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Ariane Web: Conseil d'État 387031, lecture du 27 juillet 2016, ECLI:FR:Code Inconnu:2016:387031.20160727

Décision n° 387031
27 juillet 2016
Conseil d'État

N° 387031
ECLI:FR:CECHR:2016:387031.20160727
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 1ère chambres réunies
Mme Clémence Olsina, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public
SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, avocats


Lecture du mercredi 27 juillet 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 2013-0009 du 26 septembre 2013, la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte-d'Azur a, notamment, constitué Mme D...C..., comptable de la commune du Cannet (Alpes-Maritimes), débitrice envers cette commune, au titre de l'exercice 2010, d'une somme de 51 485,29 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du 6 février 2013.

Par un arrêt n° 71194 du 13 novembre 2014, la Cour des comptes, sur la requête de Mme A...B..., maire du Cannet, a, d'une part, annulé ce jugement et, d'autre part, constitué Mme C...débitrice envers la commune d'une somme de 3 242,07 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du 6 février 2013.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 janvier et 15 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le parquet général près la Cour des comptes demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des juridictions financières ;
- la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;
- le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Clémence Olsina, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la commune du Cannet ;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, saisie par un réquisitoire du procureur financier du 22 janvier 2013, la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte-d'Azur a, par un jugement du 26 septembre 2013, constitué Mme D...C..., comptable de la commune du Cannet (Alpes-Maritimes), débitrice envers cette commune d'une somme de 51 485,29 euros pour avoir irrégulièrement payé, entre le 1er janvier et le 31 décembre 2010, des indemnités forfaitaires pour travaux supplémentaires, des primes de rendement et indemnités d'exercice des missions de préfecture ainsi que des primes de fin d'année à cinq collaborateurs de cabinet du maire ; que, par un arrêt du 13 novembre 2014, contre lequel le parquet général près la Cour des comptes se pourvoit en cassation, la Cour des comptes a, d'une part, annulé ce jugement et, d'autre part, constitué Mme C... débitrice envers la commune d'une somme de 3 242,07 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du 6 février 2013 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 245-1 du code des juridictions financières : " Le comptable, la collectivité locale ou l'établissement public, le représentant du ministère public près la chambre régionale des comptes, le procureur général près la Cour des comptes peuvent faire appel devant la Cour des comptes de toute décision juridictionnelle rendue par la chambre régionale des comptes " ; qu'aux termes de l'article R. 242-15 du même code : " La faculté de former appel appartient aux comptables ou à leurs ayants droit, aux représentants légaux des collectivités ou établissements publics intéressés ou, à leur défaut, aux contribuables dûment autorisés dans les conditions prévues aux articles L. 2132-5 à L. 2132-7 du code général des collectivités territoriales, au ministère public près la chambre régionale des comptes et au procureur général près la Cour des comptes " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'une collectivité locale a qualité pour interjeter appel contre une décision juridictionnelle rendue par une chambre régionale des comptes sur ses propres comptes ; qu'eu égard à l'objet de la procédure de jugement des comptes, une collectivité locale est recevable à agir, y compris lorsque la décision du juge des comptes constitue le comptable public débiteur de sommes envers elle ; qu'ainsi, le parquet général près la Cour des comptes n'est pas fondé à soutenir que la Cour des comptes aurait entaché son arrêt d'erreur de droit en jugeant que la maire de la commune du Cannet était recevable à interjeter appel du jugement constituant sa comptable publique débitrice à son égard ; que sont sans incidence sur ce point les motifs du jugement rendu par la chambre régionale des comptes ;

4. Considérant, en revanche, qu'il résulte des termes du jugement du 22 janvier 2013 que, pour motiver la mise en débet de MmeC..., la chambre régionale des comptes a constaté que les arrêtés fixant la rémunération des collaborateurs de cabinet du maire ne mentionnaient pas l'attribution des indemnités litigieuses tandis que certains bulletins de paie, également transmis au comptable, mentionnaient le versement de telles indemnités ; qu'elle en a déduit qu'au vu de ces pièces justificatives contradictoires, le comptable ne pouvait, en vertu des articles 12 et 13 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général de comptabilité publique, régulièrement payer de telles indemnités ; que, pour juger que le manquement de Mme C... avait ainsi causé un préjudice financier à la commune, au sens des dispositions du VI de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 de finances pour 1963, la chambre régionale des comptes a relevé que ce manquement avait abouti à faire supporter une charge patrimoniale indue à la commune ; que tout paiement indu est constitutif d'un préjudice financier pour l'organisme public concerné ; qu'ainsi, en estimant que ce jugement qui, après avoir caractérisé de façon suffisamment précise le manquement du comptable, qualifiait le préjudice financier subi par la commune au regard du caractère indu du paiement, n'était pas suffisamment motivé en ce qu'il ne démontrait pas concrètement l'existence du préjudice allégué, la Cour des comptes a entaché son arrêt d'une erreur de droit ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi, le parquet général près la Cour des comptes est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 13 novembre 2014 de la Cour des comptes est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour des comptes.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune du Cannet sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au parquet général près la Cour des comptes, à la commune du Cannet et à Mme D...C....
Copie en sera adressée pour information au ministre des finances et des comptes publics.


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