifier le montant de cette provision en cas de modification de la consistance de son fonds et de survenance d'événements justifiant toujours une dépréciation, sans procéder à une reprise de provision suivie d'une nouvelle dotation ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'au titre de son exercice clos en 1996, la SAS Euro Charter a comptabilisé une provision d'un montant de 1 455 159 euros destinée à prendre en compte la dépréciation de son fonds de commerce, compte tenu de l'incidence des pertes d'exploitation subies au cours des exercices antérieurs et du montant auquel a été valorisé son fonds à l'occasion de sa cession en 1996 à la société de droit canadien Consultour Club Voyages Inc. ; qu'entre 1996 et 2003, la SAS Euro Charter a développé son réseau en procédant, à compter de l'année 2001, à des acquisitions d'agences à titre onéreux, tout en apportant à d'autres sociétés certaines des agences acquises en 1994 ; que la SAS Euro Charter a toutefois maintenu, au titre de son exercice 2003, l'inscription d'une provision pour dépréciation du fonds de commerce d'un même montant, compte tenu de l'appréciation qu'elle faisait alors des effets négatifs sur ses résultats des événements internationaux survenus en septembre 2001 ainsi que du changement des modes de consommation dans le secteur du tourisme ;

3. Considérant que la cour a jugé que l'administration était fondée à rapporter la provision constatée au bilan de l'exercice 2003 aux résultats de cet exercice, au motif que cette provision portait sur un objet différent de celui qui avait motivé la comptabilisation de la provision initialement inscrite au titre de son exercice 1996 compte tenu de l'évolution de la structure du fonds de commerce inscrit à l'actif de la SAS Euro Charter ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-dessus, la société pouvait constater à la clôture de son exercice 2003 une provision pour dépréciation de son fonds de commerce correspondant à la provision ayant le même objet initialement passée au titre de l'exercice 1996, même si les événements rendant probable la dépréciation à la clôture de l'exercice 2003 n'étaient pas les mêmes que ceux qui l'avaient initialement justifiée ; que faute d'avoir recherché si la société justifiait le montant de la provision constatée à la clôture de l'exercice litigieux, la cour a commis une erreur de droit ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'arrêt attaqué doit être annulé ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à la SA Transat France d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 3 avril 2014 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : L'État versera à la SA Transat France une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SA Transat France et au ministre des finances et des comptes publics.


Voir aussi