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Ariane Web: Conseil d'État 400403, lecture du 19 juillet 2016, ECLI:FR:CECHS:2016:400403.20160719

Décision n° 400403
19 juillet 2016
Conseil d'État

N° 400403
ECLI:FR:CECHS:2016:400403.20160719
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre
Mme Anne Egerszegi, rapporteur
Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public
SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, avocats


Lecture du mardi 19 juillet 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme L...P..., M. E...K..., Mme Q...F...et M. A... R..., à l'appui de leur protestation tendant à l'annulation de l'élection, qui s'est déroulée le 12 mars 2016, de Mme H...C..., Mme O...N..., Mme I...M...de M. D...G...et M. B...J...aux fonctions de conseillers communautaires de la communauté de communes du Pays d'Evian, ont produit un mémoire, enregistré le 21 mars 2016 au greffe du tribunal administratif de Grenoble, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel ils soulèvent une question prioritaire de constitutionnalité.

Par un jugement n° 1601584 du 17 mai 2016, enregistré le 6 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif a décidé, en application de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du b) du 1° de l'article L. 5211-6-2 du code général des collectivités territoriales et, en application du 3ème alinéa de l'article 23-3 de cette même ordonnance, a rejeté la protestation de Mme P...et autres.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 61-1 et 72 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de MmeP..., de M.K..., de Mme F...et de M. R...;


Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Le 1° de l'article L. 5211-6-2 du code général des collectivités territoriales dispose : " Par dérogation aux articles L. 5211-6 et L. 5211-6-1, entre deux renouvellements généraux des conseils municipaux : / 1° En cas de création d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, de fusion entre plusieurs établissements publics de coopération intercommunale dont au moins l'un d'entre eux est à fiscalité propre, d'extension du périmètre d'un tel établissement par l'intégration d'une ou de plusieurs communes ou la modification des limites territoriales d'une commune membre ou d'annulation par la juridiction administrative de la répartition des sièges de conseiller communautaire, il est procédé à la détermination du nombre et à la répartition des sièges de conseiller communautaire dans les conditions prévues à l'article L. 5211-6-1. / (...) Dans les communes dont le conseil municipal est élu selon les modalités prévues au chapitre III du titre IV dudit livre Ier : / (...) b) (...) s'il est nécessaire de pourvoir des sièges supplémentaires, les conseillers concernés sont élus par le conseil municipal parmi ses membres (...) au scrutin de liste à un tour, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation, chaque liste étant composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. La répartition des sièges entre les listes est opérée à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. (...) ".

3. Mme P...et autres soutiennent que ces dispositions sont contraires au principe constitutionnel de pluralisme des courants d'idées et des opinions garanti par l'article 4 de la Constitution, au principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi qu'à la garantie des droits proclamée à l'article 16 de cette Déclaration, dès lors qu'elles ont pour effet de priver les groupes d'opposition des conseils municipaux d'une représentation au sein de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale auquel leur commune appartient.

4. Toutefois les dispositions législatives en cause ne s'appliquent que dans les cas qu'elles mentionnent entre deux renouvellements généraux des conseils municipaux. Si le principe d'égalité devant le suffrage impose que la représentation des communes au sein de l'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale auquel elles appartiennent soit assuré sur des bases essentiellement démographiques, ni ce principe ni aucun autre principe constitutionnel n'impliquent que des conseillers communautaires ne puissent être désignés par le conseil municipal entre deux renouvellements généraux des conseils municipaux, ou que chacun des groupements politiques représentés au sein du conseil municipal doive obligatoirement disposer de conseillers communautaires au sein de l'organe délibérant de l'établissement public. Par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux.

5. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Grenoble.


D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Grenoble.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme L...P..., à Mme H...C..., à M. D...G..., à M. B...J..., à Mme I...M..., à Mme O...N...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au tribunal administratif de Grenoble.