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Ariane Web: Conseil d'État 395089, lecture du 12 octobre 2016, ECLI:FR:Code Inconnu:2016:395089.20161012

Décision n° 395089
12 octobre 2016
Conseil d'État

N° 395089
ECLI:FR:CECHR:2016:395089.20161012
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 1ère chambres réunies
M. Jean-Philippe Mochon, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public
SCP GADIOU, CHEVALLIER, avocats


Lecture du mercredi 12 octobre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Le préfet de l'Essonne a déféré au tribunal administratif de Versailles l'arrêté du 11 juillet 20013 par lequel le maire de la commune de Viry-Châtillon a délivré à M. et Mme A... un permis de construire pour une maison d'habitation située au 51 rue Eugène Lefebvre. Par un jugement n° 1400333 du 5 octobre 2015, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ce déféré.

Par un pourvoi, enregistré le 7 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement et cet arrêté


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Philippe Mochon, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la commune de Viry-Châtillon.



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire de Viry-Châtillon a, par un arrêté du 11 juillet 2013, délivré à M. et Mme A...un permis de construire une maison d'habitation sur une parcelle leur appartenant, classée en " zone bleue " d'aléa fort par le plan de prévention des risques d'inondation de la vallée de la Seine dans le département de l'Essonne ; que le tribunal administratif de Versailles a, par un jugement du 5 octobre 2015, rejeté le déféré formé par le préfet de l'Essonne contre ce permis ; que le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité se pourvoit en cassation contre ce jugement ;

2. Considérant qu'en vertu du I de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, l'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles, tels que, notamment, les inondations ; que ces plans ont notamment pour objet, en vertu du II du même article, de délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de leur nature et de leur intensité, d'y interdire tout type de construction ou réalisation d'aménagements ou d'ouvrages, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines, ou de prescrire les conditions dans lesquelles les constructions, aménagements ou ouvrages doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; qu'aux termes de l'article L. 562-4 du code de l'environnement : " Le plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé vaut servitude d'utilité publique. Il est annexé au plan d'occupation des sols, conformément à l'article L. 126-1 du code de l'urbanisme (...) " ; que les prescriptions d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles, destinées notamment à assurer la sécurité des personnes et des biens exposés à certains risques naturels et valant servitude d'utilité publique, s'imposent directement aux autorisations de construire ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les dispositions du plan de prévention des risques d'inondation de la vallée de la Seine dans le département de l'Essonne, approuvé par arrêté préfectoral du 20 octobre 2003, sont, selon les termes du règlement de ce plan " destinées à renforcer la sécurité des personnes, à limiter les dommages aux biens et aux activités existants, à éviter un accroissement des dommages dans le futur et à assurer le libre écoulement des eaux et la conservation des champs d'expansion des crues " et " consistent en des interdictions visant l'occupation et l'utilisation des sols et en des prescriptions destinées à prévenir les dommages. " ; qu'aux termes de ce plan, dans le périmètre de la " zone bleue ", qui concerne les zones urbanisées autres que les centres urbains exposées à un aléa fort, sont interdites, en vertu de l'article B.I-4 du règlement, " les constructions ou les reconstructions de tous types sauf celles autorisées sous conditions "; que l'article B.A-6 de ce règlement n'autorise les reconstructions de bâtiments à usage d'habitation qu'en cas de sinistre non lié aux inondations ; que l'article B.A-9 autorise " les constructions nouvelles d'habitation dans une " dent creuse " de l'urbanisation actuelle, dans le respect des règles du plan local d'urbanisme (...) " ; que le règlement définit une " dent creuse " comme une " unité foncière non bâtie, d'une superficie maximale de 1 000 m2, qui se caractérise en tant que discontinuité dans la morphologie urbaine environnante " ; qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions, comme de leur économie générale, que pour l'application des dispositions de l'article B.A-9, il y a lieu de se référer à l'urbanisation qui était en vigueur lors de l'adoption du plan, soit le 20 octobre 2003, et non à l'urbanisation existante à la date à laquelle il est statué sur une demande de permis de construire ; que, dans le cas d'une " dent creuse " de l'urbanisation apparue postérieurement à l'adoption du plan, seules sont applicables les dispositions sur les reconstructions figurant à l'article B.A-6 du plan ;

4. Considérant, qu'il ressort des énonciations du jugement attaqué qu'il est constant que la parcelle faisant l'objet du permis de construire litigieux est classée par le plan en " zone bleue " et soumise, par suite, aux dispositions exposées ci-dessus ; qu'en se fondant, pour écarter le moyen tiré de ce que le permis de construire avait été délivré en méconnaissance du règlement du plan de prévention des risques d'inondation, sur la circonstance que le terrain d'assiette du projet n'était pas bâti à la date à laquelle l'arrêté litigieux a été pris et que, par suite, l'arrêté avait autorisé une construction nouvelle dans une " dent creuse " de l'urbanisation actuelle au sens de l'article B.A-9, alors qu'il aurait dû, dans l'application de ces dispositions, se fonder sur les données de l'urbanisation existantes à la date de l'adoption du plan, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 5 octobre 2015 du tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Versailles.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Viry-Châtillon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre du logement et de l'habitat durable, à la commune de Viry-Châtillon et à M. et MmeA....


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