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Ariane Web: Conseil d'État 394270, lecture du 27 juillet 2016, ECLI:FR:CECHS:2016:394270.20160727

Décision n° 394270
27 juillet 2016
Conseil d'État

N° 394270
ECLI:FR:CECHS:2016:394270.20160727
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre
M. François Monteagle, rapporteur
M. Vincent Daumas, rapporteur public
SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, avocats


Lecture du mercredi 27 juillet 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :


Le département des Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de procéder au mandatement d'office de la somme de 29 483 798,18 euros à l'encontre de la commune de Marseille, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 29 483 798,18 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, au titre du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de cette décision. Par un jugement n° 0806041-0806121 du 5 avril 2011, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11MA02112 du 20 septembre 2013, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par le département contre ce jugement.

Par une décision n° 373379 du 19 juin 2015, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.

Par une requête en tierce opposition et un mémoire complémentaire, enregistrés le 27 octobre 2015 et le 27 janvier 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Marseille demande au Conseil d'Etat :

1°) de déclarer non avenue sa décision n° 373379 du 19 juin 2015 ;

2°) statuant à nouveau, de rejeter le pourvoi du département des Bouches-du-Rhône ;

3°) de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 ;
- la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 ;
- le décret n° 87-1146 du 31 décembre 1987 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Monteagle, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la commune de Marseille et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat du département des Bouches-du-Rhône ;


Considérant ce qui suit :

1. En vertu des dispositions de l'article R. 832-1 du code de justice administrative, toute personne qui n'a été ni appelée, ni représentée dans l'instance peut former tierce opposition à une décision du Conseil d'Etat rendue en matière contentieuse. Cette voie de rétractation est ouverte à ceux qui se prévalent d'un droit auquel la décision entreprise aurait préjudicié.

2. Après avoir en vain réclamé à la commune de Marseille le mandatement d'une somme de 29 483 798,18 euros au titre de sa contribution aux dépenses d'aide sociale et de santé, le département des Bouches-du-Rhône a demandé au préfet des Bouches-du-Rhône de mandater d'office cette somme puis au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet a refusé de procéder au mandatement. Le tribunal administratif ayant rejeté cette demande, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel que le département a formé contre ce jugement par un arrêt du 20 septembre 2013. Par une décision du 19 juin 2015, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, faisant droit au pourvoi du département dirigé contre cet arrêt, a annulé ce jugement et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Marseille. Cette décision préjudicie à la commune de Marseille. Le pourvoi du département ne lui ayant pas été communiqué, elle n'a pas été présente dans l'instance. Elle ne peut davantage être regardée comme y ayant été représentée par l'Etat. Dans ces conditions, sa tierce opposition est recevable.

3. Le Conseil d'Etat a relevé dans sa décision critiquée du 19 juin 2015 que, pour juger que l'Etat n'avait commis aucune faute du fait de l'abstention du préfet de procéder d'office au mandatement de la somme réclamée par le département des Bouches-du-Rhône, la cour administrative d'appel de Marseille s'était fondée sur la circonstance que les dettes de la commune de Marseille devaient être regardées comme sérieusement contestées dans leur principe ou dans leur montant en raison du litige opposant les parties au sujet de l'exécution de la convention du 13 janvier 2000 fixant notamment l'échéancier de paiement, par la commune, des sommes restant dues au titre de sa contribution aux dépenses d'aide sociale et de santé du département. Le Conseil d'Etat a jugé qu'en statuant ainsi la cour avait commis une erreur de droit, alors que ni le principe de la dette, qui résultait de la loi, ni son montant, qui résultait de décisions prises par le département, n'étaient susceptibles d'être affectés par la convention qui, conformément aux dispositions précitées de la loi du 27 juillet 1999, ne pouvait avoir pour objet, s'agissant des dettes en cause, que de fixer l'échéancier de leur règlement.

4. A l'appui de sa tierce opposition, la commune de Marseille se borne à soutenir que la convention du 13 janvier 2000 constitue la cause de l'obligation financière qui la lie au département des Bouches-du-Rhône. Ce moyen avait été soulevé en défense par le ministre de l'intérieur. Il a été écarté par le Conseil d'Etat dans les termes résumés au point 3 ci-dessus qu'il y a lieu d'adopter pour l'écarter à nouveau. Si la commune allègue en outre que les décisions du département relatives au montant de la dette auraient été prises en méconnaissance de dispositions réglementaires, cet argument ne peut être utilement invoqué pour critiquer le motif retenu par le Conseil d'Etat. Il appartiendra à la commune de Marseille, si elle s'y croit fondée, de le faire valoir dans l'instance, dans laquelle elle indique être présente, devant la cour administrative d'appel de Marseille à laquelle l'affaire a été renvoyée.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 3 000 euros à verser au département des Bouches-du-Rhône, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise au même titre à la charge du département des Bouches-du-Rhône qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la commune de Marseille est rejetée.
Article 2 : La commune de Marseille versera au département des Bouches-du-Rhône la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Marseille et au département des Bouches-du-Rhône.
Copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur.