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Ariane Web: Conseil d'État 386767, lecture du 17 octobre 2016, ECLI:FR:CECHS:2016:386767.20161017

Décision n° 386767
17 octobre 2016
Conseil d'État

N° 386767
ECLI:FR:CECHS:2016:386767.20161017
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre
Mme Marie-Françoise Guilhemsans, rapporteur
M. Xavier De Lesquen, rapporteur public
SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, avocats


Lecture du lundi 17 octobre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

L'Association Energie pour Roquefort-les-Pins et autres, l'Association Défense Environnement Villeneuve Loubet et la commune de Roquefort-les-Pins ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2009 du préfet des Alpes-Maritimes autorisant la société Entreprise Jean Spada à exploiter une installation de stockage de déchets inertes sur le site de l'ancienne carrière de La Roque. Par un jugement n° 0904750, 100618 et 1001631 du 28 décembre 2012, le tribunal administratif de Nice a fait droit à ces demandes.

Par un arrêt n° 13MA00087 du 28 octobre 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société Entreprise Jean SPADA contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 décembre 2014 et 20 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Entreprise Jean Spada demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de renvoyer l'affaire devant une cour administrative d'appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Roquefort-les-Pins la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Françoise Guilhemsans, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de l'Entreprise Jean Spada et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la commune de Roquefort-les-Pins et autres ;


1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 28 octobre 2009, le préfet des Alpes-Maritimes a autorisé la société Entreprise Jean Spada à exploiter, pendant une durée de douze ans, une installation de stockage de déchets inertes dans la zone II NAz du plan d'occupation des sols de la commune de Roquefort-les-Pins ; que par un jugement du 28 décembre 2012, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté à la demande de la commune de Roquefort-les-Pins et d'autres requérants ; que la société Entreprise Jean Spada se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 octobre 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a confirmé ce jugement ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué

2. Considérant qu'il ressort des pièces de la procédure que la minute de l'arrêt attaqué comporte l'ensemble des signatures requises par les dispositions de l'article R 741-7 du code de justice administrative; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêt attaqué serait entaché d'un vice de forme, faute d'être revêtu des signatures du président, du rapporteur et du greffier, doit être écarté ;

3. Considérant qu'en relevant qu'une installation de stockage de déchets inertes ne pouvait être rattachée à l'une des catégories d'occupation ou utilisation du sol admises dans la zone II NAz du plan d'occupation des sols et en en déduisant que le tribunal administratif de Nice pouvait se fonder sur ce motif pour annuler l'arrêté autorisant cette installation, la cour a suffisamment motivé son arrêt ;




Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 541-30-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - L'exploitation d'une installation de stockage de déchets inertes est soumise à autorisation administrative délivrée dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. (...) " ; qu'aux termes du I de l'article R. 541-70 du même code, alors en vigueur, " I. -L'autorisation peut être refusée, par décision motivée, si l'exploitation de l'installation est de nature à porter atteinte : / 1° A la salubrité, à la sécurité ou à la tranquillité publiques ; / 2° Au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants ; / 3° Aux sites, aux paysages, à la conservation des perspectives monumentales ; / 4° A l'exercice des activités agricoles et forestières ou à la conservation des milieux naturels, de la faune ou de la flore." ; qu'aux termes de l'article L. 123-5 du code de l'urbanisme alors en vigueur, relatif au plan local d'urbanisme et applicable aux plans d'occupation des sols en vertu de l'article L. 123-19 du même code : " Le règlement et ses documents graphiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, (...) " ; qu'il résulte des dispositions alors applicables des articles L. 421-2, L. 421-6, R. 421-19 et R. 425-25 du même code, d'une part, que les permis d'aménager dont la délivrance doit précéder la réalisation des exhaussements du sol les plus importants ne peuvent être accordés que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions régissant l'utilisation du sol, et, d'autre part, que, lorsqu'un exhaussement du sol est soumis à autorisation en application du chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l'environnement, cette autorisation dispense du permis d'aménager ;

5. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'autorisation délivrée en application de l'article L. 541-30-1 du code de l'environnement, en vue de l'exploitation d'une installation de stockage de déchets inertes dont l'activité a pour conséquence un exhaussement des sols, doit respecter les dispositions prévues par le règlement du plan local d'urbanisme ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'alors même que l'article R. 541-70 du code de l'environnement ne mentionnait pas la méconnaissance de ce règlement parmi les motifs susceptibles de justifier le refus d'autorisation d'exploiter une installation de stockage de déchets inertes, le préfet pouvait légalement se fonder sur les dispositions du règlement du plan d'occupation des sols pour refuser d'autoriser une telle installation ;

6. Considérant que l'article IINAz1 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Roquefort-les-Pins approuvé le 26 mars 2002, applicable à la zone IINAz dans laquelle est situé le terrain d'assiette de l'installation litigieuse, prévoyait, dans sa rédaction alors applicable : " (...) 1. Sont notamment admises les occupations et utilisations du sol ci-après : (...) Pour le secteur IINAza uniquement : les constructions à usage d'hébergement hôtelier, les constructions à usage de commerce et de service, les constructions à usage d'artisanat, les équipements collectifs liés aux activités de la zone, les équipements collectifs. // Pour les secteurs IINAzb et IINAzc uniquement : les constructions à usage industriel, les lotissements à usage industriel. " ; que le 2 de cet article prévoit que sont également admis dans l'ensemble de la zone IINAz les installations classées soumises à autorisation ou à déclaration et les affouillements et les exhaussements du sol indispensables aux constructions et installations autorisées dans la zone, ainsi qu'à leur desserte ; que l'article IINAz 2 du même règlement dispose que : " Toutes les installations et utilisations du sol non mentionnées à l'article IINAz1 sont interdites " ; qu'en jugeant, en premier lieu, que ces dispositions ne permettaient pas la création dans cette zone d'une installation de stockage de déchets inertes, qui relevait alors d'un régime distinct de celui des installations classées, en deuxième lieu, que la circonstance que le régime des installations de stockage de déchets inertes avait été modifié par la loi du 26 octobre 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement postérieurement à l'approbation du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Roquefort-les-Pins ne saurait induire que l'installation projetée aurait été conforme à ce règlement dès lors qu'il n'a pas été modifié pour être mis en conformité avec la loi du 26 octobre 2005, enfin que la circonstance que le régime des installations de stockage de déchets inertes était beaucoup plus contraignant que celui applicable aux installations classées était sans incidence sur cette absence d'autorisation par le règlement du plan d'occupation des sols, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société Entreprise Jean Spada doit être rejeté ; que, par suite, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de l'urbanisme font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Roquefort-les-Pins, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Entreprise Jean Spada la somme de 3 000 euros à verser à la commune de Roquefort-les-Pins, au titre de ces mêmes dispositions ;


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Entreprise Jean Spada est rejeté.
Article 2 : La société Entreprise Jean Spada versera à la commune de Roquefort-les-Pins la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Entreprise Jean Spada et à la commune de Roquefort-les-Pins.
Copie en sera adressée à la ministre de l'écologie, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, au Comité de sauvegarde de l'environnement et des sites de Roquefort-les-Pins, à l'association Défense Environnement de Villeneuve-Loubet, à l'association Energie pour Roquefort-les-Pins et à M. B...A....