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Ariane Web: Conseil d'État 384807, lecture du 18 octobre 2016, ECLI:FR:CECHS:2016:384807.20161018

Décision n° 384807
18 octobre 2016
Conseil d'État

N° 384807
ECLI:FR:CECHS:2016:384807.20161018
Inédit au recueil Lebon
9ème chambre
M. Alain Seban, rapporteur
Mme Laurence Marion, rapporteur public
SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY ; SCP GADIOU, CHEVALLIER, avocats


Lecture du mardi 18 octobre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société civile de placement immobilier (SCPI) Pierre Investissement 3 a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler, d'une part, les décisions du 7 septembre 2010 par lesquelles l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) a procédé au retrait de deux subventions qu'elle lui avait accordées pour la rénovation d'un ensemble immobilier sis à Troyes, le titre exécutoire émis par l'ANAH le 19 novembre 2010 en recouvrement des sommes déjà versées et les décisions de rejet nées du silence gardé par l'ANAH sur ses recours hiérarchiques, et, d'autre part, les décisions du 5 juillet 2011 par lesquelles la directrice générale de l'ANAH a expressément rejeté ces recours. Par un jugement n° 1100347, 1101668 du 30 mai 2013, rectifié par une ordonnance du 2 juillet 2013, le tribunal administratif a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions implicites de rejet des recours de la société requérante, annulé les décisions du 7 septembre 2010, le titre exécutoire du 19 novembre 2010 et les décisions du 5 juillet 2011 et enjoint à l'ANAH de réexaminer la demande de la SCPI dans un délai d'un mois.

Par un arrêt n° 13NC01737 du 25 juillet 2014, la cour administrative d'appel de Nancy, statuant sur l'appel de l'ANAH, a annulé ce jugement en tant qu'il annulait les décisions du 5 juillet 2011 et enjoignait à l'agence de réexaminer la demande de la SCPI.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 25 septembre et 26 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCPI Pierre Investissement 3 demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il fait partiellement droit à l'appel de l'ANAH ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de l'ANAH ;

3°) de mettre à la charge de l'ANAH la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de la SCPI Pierre Investissement 3 et à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de l'ANAH.



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par deux décisions du 17 décembre 2004, la commission locale d'amélioration de l'habitat de l'Aube a accordé à la société civile de placement immobilier (SCPI) Pierre Investissement 3 deux subventions destinées à la rénovation d'un ensemble immobilier sis à Troyes et comprenant quatorze logements, dont quatre logements à loyers conventionnés ; qu'après avoir versé des acomptes à la SCPI, l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) lui a accordé deux délais successifs, dont le second expirait le 17 décembre 2009, pour qu'elle lui adresse les pièces justificatives de l'achèvement du projet, à la production desquelles elle a subordonné le versement du solde des subventions ; qu'estimant que la SCPI Pierre Investissement 3 n'avait pas justifié de l'achèvement du projet dans le délai imparti, l'ANAH a, par deux décisions du 7 septembre 2010, prononcé le retrait de ces subventions ; que la directrice de l'Agence a émis le 19 novembre 2010 un titre exécutoire aux fins de recouvrer les sommes déjà versées ; que, par un jugement du 30 mai 2013, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, statuant sur la demande de la SCPI Pierre Investissement 3, a, d'une part, annulé les décisions du 7 septembre 2010, le titre exécutoire du 19 novembre 2010 et les décisions du 5 juillet 2011 par lesquelles la directrice de l'ANAH avait, en cours d'instance, expressément rejeté les recours hiérarchiques de la SCPI et, d'autre part, enjoint à l'ANAH de réexaminer la demande de versement du solde des subventions présentée par la SCPI ; que, par un arrêt du 25 juillet 2014, la cour administrative d'appel de Nancy, statuant sur la requête de l'ANAH, a annulé ce jugement en tant qu'il annulait les décisions du 5 juillet 2011 et en tant qu'il enjoignait à l'ANAH de réexaminer la demande de la SCPI ; que la SCPI Pierre Investissement 3 demande l'annulation de cet arrêt en tant qu'il fait partiellement droit à l'appel de l'ANAH ;

2. Considérant que l'article R. 321-21 du code de la construction et de l'habitation prévoit qu'une procédure de communication préalable définie par le règlement général de l'ANAH doit être observée avant toute décision de retrait ou de reversement partiel des aides versées par l'agence ; que si l'article 21 du règlement général de l'agence prévoit que cette procédure n'est pas applicable dans le cas où la décision intervient en raison de l'absence de transmission, dans le délai imparti, des pièces justificatives que le bénéficiaire doit fournir, cette disposition ne peut trouver à s'appliquer que lorsque l'agence a expressément demandé à l'intéressé de transmettre les pièces en cause en lui indiquant le délai dont il dispose pour ce faire ;

3. Considérant que, pour faire droit à l'appel de l'ANAH, la cour administrative d'appel a jugé qu'il ne ressortait d'aucune des pièces du dossier que la convention prévue aux articles L. 321-4 et L. 321-8 du code de la construction et de l'habitation avait été transmise par la SCPI avec sa demande de paiement du solde des subventions ; qu'en jugeant que le défaut de transmission de cette convention dans le délai imparti par l'ANAH pour fournir les pièces justificatives justifiait légalement le retrait des subventions en cause sans procédure de communication préalable, sans rechercher si l'ANAH avait expressément invité la SCPI à fournir la convention, la cour a commis une erreur de droit ; que par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par l'ANAH soit mise à la charge de la SCPI Pierre Investissement 3 qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ANAH, au titre des mêmes dispositions, la somme de 3 000 euros à verser à la SCPI Pierre Investissement 3 ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'article 1er de l'arrêt du 25 juillet 2014 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy dans la mesure de l'annulation prononcée.
Article 3 : L'ANAH versera la somme de 3 000 euros à la SCPI Pierre Investissement 3 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par l'ANAH au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société civile de placement immobilier Pierre Investissement 3 et à l'Agence nationale de l'habitat.