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Ariane Web: Conseil d'État 400144, lecture du 27 juillet 2016, ECLI:FR:Code Inconnu:2016:400144.20160727

Décision n° 400144
27 juillet 2016
Conseil d'État

N° 400144
ECLI:FR:CECHR:2016:400144.20160727
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 6ème chambres réunies
Mme Marie Sirinelli, rapporteur
M. Jean Lessi, rapporteur public


Lecture du mercredi 27 juillet 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B...A..., à l'appui de ses demandes tendant à l'annulation et à la suspension de l'exécution de la décision du 8 janvier 2016 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France a refusé son orientation vers une structure d'hébergement d'urgence, a produit un mémoire, enregistré le 24 février 2016 au secrétariat de la Commission centrale d'aide sociale, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel il soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une décision n° 160164 du 20 mai 2016, enregistrée le 26 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Commission centrale d'aide sociale, avant qu'il soit statué sur la demande de M.A..., a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 134-1 du code de l'action sociale et des familles.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de l'action sociale et des familles, notamment son article L. 134-1 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;




1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles : " Dans chaque département est mis en place, sous l'autorité du représentant de l'Etat, un dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse, de procéder à une première évaluation de leur situation médicale, psychique et sociale et de les orienter vers les structures ou services qu'appelle leur état. Cette orientation est assurée par un service intégré d'accueil et d'orientation (...) " ; qu'en vertu de l'article L. 345-2-1 du même code, en Ile-de-France, un dispositif unique de veille sociale est mis en place à la demande et sous l'autorité du préfet de région ; qu'aux termes de l'article L. 345-2-2 de ce code : " Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 345-2-3 de ce code : " Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée (...) " ; qu'il résulte de l'article L. 345-2-4 que le service intégré d'accueil et d'orientation est géré par une personne morale en vertu d'une convention conclue avec l'Etat dans chaque département ; que M.A..., après avoir écrit au préfet de la région Ile-de-France en sollicitant son accueil dans une structure d'hébergement d'urgence, a de nouveau appelé, ainsi que le préfet de région l'invitait à le faire, le " 115 ", service d'appel téléphonique géré par le service intégré d'accueil et d'orientation ; qu'il a demandé à la Commission centrale d'aide sociale d'annuler la décision orale du 8 janvier 2016 par laquelle son orientation vers une structure d'hébergement d'urgence aurait alors été refusée ; qu'à l'appui de sa demande, il a soulevé la question de la conformité aux droits et libertés garanties par la Constitution de l'article L. 134-1 du code de l'action sociale et des familles, qui fonde selon lui la compétence des juridictions de l'aide sociale pour connaître de sa demande ;

Sur l'intervention :

3. Considérant que l'association Droit au logement Paris et environs est intervenue devant la Commission centrale d'aide sociale au soutien de la demande de M. A...tendant à l'annulation de la décision du 8 janvier 2016 refusant son orientation vers une structure d'hébergement d'urgence ; qu'elle doit être regardée, en l'état du dossier, comme justifiant, par son objet statutaire et son action, d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de cette demande ; que, dès lors, son intervention devant le Conseil d'Etat au soutien de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A...à l'appui de sa demande doit être admise pour l'examen de cette question ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 134-1 du code de l'action sociale et des familles : " A l'exception des décisions concernant l'attribution des prestations d'aide sociale à l'enfance ainsi que des décisions concernant le revenu de solidarité active, les décisions du président du conseil départemental et du représentant de l'Etat dans le département prévues à l'article L. 131-2 sont susceptibles de recours devant les commissions départementales d'aide sociale mentionnées à l'article L. 134-6 dans des conditions fixées par voie réglementaire " ;

5. Considérant que l'article L. 131-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit que la décision d'admission à l'aide sociale est prise par le préfet pour les prestations qui sont à la charge de l'Etat en application de l'article L. 121-7 du même code ; que cet article dispose que sont à la charge de l'Etat au titre de l'aide sociale " les mesures d'aide sociale en matière de logement, d'hébergement et de réinsertion, mentionnées aux articles L. 345-1 à L. 345-3 " ; que, toutefois, eu égard à la nature du dispositif de veille sociale, qui n'a pas pour objet de décider de la prise en charge financière de l'hébergement des intéressés par l'aide sociale, la réponse donnée à une demande d'accueil dans une structure d'hébergement d'urgence, telle que celles prévues par l'article L. 345-2-2 du même code, ne peut être regardée comme une décision d'admission à l'aide sociale au sens de l'article L. 131-2 mentionné ci-dessus ; que, dès lors, ainsi que le soutient le ministre des affaires sociales et de la santé, les décisions accueillant ou rejetant des demandes d'accueil dans une structure d'hébergement d'urgence ne relèvent pas de la compétence des juridictions de l'aide sociale ; que la disposition contestée au regard de la Constitution n'est par conséquent pas applicable au litige dont est saisi la Commission centrale d'aide sociale ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;


D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par la Commission centrale d'aide sociale.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., à l'association Droit au logement Paris et environs et à la ministre des affaires sociales et de la santé.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre, ainsi qu'à la Commission centrale d'aide sociale.


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