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Ariane Web: Conseil d'État 398975, lecture du 19 octobre 2016, ECLI:FR:CECHR:2016:398975.20161019

Décision n° 398975
19 octobre 2016
Conseil d'État

N° 398975
ECLI:FR:CECHR:2016:398975.20161019
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
Mme Anne Egerszegi, rapporteur
M. Vincent Daumas, rapporteur public


Lecture du mercredi 19 octobre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 17 décembre 2015, en vue de la désignation des représentants de la commune de Drancy (Seine-Saint-Denis) au sein des organes délibérants de la métropole du Grand Paris et de l'établissement territorial Paris Terres d'envol. Par un jugement n° 1510745 du 21 mars 2016, le tribunal administratif a rejeté sa protestation.

Par une requête enregistrée le 21 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à sa protestation.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code électoral ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;




Considérant ce qui suit :

1. Lors de sa séance du 17 décembre 2015, le conseil municipal de la commune de Drancy (Seine-Saint-Denis) a élu le conseiller métropolitain représentant la commune au sein de l'organe délibérant de la métropole du Grand Paris et les treize autres conseillers territoriaux représentant la commune au sein de l'organe délibérant de l'établissement territorial " T7 Paris Terres d'envol ". M. B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler ces opérations électorales. Par un jugement du 21 mars 2016, dont il relève appel devant le Conseil d'Etat, le tribunal administratif a rejeté sa protestation.

2. Aux termes de l'article L. 5219-1 du code général des collectivités territoriales : " I. - Il est créé au 1er janvier 2016 un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre à statut particulier dénommé la métropole du Grand Paris (...)". Aux termes de l'article L. 5219-2 du même code : " Dans le périmètre de la métropole du Grand Paris, sont créés, au 1er janvier 2016, des établissements publics de coopération intercommunale dénommés " établissements publics territoriaux ". (...) Dans chaque établissement public territorial, il est créé un conseil de territoire composé des délégués des communes incluses dans le périmètre de l'établissement, désignés au conseil de la métropole du Grand Paris en application de l'article L. 5219-9 ". Cet article L. 5219-9 dispose : " Le conseil de la métropole est composé de conseillers métropolitains élus dans les conditions prévues au titre V du livre Ier du code électoral " et l'article L. 5219-9-1 du même code dispose : " Dans chaque commune, le ou les conseillers métropolitains de la commune sont désignés conseillers de territoire et les sièges supplémentaires sont pourvus conformément au b du 1° de l'article L. 5211-6-2 ".

3. Toutefois, le IV de l'article 12 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles prévoit : " Jusqu'au prochain renouvellement général des conseils municipaux suivant la création de la métropole du Grand Paris, les conseils municipaux des communes membres de la métropole procèdent à la désignation des conseillers métropolitains et des conseillers de territoire dans les conditions prévues, pour les conseillers communautaires, à l'article L. 5211-6-2 du code général des collectivités territoriales ". Le 1° de cet article L. 5211-6-2 fixe les règles de composition de l'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre en cas de création d'un établissement ou à la suite de modifications l'affectant entre deux renouvellements généraux des conseils municipaux. Ainsi, dans les communes de plus de 1 000 habitants : " (...) c) Si le nombre de sièges attribués à la commune est inférieur au nombre de conseillers communautaires élus à l'occasion du précédent renouvellement général du conseil municipal, les membres du nouvel organe délibérant sont élus par le conseil municipal parmi les conseillers communautaires sortants au scrutin de liste à un tour, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation. La répartition des sièges entre les listes est opérée à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Si le nombre de candidats figurant sur une liste est inférieur au nombre de sièges qui lui reviennent, le ou les sièges non pourvus sont attribués à la ou aux plus fortes moyennes suivantes ".

4. L'organe délibérant de l'établissement public territorial " T7 - Paris Terres d'Envol ", qui a son siège à Aulnay-sous-Bois, comprend soixante-douze membres, dont quatorze représentent la commune de Drancy : un conseiller métropolitain, qui est aussi conseiller de territoire en vertu de l'article L. 5219-9-1 du code général des collectivités territoriales, et treize autres conseillers de territoire. Il résulte de l'instruction, notamment du procès-verbal de la séance du 17 décembre 2015, que le conseil municipal de Drancy a procédé, ce jour-là, à deux votes distincts pour désigner le conseiller métropolitain, d'une part, et les treize autres conseillers de territoire, d'autre part. M.C..., maire de la commune, a été élu conseiller métropolitain. Les treize candidats de la liste présentée par la majorité municipale ont été élus conseillers de territoire, alors qu'aucun des conseillers issus de l'opposition municipale n'a été élu.

Sur la régularité du jugement :

5. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 120 du code électoral : " Le tribunal administratif prononce sa décision dans le délai de deux mois à compter de l'enregistrement de la réclamation au greffe (...). En cas de renouvellement général, le délai est porté à trois mois. " Aux termes de l'article R. 121 du même code : " Faute d'avoir statué dans les délais ci-dessus fixés, le tribunal administratif est dessaisi (...) ".

6. Les élections auxquelles les conseils municipaux des communes situées dans le périmètre de la métropole du Grand Paris ont procédé pour la désignation des conseillers métropolitains et des conseillers de territoire, sur le fondement du IV de l'article 12 de la loi du 27 janvier 2014 cité au point 3 ci-dessus, ne sauraient être regardées comme constituant un " renouvellement général " au sens du premier alinéa de l'article R. 120 du code électoral. Il incombait dès lors aux premiers juges de statuer sur la protestation de M. B...dans le délai de deux mois courant à compter de son enregistrement, le 22 décembre 2015. Lorsqu'il a statué sur la protestation de M.B..., après l'expiration de ce délai, le tribunal administratif de Montreuil était dessaisi du litige par l'effet de l'article R. 121 du même code. Son jugement, intervenu hors délai, est dès lors entaché d'irrégularité et doit être annulé sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête. Il y a lieu, par suite, de statuer immédiatement sur la protestation de M.B....

Sur la protestation de M.B... :

7. En premier lieu, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n'imposent la présence d'un isoloir lors des élections opérées au sein du conseil municipal. M. B...soutient cependant que l'absence d'isoloir a porté atteinte au secret du vote dès lors que, par ailleurs, une seule liste a bénéficié de bulletins pré-imprimés.

8. Il résulte de l'instruction que, pour l'élection du conseiller métropolitain, les conseillers municipaux ont tous reçu un bulletin vierge sur lequel il leur appartenait d'inscrire le nom d'un candidat, avant de le placer dans une enveloppe. L'élection du conseiller métropolitain est ainsi, contrairement à ce que soutient M.B..., exempte de toute irrégularité sur ce point. S'agissant de l'élection des treize autres conseillers de territoire, il ne résulte pas de l'instruction que seule la liste des candidats présentés par la majorité municipale aurait bénéficié d'un bulletin de vote pré-imprimé. Ainsi, le premier grief soulevé par M. B...doit être écarté.

9. En deuxième lieu, il résulte des dispositions citées au point 3 ci-dessus que, lorsque le nombre de sièges revenant à la commune est inférieur à celui dont elle disposait jusqu'alors, le conseil municipal procède à l'élection des premiers conseillers de territoire au scrutin de liste avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne parmi les conseillers communautaires sortants, sans que les listes proposées ne soient soumises à la règle de parité ou d'alternance homme - femme.

10. Il résulte de l'instruction que le nombre de sièges de conseillers de territoire attribués à la commune de Drancy est de quatorze, soit un nombre inférieur aux vingt et un conseillers communautaires qui la représentaient antérieurement au sein de l'organe délibérant de la communauté d'agglomération de l'aéroport du Bourget, élus lors du renouvellement général de mars 2014. Faute de disposition expresse en ce sens au c du 1° de l'article L. 5211-6-2 du code général des collectivités territoriales, la composition des listes présentées pour la désignation des conseillers de territoire représentant la commune de Drancy n'était pas soumise à la règle de la parité ni à celle de l'alternance homme - femme. Le grief tiré de ce que la liste présentée par la majorité municipale aurait été composée en méconnaissance de l'article L. 5211-6-2 du code général des collectivités territoriales doit par suite être écarté.

11. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 4 ci-dessus, le conseil municipal de la commune de Drancy a procédé à deux votes distincts pour désigner son conseiller métropolitain et les treize autres conseillers de territoire. Le conseiller métropolitain étant de plein droit conseiller de territoire, en application du second alinéa de l'article L. 5219-9-1 du code général des collectivités territoriales, les autres candidats dont le nom figurait sur le bulletin pré-imprimé présenté par la majorité municipale postulaient nécessairement aux fonctions de conseiller de territoire. Par suite, le grief tiré de la confusion entre les scrutins, qui serait née de l'imprécision de ce bulletin, lequel faisait état de la fonction de conseiller métropolitain auquel postulait le maire de la commune mais ne mentionnait pas les fonctions auxquelles postulaient les autres candidats, doit être écarté.

12. En quatrième lieu, si M. B...critique la formulation des délibérations du 17 décembre 2015 transcrivant les résultats des élections aux fonctions de conseiller métropolitain et de conseiller de territoire, l'insuffisance ainsi alléguée est, en tout état de cause, dépourvue d'incidence sur la régularité des opérations électorales dont il demande l'annulation.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation des opérations électorales contestées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Il n'y a pas lieu, en tout état de cause, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par M. B...et par M. C...et autres.



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 21 mars 2016 est annulé.

Article 2 : La protestation de M. B...est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. C...et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., à M. D...C...et au ministre de l'intérieur.


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