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Ariane Web: Conseil d'État 373664, lecture du 5 octobre 2016, ECLI:FR:CECHS:2016:373664.20161005

Décision n° 373664
5 octobre 2016
Conseil d'État

N° 373664
ECLI:FR:CECHS:2016:373664.20161005
Inédit au recueil Lebon
10ème chambre
Mme Manon Perrière, rapporteur
M. Benoît Bohnert, rapporteur public
BALAT ; SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE, avocats


Lecture du mercredi 5 octobre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société Générim a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Marseille à lui rembourser l'avance qu'elle lui avait versée en exécution d'une convention du 30 mai 1994, soit une somme de 255 704,55 euros, assortie des intérêts à compter de sa demande préalable du 27 septembre 2004. Par un jugement n° 0801074 du 13 mars 2012, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

La société Générim et la SCI du Vieux Port ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Marseille à les indemniser du préjudice résultant du retrait par la commune de la délibération du 30 mars 1998 qui avait retenu l'offre du groupement dont elles étaient membres, soit une somme de 5 795 358 euros, assortie des intérêts à compter de leur demande préalable du 25 avril 2008. Par un jugement n° 0804633 du 13 mars 2012, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 12MA01883, 12MA01884 du 30 septembre 2013, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ces jugements et rejeté les demandes présentées par la société Générim devant le tribunal administratif de Marseille.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 2 décembre 2013, les 28 février et 3 novembre 2014, la société Générim demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses requêtes et d'ordonner la capitalisation des intérêts échus sur le montant des condamnations qui seront prononcées à l'encontre de la commune de Marseille ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'une somme de 35 euros correspondant à la contribution à l'aide juridique acquittée en application de l'article R. 761-1 de ce code.



Vu les autres pièces du dossier, y compris celles visées par la décision du Conseil d'Etat du 10 février 2016 ;

Vu :
- la loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits ;
- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Manon Perrière, auditeur,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Balat, avocat de la société Générim et à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la ville de Marseille ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans le cadre du programme de rénovation de son centre ville, la commune de Marseille a décidé de vendre des parcelles de son domaine privé à la SCI du Vieux Port en vue de la création d'un équipement hôtelier de prestige dans le quartier du Vieux Port. Une convention prévoyant cette cession a été conclue entre les deux parties le 30 mai 1994. En application de cette convention, la société Générim, qui assure la gérance de la SCI du Vieux Port, a versé à la commune de Marseille une avance de 975 000 francs, soit 255 704,55 euros, correspondant à 5 % du montant de la vente. La cession ainsi prévue n'a toutefois pas abouti. Par délibération en date du 30 avril 1996, la commune de Marseille a décidé de lancer une nouvelle consultation en vue de réaliser l'opération envisagée. Par délibération du 30 mars 1998, le conseil municipal a retenu la proposition présentée par le groupement constitué par la société Générim, et autorisé le maire de Marseille à engager des discussions avec ce groupement afin de préciser les caractéristiques du projet. Cette délibération a cependant été rapportée par une délibération du 27 mars 2000. La société Générim a demandé à la commune de Marseille, d'une part, de lui rembourser l'avance versée au titre de la convention du 30 mai 1994 et, d'autre part, de l'indemniser du préjudice résultant pour elle du retrait de la délibération du 30 mars 1998. Par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Marseille, annulant les jugements du tribunal administratif de Marseille, a rejeté ces demandes.

Sur la régularité de l'arrêt attaqué ;

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Aux termes de l'article R. 613-2 de ce code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2 ". Aux termes de l'article R. 613-4 du même code : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la cour administrative d'appel de Marseille a avisé les parties, le 21 août 2013, que l'audience était fixée au lundi 9 septembre 2013. En l'absence d'ordonnance de clôture de l'instruction, cette clôture intervenait donc le jeudi 5 septembre 2013 à minuit. La commune de Marseille, qui n'avait jusque là produit que des observations en réponse au moyen d'ordre public dont l'avait informé la cour, a produit son premier mémoire en défense le 4 septembre 2013. Ce mémoire a été communiqué à la société Générim le même jour. Dans son mémoire en réplique produit le 5 septembre 2013, la société, après avoir répondu aux moyens invoqués par la commune, a indiqué que la production par celle-ci d'un mémoire en défense de dernière minute n'avait à ses yeux qu'un but dilatoire, et demandé expressément que l'audience prévue le 9 septembre soit maintenue. Dans ces conditions, la société n'est pas fondée à soutenir qu'en maintenant l'audience à cette date, la cour aurait méconnu le caractère contradictoire de la procédure.

Sur le bien-fondé de l'arrêt en ce qui concerne la compétence du juge administratif pour statuer sur les conclusions tendant au remboursement de l'avance versée en exécution de la convention du 30 mai 1994 :

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la convention du 30 mai 1994 avait pour objet la cession d'un bien immobilier appartenant au domaine privé de la commune de Marseille à une société privée chargée de concevoir, construire et gérer un équipement hôtelier de prestige sur la parcelle acquise. Sur renvoi effectué par la décision visée ci-dessus du Conseil d'Etat, le Tribunal des conflits a déclaré, par une décision du 4 juillet 2016, que les juridictions de l'ordre judiciaire sont seules compétentes pour statuer sur les conclusions de la société Générim tendant à condamner la commune de Marseille à lui rembourser l'avance qu'elle lui avait versée en exécution de la convention du 30 mai 1994. Par suite, c'est sans erreur de droit que la cour a rejeté comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître les conclusions tendant au remboursement de l'avance versée par la société à la commune en exécution de cette convention.

Sur le bien-fondé de l'arrêt en ce qui concerne l'indemnisation du préjudice résultant du retrait de la délibération du 30 mars 1998 :

5. La cour, après avoir relevé que la délibération du 30 mars 1998 se bornait à habiliter le maire de Marseille à procéder à la mise au point d'un compromis de vente à soumettre au conseil municipal et à engager avec le groupement constitué par la société Generim des discussions permettant de " mettre au point les modalités précises " du compromis ainsi envisagé " ainsi que les dispositions techniques réglementaires et architecturales du projet ", a pu juger, sans dénaturer les faits de l'espèce, que cette délibération ne constituait pas une promesse dont le retrait aurait été de nature à engager la responsabilité de la commune à l'égard du groupement. Les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice résultant du retrait de la délibération du 30 mars 1998 doivent, par suite, être rejetées.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Générim n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué. Ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Générim la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Marseille, au titre des mêmes dispositions.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Générim est rejeté.

Article 2 : La société Générim versera à la commune de Marseille la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Générim et à la commune de Marseille.