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Ariane Web: Conseil d'État 401042, lecture du 7 juillet 2016, ECLI:FR:CEORD:2016:401042.20160707

Décision n° 401042
7 juillet 2016
Conseil d'État

N° 401042
ECLI:FR:CEORD:2016:401042.20160707
Inédit au recueil Lebon



Lecture du jeudi 7 juillet 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 28 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle - Confédération générale du travail demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative,

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution l'instruction n° 2016/02 du 17 mai 2016 relative aux contrôles de l'inspection du travail dans le cadre de l'Euro 2016 de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en tant qu'elle concerne le contrôle des stades et en tant qu'elle fait obligation aux agents de contrôle de solliciter itérativement, à chaque contrôle, la délivrance d'une accréditation ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 euro au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Il soutient que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que l'instruction litigieuse, d'une part, préjudicie de manière grave et immédiate à ses intérêts et, d'autre part, aux intérêts publics ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'instruction contestée ;
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que, d'une part, elle méconnaît les dispositions du code du travail relatives à la surveillance et aux enquêtes dont les inspecteurs et contrôleurs du travail dès lors qu'elle considère que ces dispositions s'appliqueraient différemment à une société de droit privé assumant une mission de service public administratif, que, d'autre part, elle méconnaît les dispositions de l'alinéa 1 de l'article L. 8113-1 du code du travail dès lors qu'elle oblige l'agent de contrôle, dès son entrée sur le site, d'attester de son identité et qu'enfin, elle méconnaît les stipulations de la convention n° 81 de l'Organisation internationale du travail dès lors qu'elle crée, au profit des employeurs, un droit à un délai de prévenance avant les contrôles de l'inspection du travail.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu
- la convention n° 81 de l'Organisation internationale du travail ;
- le code du travail ;
- le protocole sur la sécurité de l'EURO 2016 conclu le 9 février 2016 entre l'Etat et la fédération française de football ;
- le code de justice administrative ;


Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée ;

2. Pour l'application du protocole sur la sécurité de l'EURO 2016 conclu le 9 février 2016 entre l'Etat et la fédération française de football, le directeur général du travail a adressé aux services extérieurs concernés une instruction n° 2016/02 du 17 mai 2016 relative aux contrôles de l'inspection du travail dans le cadre de l'Euro 2016 dans laquelle il précise les conditions et le contexte juridique dans lesquels s'exerceront les contrôles de l'inspection du travail dans les enceintes sportives gérées par la société Euro 2016 SAS. Le Syndicat national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle - Confédération générale du travail demande la suspension de l'exécution de cette instruction ;

3. En premier lieu, aux termes du 1° de l'article R. 8121-14 du code du travail " La direction générale du travail : / 1° Détermine les orientations de la politique du travail, coordonne et évalue les actions, notamment, en matière de contrôle de l'application du droit du travail " ; l'instruction contestée se borne à préciser les conditions dans lesquelles s'opèrent les contrôles de l'inspection du travail dans les enceintes sportives concernées pour tenir compte des règles de sécurité qu'impose la menace terroriste durant les compétitions sportives en cours. Contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, l'instruction litigieuse ne porte par elle-même aucune atteinte aux prérogatives des agents de l'inspection du travail. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'instruction litigieuse aurait été prise par une autorité incompétente ne peut être regardé comme sérieux.

4. En deuxième lieu, l'instruction procède à une conciliation des modalités d'exercice des contrôles de l'inspection du travail avec les exigences de limitation des accès aux lieux de compétition sportive qu'impose la sauvegarde de l'ordre public. Il en résulte que le moyen fondé sur ce que les conditions d'intervention de l'inspection du travail ne pourraient jamais recevoir de précisions permettant de les adapter aux nécessités de la sauvegarde de l'ordre public et de la sécurité tout en préservant les droits et prérogatives attachés à la mission de l'inspection du travail n'apparaît pas, en l'absence de tout texte ou principe énonçant l'interdiction d'une telle adaptation, comme sérieux.

4. En troisième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 8112-1 du code du travail " [Les agents du contrôle de l'inspection du travail] sont libres d'organiser et de conduire des contrôles à leur initiative et décident des suites à leur apporter ". Le protocole, sur le fondement duquel a été prise l'instruction litigieuse, prévoit que la liste des agents de contrôle susceptibles d'intervenir sur les enceintes sportives concernées est préalablement communiquée à la société Euro 2016 SAS qui ne peut pas s'opposer à l'accès d'un agent figurant sur la liste. Dès lors, il n'apparaît pas qu'est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'instruction le moyen tiré de ce que les moyens d'action de l'inspection du travail, dans les enceintes sportives concernées, seraient limités par les missions de la société SAS Euro 2016. N'est pas plus de nature à créer un tel doute le moyen tiré de la violation des stipulations de la convention n° 81 de l'Organisation international du travail relatives au caractère inopiné des contrôles de l'inspection du travail et au droit d'entrée des agents en charge de ces contrôles. En outre, les difficultés alléguées par le syndicat requérant ne découlent pas du texte contesté mais des conditions de sa mise en oeuvre, qui sont sans incidence sur sa légalité, et dont il n'est d'ailleurs pas allégué qu'elles auraient donné lieu à l'engagement de poursuites.

5. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 8113-1 du code du travail " Les inspecteurs et contrôleurs du travail ont un droit d'entrée dans tout établissement où sont applicables les règles énoncées au premier alinéa de l'article L. 8112-1 afin d'assurer la surveillance et les enquêtes dont ils sont chargés ". L'instruction, en subordonnant l'entrée d'un agent de contrôle dans le périmètre d'une enceinte sportive au motif de la présentation d'une copie du recto de sa carte nationale d'identité, n'a pas pour objet ni pour effet de limiter le droit d'entrée des inspecteurs et contrôleurs du travail dans les conditions définies à l'article précité. Contrairement à ce qui est soutenu, l'obligation de présenter une carte d'identité ne fait pas obstacle à ce qu'un agent qui n'en serait pas muni fasse la preuve de son identité, à des fins de contrôle de sécurité, par tout autre moyen légalement admis. Dès lors, il n'apparaît pas qu'est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'instruction contestée le moyen tiré de ce qu'elle méconnaîtrait les dispositions de l'alinéa 1 de l'article L. 8113-1 du code travail.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition tenant à l'existence d'une situation d'urgence, qu'aucun moyen invoqué par le Syndicat national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle - Confédération générale du travail à l'appui de sa demande de suspension n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'instruction contestée. Il y a lieu, par suite, de rejeter la requête du Syndicat national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle - Confédération générale du travail selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du même code.


O R D O N N E :
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Article 1er : La requête du Syndicat national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle - Confédération générale du travail est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au Syndicat national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle - Confédération générale du travail.
Copie en sera adressée au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.