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Ariane Web: Conseil d'État 391211, lecture du 3 octobre 2016, ECLI:FR:Code Inconnu:2016:391211.20161003

Décision n° 391211
3 octobre 2016
Conseil d'État

N° 391211
ECLI:FR:CECHR:2016:391211.20161003
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 6ème chambres réunies
Mme Florence Marguerite, rapporteur
M. Jean Lessi, rapporteur public
LE PRADO ; SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE, avocats


Lecture du lundi 3 octobre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 23 octobre 2013 par laquelle le président du conseil général de la Haute-Vienne a rejeté son recours formé contre la décision de la caisse d'allocations familiales de la Haute-Vienne du 14 mai 2013 constatant un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 2 145 euros pour la période de mai 2011 à mai 2012. Par un jugement n° 1301838 du 19 février 2015, le tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande de M. B....

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 juin, 22 septembre et 21 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M.B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 19 février 2015 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à Me Le Prado, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de M. B...et à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat du département de la Haute-Vienne.



Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Considérant qu'il incombe au juge administratif de se prononcer sur le bien-fondé des moyens dont il est saisi et, le cas échéant, d'écarter de lui-même, quelle que soit l'argumentation du défendeur, un moyen qu'il juge infondé, au vu de l'argumentation qu'il appartient au requérant de présenter au soutien de ses prétentions ;

2. Considérant qu'en relevant, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance d'une circulaire ministérielle dont se prévalait M.B..., que le ministre ne tenait d'aucune disposition législative ou réglementaire compétence pour édicter, par voie de circulaire, les dispositions invoquées, le tribunal administratif a exercé son office sans soulever un moyen d'ordre public qu'il lui aurait appartenu de communiquer préalablement aux parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement a été rendu au terme d'une procédure irrégulière, faute pour le tribunal administratif d'avoir respecté ces dispositions ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant, en premier lieu, que l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée du 23 octobre 2013, signée au nom du président du conseil général de la Haute-Vienne par M. C...A..., directeur de l'insertion au sein des services du département, ne ressortait pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en ne relevant pas d'office ce moyen ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision initiale de la caisse d'allocations familiales de la Haute-Vienne du 14 mai 2013, à laquelle s'est substituée, par l'effet du recours administratif préalable obligatoire exercé par M.B..., la décision du président du conseil général, était, en tout état de cause, inopérant ; que, par suite, le requérant n'est pas davantage fondé à soutenir que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en ne relevant pas d'office ce moyen ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 262-3 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) L'ensemble des ressources du foyer, y compris celles qui sont mentionnées à l'article L. 132-1, est pris en compte pour le calcul du revenu de solidarité active, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine notamment : (...) 2° Les modalités d'évaluation des ressources, y compris les avantages en nature. L'avantage en nature lié à la disposition d'un logement à titre gratuit est déterminé de manière forfaitaire (...) " ; que le premier alinéa de l'article R. 262-6 du même code précise que : " Les ressources prises en compte pour la détermination du montant du revenu de solidarité active comprennent, sous les réserves et selon les modalités figurant au présent chapitre, l'ensemble des ressources, de quelque nature qu'elles soient, de toutes les personnes composant le foyer, et notamment les avantages en nature ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux " ; qu'enfin, l'article R. 262-9 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que : " Les avantages en nature procurés par un logement occupé soit par son propriétaire ne bénéficiant pas d'aide personnelle au logement, soit, à titre gratuit, par les membres du foyer, sont évalués mensuellement et de manière forfaitaire : / 1° A 12 % du montant forfaitaire mentionné au 2° de l'article L. 262-2 applicable à un foyer composé d'une seule personne ; (...) / Les avantages en nature procurés par un jardin exploité à usage privatif ne sont pas pris en compte " ;

5. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions que les avantages en nature que reçoivent les bénéficiaires du revenu de solidarité active doivent être intégrés dans les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l'allocation à laquelle ils peuvent prétendre, à l'exclusion de l'usage privatif d'un jardin ; que si la fourniture d'un logement à titre gratuit doit être évaluée sur la base forfaitaire prévue par l'article R. 262-9 du code de l'action sociale et des familles, les autres avantages en nature doivent, en l'absence de dispositions réglementaires prévoyant un mode d'évaluation forfaitaire, être évalués sur la base de leur valeur réelle ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif de Limoges a commis une erreur de droit en jugeant que l'autorité administrative avait pu, à bon droit, tenir compte, pour le calcul de ses droits au revenu de solidarité active, des pensions alimentaires qu'il percevait en nature ;

6. Considérant, en troisième lieu, que le requérant ne pouvait utilement se prévaloir devant le juge du fond des termes d'une circulaire ministérielle pour contester l'application de dispositions législatives et réglementaires ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de la circulaire n° DGCS/MS/2010/64 du 6 avril 2010 du ministre de la jeunesse et des solidarités actives était inopérant ; qu'il convient de l'écarter pour ce motif, qui doit être substitué aux motifs, au demeurant contradictoires, retenus par le jugement attaqué ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'en vertu du neuvième alinéa de l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction alors applicable, une créance d'indu de revenu de solidarité active peut être remise ou réduite par le président du conseil général, ou l'organisme chargé du service du revenu de solidarité active pour le compte de l'Etat, " en cas de bonne foi ou de précarité de la situation du débiteur, sauf si cette créance résulte d'une manoeuvre frauduleuse ou d'une fausse déclaration " ;

8. Considérant que ces dispositions excluent de leur bénéfice les demandeurs de mauvaise foi du fait soit de manoeuvres frauduleuses soit de fausses déclarations, quelle que soit la précarité de leur situation ; qu'il en résulte que les conditions tenant, d'une part, à la bonne foi du demandeur et, d'autre part, à la précarité de sa situation ne peuvent être regardées comme alternatives ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en rejetant ses conclusions tendant à la remise gracieuse de la créance qui lui est réclamée par le département de la Haute-Vienne en raison de sa situation sociale, alors même qu'il avait admis sa bonne foi ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. B...doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...la somme que le département de la Haute-Vienne demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B...est rejetée
Article 2 : Les conclusions du département de la Haute-Vienne présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. D...B...et au département de la Haute-Vienne.
Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.


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