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Ariane Web: Conseil d'État 378327, lecture du 27 juillet 2016, ECLI:FR:Code Inconnu:2016:378327.20160727

Décision n° 378327
27 juillet 2016
Conseil d'État

N° 378327
ECLI:FR:CECHR:2016:378327.20160727
Inédit au recueil Lebon
5ème - 4ème chambres réunies
M. Alain Seban, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY, avocats


Lecture du mercredi 27 juillet 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 22 avril et le 18 juillet 2014, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :

1° d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-49 du 21 janvier 2014 portant approbation de la charte du Parc national de La Réunion ;

2° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros à lui verser au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, faite à Aarhus le 25 juin 1998 ;
- la directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 mai 2003 ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2006-436 du 14 avril 2006 ;
- le décret n° 2007-296 du 5 mars 2007 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de M. B...;


1. Considérant que le parc national de La Réunion a été créé par décret du 5 mars 2007 ; que M. B...demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 21 janvier 2014 portant approbation de sa charte ;

Sur le respect des dispositions transitoires fixées par la loi du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux :

2. Considérant qu'en vertu du II de l'article 31 de la loi du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux et par dérogation à la règle selon laquelle le décret qui crée un parc national adopte ses statuts, la création d'un parc national dont le projet a déjà fait l'objet d'un arrêté de prise en considération par le Premier ministre à la date de publication de cette loi n'est pas subordonnée à l'approbation de la charte du parc, qui intervient, en ce cas, avant le 31 décembre 2012 ; que ces dispositions sont applicables au parc national de la Réunion qui avait fait l'objet d'un arrêté de prise en considération par le Premier ministre le 29 mars 2004 ; que, toutefois, la circonstance que la charte du parc national n'a été approuvée par le décret attaqué qu'après l'expiration du délai qu'elles prévoient est sans incidence sur sa légalité, ce délai n'étant prescrit ni à peine de caducité du décret créant le parc national ni à peine d'illégalité du décret attaqué ;

Sur la méconnaissance du principe de participation :

3. Considérant que le décret attaqué a été précédé d'une enquête publique, en application des dispositions des articles L. 331-2 et R. 331-8 du code de l'environnement ; que la soumission du projet à une enquête publique régie par les dispositions du code de l'environnement doit être regardée comme une modalité d'information et de participation du public assurant la mise en oeuvre des objectifs fixés aussi bien par l'article 7 de la charte de l'environnement que par la directive du 26 mai 2003 prévoyant la participation du public lors de l'élaboration de certains plans et programmes relatifs à l'environnement ou par la convention d'Aarhus du 25 juin 1998 ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, le principe de participation n'a pas été méconnu ; que l'enquête publique ayant permis aux propriétaires concernés de faire valoir leur droit au respect de leurs biens, garanti par les stipulations de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le moyen tiré de ce qu'il aurait été porté atteinte à ce droit faute d'une information des propriétaires de biens immobiliers situés dans le coeur habité du parc et d'une concertation avec eux doit, en tout état de cause, être écarté ;

Sur la consultation du conseil économique, social et culturel du parc :

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 331-33 du code de l'environnement : " Un conseil économique, social et culturel assiste le conseil d'administration et le directeur notamment en matière de politique contractuelle, de suivi de la mise en oeuvre de la charte et d'animation de la vie locale. / Ce conseil est composé de représentants d'organismes, d'associations et de personnalités qui, en raison de leur objet ou de leur qualité participent à l'activité économique, sociale et culturelle dans le parc ou concourent à la vie locale, ainsi que des représentants des habitants et des usagers du parc./ La composition de ce conseil et les conditions de nomination de ses membres sont fixées par le règlement intérieur adopté par le conseil d'administration. Le conseil élit son président. / Le président du conseil économique, social et culturel présente un rapport annuel d'activité au conseil d'administration " ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prescrit que le conseil économique, social et culturel soit consulté à l'occasion de l'élaboration de la charte du parc ; qu'ainsi, et alors même que, dans ses conclusions du 11 mars 2013, la commission d'enquête avait émis un avis favorable au projet de charte sous la " condition suspensive " que " le conseil économique, social et culturel soit installé et que son avis sur les enjeux problématiques soit pris en compte dans la rédaction finale de la charte avant son adoption par le conseil d'administration ", le défaut de consultation de cet organe, qui n'avait pas été constitué, pas plus que l'absence de référence à son avis dans le dossier d'enquête, n'entachent d'irrégularité le décret attaqué ;

Sur la composition du conseil d'administration du parc :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-3 du code de l'environnement : " Le projet de charte du parc national est élaboré par l'établissement public du parc national ou par le groupement d'intérêt public le préfigurant " ; que le I de l'article 26 du décret du 5 mars 2007 créant le parc national de la Réunion, qui définit la composition du conseil d'administration du parc, prévoit qu'aux côtés des treize représentants de l'Etat, des représentants des collectivités territoriales et du représentant élu du personnel du parc, siègent 39 personnalités dont la qualité est précisée au 3° de cet article et parmi lesquelles figurent le président du conseil économique, social et culturel de l'établissement public ainsi que 34 personnalités à compétence locale ;

