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Ariane Web: Conseil d'État 388859, lecture du 8 juillet 2016, ECLI:FR:CECHS:2016:388859.20160708

Décision n° 388859
8 juillet 2016
Conseil d'État

N° 388859
ECLI:FR:CECHS:2016:388859.20160708
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
Mme Laurence Franceschini, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public
SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN, avocats


Lecture du vendredi 8 juillet 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

L'association " La voix des scéens " a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 6 octobre 2010 par laquelle le conseil municipal de la commune de Sceaux a approuvé le plan local d'urbanisme. Par un jugement n° 1009966 du 23 juillet 2012, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 12VE03421 du 22 janvier 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de l'association " La voix des scéens ", annulé ce jugement et cette délibération.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 20 mars 2015 et le 11 janvier 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Sceaux demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de l'association " La voix des scéens ".

Vu les autres pièces du dossier ;


Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'environnement ;
- le code du patrimoine ;
- le code de justice administrative ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, notamment son article 37 ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laurence Franceschini, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la commune de Sceaux et à la SCP Nicolaÿ-Lanouvelle-Hannotin, avocat de l'association " La voix des scéens " ;


1. Considérant que, par un jugement du 23 juillet 2012, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de l'association " La Voix des scéens " tendant à l'annulation de la délibération du 6 octobre 2010 par laquelle le conseil municipal de la commune de Sceaux a approuvé le plan local d'urbanisme ; que, par un arrêt du 22 janvier 2015, contre lequel la commune de Sceaux se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir annulé ce jugement pour irrégularité, statuant par la voie de l'évocation, a annulé cette délibération en se fondant sur un motif tiré de ce que les articles 10 des règlements des zones UA, UC, UE et N autorisant une majoration de la hauteur maximale de certaines constructions avaient été adoptés à l'issue d'une procédure irrégulière ; que, par le même arrêt, la cour a jugé que les dispositions des articles N2 et N9 du règlement du plan local d'urbanisme ainsi que les emplacements réservés n° 1 à n° 8, étaient entachés d'illégalité ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération attaquée : " le projet de plan local d'urbanisme est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre 1er du code l'environnement par le maire. Le dossier soumis à l'enquête comprend, en annexe, les avis des personnes publiques consultées. / Après l'enquête publique, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié, est approuvé par délibération du conseil municipal. / Le plan local d'urbanisme approuvé est tenu à la disposition du public. " ;

3. Considérant qu'il est loisible à l'autorité compétente de modifier le plan local d'urbanisme après l'enquête publique sous réserve, d'une part, que ne soit pas remise en cause l'économie générale du projet et, d'autre part, que cette modification procède de l'enquête, ces deux conditions découlant de la finalité même de l'enquête publique ; que, pour annuler l'ensemble du jugement et de la délibération litigieuse pour le motif énoncé au point 1, la cour s'est fondée sur ce que cette modification ne remplissait pas la seconde condition mentionnée ci-dessus, faute d'être proposée par le commissaire enquêteur et soutenue par une part significative des personnes consultées ; que, toutefois, en accueillant ce moyen sans tenir compte de la mention dans le rapport du commissaire de cette proposition, ainsi que des quelques opinions exprimées en faveur de cette dernière, c'est à dire de circonstances qui permettaient de regarder la modification proposée comme procédant de l'enquête publique, la cour administrative d'appel de Versailles a commis une erreur de droit ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : " Le règlement peut comprendre tout ou partie des règles suivantes : (...) 9° L'emprise au sol des constructions ; (...) / Dans les secteurs mentionnés au troisième alinéa de l'article R. 123-8, le règlement prévoit les conditions de hauteur, d'implantation et de densité des constructions permettant d'assurer l'insertion de ces constructions dans l'environnement et compatibles avec le maintien du caractère naturel de la zone (...) " ; que ces dispositions n'imposent pas que les conditions d'emprise au sol des constructions doivent figurer dans le règlement du plan local d'urbanisme au nombre des conditions de hauteur, d'implantation et de densité dans les parties de la zone N ; qu'en jugeant qu'en ne fixant pas les conditions d'emprise au sol des constructions susceptibles d'être autorisées en zone N, l'article N9 du plan local d'urbanisme méconnaissait les dispositions de l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme, la cour a commis une erreur de droit ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme : " Dans les zones urbaines ou à urbaniser, le plan local d'urbanisme peut instituer des servitudes consistant : (...) / b) A réserver des emplacements en vue de la réalisation, dans le respect des objectifs de mixité sociale, de programmes de logements qu'il définit " ; que, pour accueillir le moyen tiré de ce que les emplacements réservés n° 1 à 8 avaient été délimités sans que les programmes de logement aient été définis, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme, la cour s'est fondée sur ce que le programme de logements n'indiquait pas le nombre de logements concernés, la surface hors oeuvre nette des logements envisagés ou le pourcentage de logements sociaux pour chacun des emplacements ; qu'en exigeant de telles précisions, alors que, s'ils en ont la faculté, les auteurs d'un plan local d'urbanisme ne sont pas tenus d'imposer des prescriptions de cette nature pour les terrains qui font l'objet d'emplacements réservés destinés à la réalisation de logements aidés, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

7. Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par la SCP Nicolÿ-Lanouvelle-Hannotin, avocat de l'association " La voix des scéens ".



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 22 janvier 2015 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : Les conclusions de la SCP Nicolaÿ-Lanouvelle-Hannotin, avocat de l'association " La voix des scéens " tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4°: La présente décision sera notifiée à la commune de Sceaux et à l'association " La voix des scéens ".