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Ariane Web: Conseil d'État 394065, lecture du 28 septembre 2016, ECLI:FR:Code Inconnu:2016:394065.20160928

Décision n° 394065
28 septembre 2016
Conseil d'État

N° 394065
ECLI:FR:CECHR:2016:394065.20160928
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 1ère chambres réunies
M. Cyrille Beaufils, rapporteur
M. Xavier de Lesquen, rapporteur public
SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS ; SCP LE BRET-DESACHE, avocats


Lecture du mercredi 28 septembre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 394065, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 octobre 2015 et 12 juillet 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la chambre syndicale nationale des géomètres-topographes, MM. F...A..., J...H..., B...C...et E...G..., la société BETF Géomètre et la société Activ'Réseaux B.T.L.M. demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note du 27 août 2015 du directeur général des finances publiques portant modification du paragraphe 120 de l'instruction fiscale BOI-CAD-MAJ-10-10-20150902 publiée au bulletin officiel des finances publiques-impôts le 2 septembre 2015, ainsi que le complément apporté à cette note, non publié au bulletin officiel des finances publiques-impôts, révélé par un courriel du 15 septembre 2015 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


2° Sous le n° 394387, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 novembre 2015 et 1er février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. I...D...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe 120 de l'instruction fiscale BOI-CAD-MAJ-10-10-20150902 publiée au bulletin officiel des finances publiques-impôts le 2 septembre 2015 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la loi n° 46-942 du 7 mai 1946 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 55-471 du 30 avril 1955 ;
- le décret n° 75-305 du 21 avril 1975 ;
- l'arrêté du 30 juillet 2010 fixant les modalités d'attribution des agréments pour l'exécution des travaux cadastraux ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyrille Beaufils, auditeur,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la chambre syndicale nationale des géomètres-topographes et autres ;



1. Considérant que, sous le n° 394065, la chambre syndicale nationale des géomètres-topographes et autres demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la note du 27 août 2015 du directeur général des finances publiques portant modification du paragraphe 120 de l'instruction fiscale BOI-CAD-MAJ-10-10-20150902, publiée au bulletin officiel des finances publiques-impôts le 2 septembre 2015, ainsi que du complément apporté à cette note révélé par un courriel du 15 septembre 2015, qui a pour objet d'en différer l'application ; que, sous le n° 394387, M. D...demande l'annulation pour excès de pouvoir du paragraphe 120 de cette note ;

2. Considérant que ces requêtes sont dirigées contre la même note ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

3. Considérant, en premier lieu, que la note et le complément attaqués ne sont pas au nombre des décisions individuelles soumises à une procédure contradictoire en application des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, alors applicables ; que M. D...ne peut, dès lors, utilement exciper de ce qu'il n'aurait pas été mise à même de présenter ses observations préalablement à leur intervention ;

4. Considérant, en deuxième lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 7 mai 1946 instituant l'ordre des géomètres experts : " Le géomètre-expert est un technicien exerçant une profession libérale qui, en son propre nom et sous sa responsabilité personnelle : / 1° Réalise les études et les travaux topographiques qui fixent les limites des biens fonciers et, à ce titre, lève et dresse, à toutes échelles et sous quelque forme que ce soit, les plans et documents topographiques concernant la définition des droits attachés à la propriété foncière, tels que les plans de division, de partage, de vente et d'échange des biens fonciers, les plans de bornage ou de délimitation de la propriété foncière ; / 2° Réalise les études, les documents topographiques, techniques et d'information géographique dans le cadre des missions publiques ou privées d'aménagement du territoire, procède à toutes opérations techniques ou études sur l'évaluation, la gestion ou l'aménagement des biens fonciers " ; qu'aux termes de l'article 2 de cette loi : " Peuvent seuls effectuer les travaux prévus au 1° de l'article 1er les géomètres-experts inscrits à l'ordre conformément aux articles 3 et 26. (...) " ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 25 du décret du 30 avril 1955 relatif à la rénovation et à la conservation du cadastre : " Dans les communes soumises au régime de la conservation cadastrale, tout changement de limite de propriété notamment par suite de division, lotissement, partage doit être constaté par un document d'arpentage établi aux frais et à la diligence des parties et certifié par elles, qui est soumis au service du cadastre, préalablement à la rédaction de l'acte réalisant le changement de limite, pour vérification et numérotage des nouveaux îlots de propriété (...) " ; que l'article 30 de ce décret prévoit que les documents d'arpentage ne peuvent être dressés que par des personnes agréées dont la liste est arrêtée par l'administration ; qu'en vertu de l'article 2 de l'arrêté du 30 juillet 2010 du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat fixant les modalités d'attribution des agréments pour l'exécution des travaux cadastraux, ces agréments sont accordés distinctement pour l'établissement de documents d'arpentage et l'exécution de tous travaux cadastraux ; que l'article 8 de cet arrêté interdit aux professionnels qui, à la différence des géomètres-experts, ne sont pas agréés d'office, de réaliser les études et travaux topographiques destinés à fixer eux-mêmes les limites des biens fonciers et les droits qui y sont attachés ;

6. Considérant qu'il résulte des dispositions rappelées aux points précédents que le monopole institué par le législateur au profit des géomètres-experts concerne exclusivement les travaux ayant directement pour objet la délimitation des biens fonciers ; qu'ainsi, les documents d'arpentage cadastral ne relèvent de ce monopole que s'ils ont pour objet ou pour effet de fixer les limites des biens fonciers et les droits qui y sont attachés, notamment lorsqu'ils participent à la rédaction d'actes translatifs ou déclaratifs de propriété ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la note attaquée a pour objet de porter à la connaissance des services concernés les modifications apportées à la " doctrine " de l'administration fiscale relative à la mise à jour du plan cadastral, afin de tirer les conséquences d'arrêts de la Cour de cassation relatifs au monopole des géomètres-experts ; que, selon le paragraphe 120 de la " doctrine " ainsi modifiée, relève de la seule compétence des géomètres-experts l'établissement de documents d'arpentage portant changement de limites de propriété, y compris en cas de nouvel agencement de celle-ci par réunion ou division parcellaire, et accompagnant ou destinés à accompagner un acte notarié ou administratif, une expropriation, ou une rectification de limites figurées au plan, dès lors qu'un acte est nécessaire ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 qu'en rappelant ces exigences aux services du cadastre, le directeur général des finances publiques a fait une exacte interprétation des dispositions législatives régissant le monopole des géomètres-experts ; que, par voie de conséquence, doivent être écartés les moyens tirés de ce que la note litigieuse aurait méconnu ces dispositions, incompétemment édicté des règles nouvelles et porté une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre, à la liberté du commerce et de l'industrie et à la libre concurrence ;

8. Considérant, en troisième et dernier lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu par M.D..., la note attaquée n'a eu ni pour objet ni pour effet d'étendre illégalement l'application de l'arrêté précité aux départements d'outre-mer ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des finances et des comptes publics, que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de la note attaquée et de son complément, contre lequel il n'est pas soulevé de moyens propres ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'elles font également obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par l'ordre des géomètres experts, qui n'a été appelé en la cause que pour présenter des observations ;



D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de la chambre syndicale nationale des géomètres-topographes et autres et de M. D...sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'ordre des géomètres-experts au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la chambre syndicale nationale des géomètres-topographes, premier requérant dénommé, à M. I...D..., à l'ordre des géomètres-experts et au ministre des finances et des comptes publics.
Les autres requérants sous le n° 394065 seront informés de la présente décision par la SCP Garreau Bauer-Violas Feschotte-Desbois, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.


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