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Ariane Web: Conseil d'État 390716, lecture du 3 octobre 2016, ECLI:FR:CECHR:2016:390716.20161003

Décision n° 390716
3 octobre 2016
Conseil d'État

N° 390716
ECLI:FR:CECHR:2016:390716.20161003
Inédit au recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur
M. Xavier Domino, rapporteur public
SCP MONOD, COLIN, STOCLET ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, avocats


Lecture du lundi 3 octobre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société Art Solar a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2011 par lequel le maire de Bellegarde a refusé de lui délivrer un permis de construire des serres photovoltaïques agricoles sur un terrain situé domaine des Aveylans,
lieu-dit Sautebraut, sur le territoire de la commune.

Par un jugement n° 1101948 du 23 avril 2013, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13MA02539 du 3 avril 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la société Art Solar, annulé le jugement du tribunal administratif de Nîmes et l'arrêté du maire de Bellegarde du 24 janvier 2011.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 juin 2015, 4 septembre 2015 et 1er juillet 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Bellegarde demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 3 avril 2015 de la cour administrative d'appel de Marseille ;

2°) de mettre à la charge de la société Art Solar la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Barrois de Sarigny, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la commune de Bellegarde, et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la société Art Solar ;




1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 24 janvier 2011, le maire de Bellegarde a refusé de délivrer à la société Art Solar un permis de construire un ensemble de serres agricoles photovoltaïques sur une parcelle située domaine des Aveylans, lieu-dit Sautebraut, sur le territoire de la commune ; que la société Art Solar a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté ; que la commune de Bellegarde se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 3 avril 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, annulé le jugement du tribunal administratif de Nîmes rejetant la demande de la société Art Solar et, d'autre part, annulé le refus de permis de construire ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux " ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les pièces produites par la société Art Solar dans son mémoire du 25 février 2015 ne comportaient aucun élément nouveau et que, notamment, l'accusé de réception du recours introduit par la société devant le préfet du Gard qui y figurait, sur lequel la cour administrative d'appel de Marseille s'est fondée, avait déjà été produit devant le tribunal administratif de Nîmes et communiqué aux parties dans ce cadre ; que, par suite, la cour n'était pas tenue, en application des dispositions précitées de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, de communiquer ce mémoire à la commune requérante ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

3. Considérant que la commune de Bellegarde, qui n'a pas fait valoir devant la cour administrative d'appel de Marseille que les dispositions des articles L. 123-1, R. 123-7 et R. 123-8 du code de l'urbanisme s'opposaient à ce que le projet de la société Art Solar soit autorisé, n'est pas fondée à soutenir que la cour administrative d'appel aurait insuffisamment motivé son arrêt, commis une erreur de qualification juridique des faits et commis une erreur de droit au regard de ces articles ;

4. Considérant que le chapitre IV du plan d'occupation des sols de la commune de Bellegarde définit la zone NC comme une zone qui " englobe des espaces naturels à protéger en raison de la valeur économique des sols et du sous-sol ", réservée " au maintien et au développement d'activités agricoles ainsi qu'à l'exploitation de carrières ", et devant " à ce titre, être protégée de toute occupation et utilisation des sols non liées directement à ce type d'activité " ; que l'article NC1 du règlement du plan d'occupation des sols dispose que sont admises dans cette zone " 3 - les serres de production " ; que l'article NC2 du même règlement prévoit que : " sont interdites toutes les formes d'utilisation et d'occupation des sols non mentionnées à l'article NC1 ci-dessus " ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la construction de serres de production est autorisée en zone NC, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que ces installations puissent servir aussi à d'autres activités ; que par suite, en jugeant que la commune de Bellegarde ne pouvait légalement refuser le projet de la société Art Solar au motif qu'il méconnaissait l'article NC1 précité dès lors que les serres projetées pouvaient être regardées comme des " serres de production ", dont la destination agricole, avérée, n'était pas remise en cause par l'installation des panneaux photovoltaïques qui en constituent la couverture, la cour administrative d'appel de Marseille, qui a suffisamment motivé sa décision, s'est livrée, sans erreur de droit, à une appréciation souveraine des faits de l'espèce, exempte de dénaturation ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ;

7. Considérant que si la commune a, dans ses écritures devant la cour, fait état de la présence, à proximité du projet, de plusieurs sites protégés, elle n'a à aucun moment apporté de précision sur la nature ou l'ampleur des atteintes que le projet aurait été susceptible de leur porter ; que, par suite, c'est sans dénaturer les écritures de la requérante que la cour a jugé que la commune de Bellegarde n'établissait ni n'alléguait que la proximité du projet avec des zones naturelles d'intérêt écologique et floristique (ZNIEFF), le mas de Broussan, le Bois des Sources et la zone de protection spéciale (ZPS) site Natura 2000 " Costières de Nîmes ", nuirait à la protection de ces sites ; qu'en écartant le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées, la cour n'a pas commis d'erreur de droit et s'est livrée à une appréciation souveraine des faits de l'espèce exempte de dénaturation ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Bellegarde n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Art Solar, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bellegarde la somme de 3 000 euros à verser à la société Art Solar sur le fondement des mêmes dispositions ;


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la commune de Bellegarde est rejeté.

Article 2 : La commune de Bellegarde versera une somme de 3 000 euros à la société Art Solar au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Bellegarde et à la société Art Solar.


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