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Ariane Web: Conseil d'État 391219, lecture du 27 juillet 2016, ECLI:FR:CECHS:2016:391219.20160727

Décision n° 391219
27 juillet 2016
Conseil d'État

N° 391219
ECLI:FR:CECHS:2016:391219.20160727
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
M. Frédéric Pacoud, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public
BALAT ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, avocats


Lecture du mercredi 27 juillet 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2014 par lequel le maire de Marseille a accordé à la société Vinci immobilier résidences services un permis de construire 110 logements pour étudiants, un local d'activité et 38 places de stationnement sur un terrain situé au 12, avenue Benjamin Delessert dans le 10e arrondissement de cette commune. Par une ordonnance n° 1501995 du 20 avril 2015, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 22 juin 2015, 22 septembre 2015 et 9 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance du 20 avril 2015 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Marseille et de la société Vinci immobilier résidences services, chacune, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Pacoud, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Balat, avocat de M.B..., et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la société Vinci immobilier résidences ;




Considérant ce qui suit :

1. D'une part, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

2. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Enfin, eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B...a demandé l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du 13 octobre 2014 par lequel le maire de Marseille a accordé à la société Vinci immobilier résidences services un permis de construire 110 logements pour étudiants, d'une surface de plancher de 3 252 mètres carrés, un local d'activité, d'une surface de plancher de 680 mètres carrés, et 38 places de stationnement, sur un terrain situé au 12, avenue Benjamin Delessert, dans le 10e arrondissement de cette commune. Le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté sa demande comme manifestement irrecevable, au motif que l'intéressé, invité par le tribunal à justifier de son intérêt à agir contre cet arrêté, n'en avait pas suffisamment justifié au regard des exigences de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme.

5. En jugeant que M. B...ne justifiait pas d'un intérêt à agir contre le permis de construire attaqué, alors qu'il établissait dans sa demande au tribunal avoir la qualité d'occupant d'un immeuble situé à proximité immédiate de la parcelle d'assiette du projet et faisait valoir qu'il subirait nécessairement les conséquences de ce projet, situé en face de son bien, s'agissant de sa vue et de son cadre de vie, ainsi que les troubles qui en résulteraient dans la jouissance paisible de son bien, du fait des incidences de la construction envisagée sur les conditions de circulation et de stationnement dans sa rue, en ayant d'ailleurs joint à sa requête un plan cadastral, des photographies et le dossier joint à la demande de permis de construire, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a inexactement qualifié les faits de l'espèce.

6. Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance attaquée doit être annulée. Le moyen retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens du pourvoi.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Marseille et de la société Vinci immobilier résidences services le versement à M. B... d'une somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font, en revanche, obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Vinci immobilier résidences services tendant aux mêmes fins.


D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 20 avril 2015 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Marseille.
Article 3 : La commune de Marseille et la société Vinci immobilier résidences services verseront à M. B...une somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la société Vinci immobilier résidences services présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., à la commune de Marseille et à la société Vinci immobilier résidences services.