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Ariane Web: Conseil d'État 396939, lecture du 7 septembre 2016, ECLI:FR:CECHS:2016:396939.20160907

Décision n° 396939
7 septembre 2016
Conseil d'État

N° 396939
ECLI:FR:CECHS:2016:396939.20160907
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre
M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur
Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public


Lecture du mercredi 7 septembre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a transmis au tribunal administratif de Montpellier, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, sa décision du 14 septembre 2015 par laquelle elle a rejeté le compte de campagne de Mme A...B...et M. D...C..., candidats aux élections départementales qui se sont déroulés les 22 et 29 mars 2015 dans le canton de Montpellier 4 (Hérault). Par un jugement n° 1506199 du 9 février 2016, le tribunal administratif a déclaré que le compte de campagne du candidat avait été rejeté à bon droit et a déclaré Mme B...et M. C...inéligibles pour une durée de dix-huit mois à compter de la date du jugement.

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 11 février et 17 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de ne pas le déclarer inéligible.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code électoral ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-François de Montgolfier, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;



1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par une décision du 12 novembre 2015, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté que Mme B...et M.C..., candidats aux élections départementales dans le canton de Montpellier 4 (Hérault) organisées les 22 et 29 mars 2015, n'avaient pas déposé leur compte de campagne ; qu'en application des dispositions de l'article L. 52-15 du code électoral, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le tribunal administratif de Montpellier qui, par un jugement du 9 février 2016, a déclaré Mme B...et M. C...inéligibles pour une durée d'un an ; que M. C...fait appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé du rejet du compte de campagne :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : " Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. (...). / Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte. Le compte de campagne est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés ; celui-ci met le compte de campagne en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la liste conduite par Mme B... et M. C...a obtenu au premier tour 2,90 % des suffrages exprimés ; qu'ainsi, en application des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 52-12 du code électoral, les candidats étaient tenus d'établir un compte de campagne et de le déposer à la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques dans le délai fixé par ces mêmes dispositions ; que si M. C...allègue avoir envoyé, dans les délais, son compte de campagne par un courrier simple qui se serait perdu et l'avoir ensuite envoyé à la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques par courrier recommandé, d'une part il est constant que la commission n'a rien reçu dans le délai prescrit par les dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral et, d'autre part, la pièce qu'il produit à l'appui de cette allégation, qui fait état de dépenses et de recettes sans être présentée par un membre de l'ordre des experts comptables, n'est en tout état de cause pas un compte répondant aux exigences de ces mêmes dispositions ; que, par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a jugé que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques avait rejeté à bon droit son compte de campagne ;

Sur l'inéligibilité :

4. Considérant que le troisième alinéa de l'article L. 118-3 du code électoral dispose que le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, " prononce (...) l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales " ; que, pour déterminer si un manquement est d'une particulière gravité au sens de ces dispositions, il incombe au juge de l'élection d'apprécier, d'une part, s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et, d'autre part, s'il présente un caractère délibéré ; qu'en cas de manquement aux dispositions de l'article L. 52-4 du même code, il incombe, en outre, au juge de tenir compte de l'existence éventuelle d'autres motifs d'irrégularité du compte, du montant des sommes en cause ainsi que de l'ensemble des circonstances de l'espèce ;

5. Considérant que l'obligation de déposer un compte de campagne est une formalité substantielle dont l'omission constitue un manquement d'une particulière gravité, hormis le cas où le mandataire financier atteste de l'absence de toute recette et dépense ; que pour justifier de l'absence de dépôt de son compte de campagne, le requérant, dont il résulte de l'instruction que les dépenses de campagne établies s'élèvent à près de 3 500 euros, se borne à soutenir que sa colistière et lui étaient des candidats indépendants se présentant pour la première fois ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier l'a déclaré inéligible, ainsi que sa colistière, pour une durée de dix huit mois ;


D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. D...C..., à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur.