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Ariane Web: Conseil d'État 403545, lecture du 13 octobre 2016, ECLI:FR:CEORD:2016:403545.20161013

Décision n° 403545
13 octobre 2016
Conseil d'État

N° 403545
ECLI:FR:CEORD:2016:403545.20161013
Inédit au recueil Lebon

SCP SEVAUX, MATHONNET, avocats


Lecture du jeudi 13 octobre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2016, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les associations " Avenir de la Haute Durance ", " France Nature Environnement ", " Les Haut des Granes ", les communes de Réallon, de La-Roche-de-Rame, de Batie-Neuve, MM. K...O..., L...B..., I...A..., H...G..., D...F..., J...F..., C...E...et M...N... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution du décret n° 2015-1369 du 28 octobre 2015 portant simplification des procédures d'établissement de certains ouvrages d'acheminement d'électricité ;

2°) d'adresser à Réseau Transports Electricité Sud-Est (RTE) une injonction précisant les obligations qu'impose la suspension prononcée, sous astreinte d'un montant de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance ;

3°) de mettre à la charge de RTE la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Les requérants soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie, dès lors que la dispense de permis de construire permet de réaliser immédiatement les travaux, lesquels ont déjà commencé ;
- le décret attaqué n'a pas été contresigné par le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité ;
- il méconnaît le principe de non-rétroactivité des actes administratifs, le principe " de l'indépendance des législations ", et les articles L. 421-1 et L. 421-4 du code de l'urbanisme ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution ;
- le code de l'énergie ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2011-1697 du 1er décembre 2011 ;
- le code de justice administrative ;


1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ; qu'en vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée ;

2. Considér ant que le prononcé de la suspension d'un acte administratif est subordonné notamment à une condition d'urgence ; que l'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-5 du code de l'urbanisme : " Un décret en Conseil d'Etat arrête la liste des constructions, aménagements, installations et travaux qui, par dérogation aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4, sont dispensés de toute formalité au titre du présent code en raison : (...) d) Du fait que leur contrôle est exclusivement assuré par une autre autorisation ou une autre législation " ; que l'article 1er du décret contesté, pris sur le fondement de cette disposition, dispose que " Lorsque le projet porte sur une ligne électrique aérienne et ses supports, l'approbation de projet d'ouvrage prévue au 1° de l'article L. 323-11 du code de l'énergie dispense de la déclaration préalable ou du permis de construire dès lors que sont prises en compte les règles du code de l'urbanisme applicables à ce projet " ; que l'article L. 323-11 du code de l'énergie prévoit que l'exécution des travaux de construction des ouvrages de transport et de distribution d'électricité déclarés d'utilité publique ne peut avoir lieu qu'après approbation du projet de détail des tracés par l'autorité administrative et que les ouvrages dont la tension maximale est supérieure à 50 kilovolts doivent faire l'objet d'une approbation par l'autorité administrative ; que l'article 4 du décret du 1er décembre 2011 relatif aux ouvrages des réseaux publics d'électricité et des autres réseaux d'électricité et au dispositif de surveillance et de contrôle des ondes électromagnétiques, désormais repris à l'article R. 323-26 du code de l'énergie, prévoit que, sans préjudice des conditions prévues par d'autres réglementations, tout projet d'ouvrage de plus de 50 kilovolts d'un réseau public d'électricité fait l'objet, préalablement à son exécution, d'une approbation par le préfet ; que l'article 5 du même décret, aujourd'hui repris à l'article R. 323-27 du code de l'énergie, précise le contenu du dossier de demande d'approbation qui doit être adressé au préfet par le maître d'ouvrage, prévoit de recueillir l'avis du maire de la commune sur le territoire de laquelle l'ouvrage doit être implanté, dispose que l'approbation ne peut procéder que d'une décision explicite du préfet et que cette décision est publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture et affichée dans les mairies des communes concernées par les ouvrages projetés ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que si le décret contesté a pour objet de supprimer, dans certaines hypothèses, la nécessité d'obtenir un permis de construire préalablement à l'édification d'ouvrages de transport d'électricité, une telle dispense n'intervient que sous réserve que l'ouvrage soit soumis à une procédure d'approbation par le préfet ayant notamment pour objet le contrôle du respect des règles d'urbanisme applicables au projet et qu'une décision explicite d'approbation ait été obtenue ; qu'il s'en déduit que, contrairement à ce qui est soutenu, ce décret n'a nullement pour effet de permettre la construction immédiate d'ouvrages de transport d'électricité sans intervention d'une décision administrative permettant de nouer devant le juge, pour chaque ouvrage, un débat contentieux au regard notamment du respect des règles d'urbanisme ; que la suppression de l'obligation de permis de construire à laquelle procède le décret ne fait ainsi naître, par elle-même, aucune situation d'urgence au sens des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander la suspension de l'exécution du décret contesté ; que la requête, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peut, par suite, qu'être rejetée selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 de ce code ;


O R D O N N E :
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Article 1er : La requête des associations Avenir de la Haute Durance et autres est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée aux associations " Avenir de la Haute Durance ", " France Nature Environnement ", " Les Haut des Granes ", aux communes de Réallon, de La-Roche-de-Rame, de Batie-Neuve, à MM. K...O..., L...B..., I...A..., H...G..., D...F..., J...F..., et à Mmes E...et M...N....
Copie en sera adressée à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat et à la ministre du logement et de l'habitat durable.