6. Considérant, d'une part, que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ;

7. Considérant qu'il est constant que le conseil économique, social et culturel du parc national de la Réunion n'avait pas été mis en place pendant la période d'élaboration du projet de charte de sorte que son président, n'ayant pas été désigné, n'a pu siéger au conseil d'administration du parc, notamment lors de sa séance du 29 avril 2013 arrêtant le projet de charte, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 331-3 du code de l'environnement ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier que, eu égard notamment au nombre des membres du conseil d'administration et à la composition de celui-ci telle qu'elle est prescrite par les dispositions de l'article 26 du décret du 5 mars 2007, cette irrégularité, qui n'a pas privé les personnes intéressées d'une garantie, n'a pas exercé, dans les circonstances de l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ;

8. Considérant, d'autre part, que si, par une délibération du 25 mars 2013, le conseil d'administration a créé en son sein une commission dénommée " conseil économique, social et culturel provisoire ", la consultation de cet organe, dont il n'est pas allégué qu'elle ait été effectuée dans des conditions irrégulières, n'a pas affecté la régularité de la consultation du conseil d'administration ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'irrégularité de la délibération du conseil d'administration qui s'est prononcée sur le projet de charte doivent être écartés ;

Sur la consultation du Conseil d'Etat :

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le moyen pris de ce que le décret attaqué ne serait conforme ni au projet du gouvernement ni au texte délibéré par le Conseil d'Etat manque en fait ;

Sur les autres moyens :

11. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort en tout état de cause des pièces du dossier que les moyens tirés par voie d'exception de l'illégalité du décret du 5 mars 2007 qui crée le parc naturel de La Réunion et le délimite, qui critiquent l'inclusion dans le périmètre du parc de terrains appartenant à des personnes privées ainsi que la délimitation du coeur du parc, notamment en tant qu'il comprend les terrains de l'îlet Saint-Ange, ne sont pas fondés ; qu'il ressort en particulier des pièces du dossiers que les terrains de l'îlet Saint-Ange, situés dans le lit de la rivière des Galets, constituent un ensemble paysager nécessaire au dégagement du cirque de Malfate, dont l'inscription dans le coeur du parc n'est pas contestée, en même temps qu'un corridor écologique en direction de ce dernier, dont l'inclusion dans le périmètre du coeur du parc est légalement justifiée ; que le moyen tiré de ce qu'aucune réglementation n'avait jusqu'alors été élaborée pour certaines zones du parc est inopérant ;

12. Considérant, en deuxième lieu que la charte n'avait pas à procéder par elle-même à l'évaluation environnementale prévue à l'article L. 122-20 du code de l'environnement ; qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que M. B... soutient, le contenu de l'évaluation environnementale qui a précédé son adoption n'a pas méconnu les exigences de cet article alors même que l'autorité environnementale avait souligné un manque d'identification des zones susceptibles d'être touchées de manière notable, qui a donné lieu à un complément ;

13. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 331-3 du code de l'environnement : " I. - La charte du parc national définit un projet de territoire traduisant la solidarité écologique entre le coeur du parc et ses espaces environnants. Elle est composée de deux parties : 1° Pour les espaces du coeur, elle définit les objectifs de protection du patrimoine naturel, culturel et paysager et précise les modalités d'application de la réglementation prévue au 1° de l'article L. 331-2 ; 2° Pour l'aire d'adhésion, elle définit les orientations de protection, de mise en valeur et de développement durable et indique les moyens de les mettre en oeuvre. La charte du parc national comporte des documents graphiques, indiquant les différentes zones et leur vocation. Ces documents sont élaborés à partir d'un inventaire du patrimoine naturel, paysager et culturel, de données socio-économiques et d'un bilan démographique de la population du parc national. Chaque partie de la charte comprend un volet général rappelant les principes fondamentaux applicables à l'ensemble des parcs nationaux, en raison de leur haute valeur patrimoniale, et un volet spécifique à chaque parc national, comportant des objectifs ou orientations et des mesures déterminés à partir de ses particularités territoriales, écologiques, économiques, sociales ou culturelles. [...] " ;

14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la charte comprend des développements suffisants concernant la fréquentation du coeur du parc et, notamment, la connaissance et la maîtrise des flux touristiques ; que, s'agissant du coeur du parc, la charte n'avait pas à étudier les enjeux de développement économique ; qu'elle définit de manière claire et suffisamment précise le caractère du parc en analysant ses éléments matériels, notamment son patrimoine naturel, culturel et paysager ; que les enjeux liés à l'inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO du bien " Pitons, cirques et remparts de l'île de la Réunion " sont suffisamment explicités à l'annexe 6 ; qu'enfin, les documents graphiques et cartographiques dont la charte est assortie permettent d'en retracer avec suffisamment de précision et de clarté les principaux enjeux ; que, par suite, les moyens tirés du caractère incomplet de la charte ne sont pas fondés ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation du décret qu'il attaque ; que sa requête, y compris les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit, par voie de conséquence, être rejetée ;


D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Copie en sera adressée au Premier ministre.