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Ariane Web: Conseil d'État 393135, lecture du 9 novembre 2016, ECLI:FR:CECHS:2016:393135.20161109

Décision n° 393135
9 novembre 2016
Conseil d'État

N° 393135
ECLI:FR:CECHS:2016:393135.20161109
Inédit au recueil Lebon
2ème chambre
M. Yves Doutriaux, rapporteur
M. Xavier Domino, rapporteur public
SCP ZRIBI & TEXIER ; SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX, avocats


Lecture du mercredi 9 novembre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le département des Hautes-Alpes à lui verser une indemnité de 20 559,11 euros en réparation de l'ensemble des préjudices qu'il a subis en raison de l'accident dont il a été victime le 25 juillet 2006 alors qu'il circulait sur la route départementale n° 45 en direction de Gap. Par un jugement n° 1203006 du 24 juin 2013, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13MA03446 du 16 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Marseille, sur appel de M.A..., a annulé ce jugement, a condamné le département des Hautes-Alpes à lui verser une indemnité de 1 100 euros et a mis les frais d'expertise à la charge de M. A... pour un montant de 400 euros et à la charge du département pour 100 euros.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 septembre et 2 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a limité la condamnation du département à une indemnité de 1 100 ? et qu'il a mis une partie des frais d'expertise à sa charge ;

2°) de mettre à la charge du département des Hautes-Alpes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Doutriaux, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de M.A..., et à la SCP Zribi, Texier, avocat du département des Hautes-Alpes ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 octobre 2016, présentée pour le département des Hautes-Alpes ;




1. Considérant que M.A..., âgé de 15 ans à l'époque des faits, a été victime, le 25 juillet 2006 vers 17 heures, alors qu'il circulait à cyclomoteur sur une portion de la route départementale n° 45 alors en travaux, d'une chute dans une excavation profonde de 60 centimètres qui venait d'être creusée ; que, si cette portion de route était fermée à la circulation, les riverains étaient néanmoins autorisés à l'emprunter et que M. A...avait la qualité de riverain ; que M. A...se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 16 juillet 2015 qui, après avoir retenu la responsabilité du département pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage, l'a exonéré à hauteur de 80 % pour tenir compte de l'inattention fautive de la victime et a condamné le département à lui verser une somme de 1 100 ?, mettant en outre à la charge de M. A...les frais d'expertise à hauteur de 400 ? ;

2. Considérant que, pour limiter la responsabilité du département à 20 % seulement des conséquences dommageables de l'accident, la cour a retenu que M. A...avait commis une imprudence, dans la mesure où il avait chuté en plein jour sur une portion de route qui était en travaux depuis le début du mois, dont il avait une parfaite connaissance puisqu'il en était riverain et qu'il aurait dû adapter sa vitesse et être d'autant plus attentif qu'il avait fait le choix de se déporter sur la voie de gauche et de circuler ainsi à contre sens de la circulation ;

3. Considérant, toutefois, que, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, l'état de la chaussée de la route départementale n° 45 était par endroit si difficilement praticable en raison des travaux, que les véhicules étaient contraints de l'emprunter à contre sens ; qu'il ressort en particulier des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le jour de l'accident, à la hauteur du lieu de la chute de M.A..., la partie droite de la chaussée était recouverte d'une couche de graviers qui n'était pas stabilisée et que les véhicules étaient contraints de circuler à contre-sens sur la partie gauche, laquelle était encore goudronnée ; que tel a d'ailleurs été le cas du véhicule de police arrivé sur les lieux après l'accident ; que l'excavation qui a provoqué la chute de M. A...avait été creusée une heure avant son passage et que, malgré sa connaissance des lieux, il lui était dès lors impossible de l'anticiper ; qu'en outre, ainsi que le relève d'ailleurs la cour, si cette excavation était signalée dans l'autre sens, aucune signalisation n'avait été réalisée à l'attention des véhicules contraints d'emprunter cette partie de la chaussée à contre sens, cette omission ayant été réparée juste après l'accident ; qu'enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., dont les blessures n'ont présenté qu'un caractère modéré, roulait à une vitesse excessive ; que, dans ces conditions, la cour administrative d'appel de Marseille a inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant que l'accident était partiellement imputable à une faute commise par le requérant ; que M. A...est dès lors fondé à demander l'annulation de l'arrêt en tant qu'il a limité à hauteur de 20 % l'indemnisation des conséquences de l'accident et mis partiellement à sa charge les frais d'expertise ;

4. Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l'affaire au fond dans la mesure de l'annulation prononcée par la présente décision ;

Sur la réparation :

5. Considérant, d'une part, que l'arrêt de la cour administrative d'appel est irrévocable en ce qu'il a jugé que la responsabilité du département des Hautes-Alpes était engagée en raison du défaut d'entretien normal de l'ouvrage ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, les conséquences dommageables de l'accident de M. A...sont exclusivement imputables à ce défaut d'entretien normal ;

6. Considérant, d'autre part, que la cour administrative d'appel a jugé, par des motifs que la cassation partielle de son arrêt laisse intacts, que les conclusions relatives au préjudice matériel résultant de la destruction du véhicule de M. A...étaient atteintes par la prescription quadriennale et que le préjudice global de M. A...s'élevait à la somme de 5 500 ? ;

7. Considérant qu'il y a lieu de fixer à cette somme le montant de l'indemnité due par le département des Hautes-Alpes, qui doit ainsi, outre les indemnités résultant de l'article 3 de l'arrêt attaqué, verser une somme supplémentaire de 4 400 ? à M. A...;

Sur les frais d'expertise :

8. Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais d'expertise d'un montant de 500 ? à la charge exclusive du département ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département des Hautes-Alpes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce que soient mises à la charge de M.A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes demandées au même titre par le département des Hautes-Alpes ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 16 juillet 2015 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il a limité à hauteur de 20 % l'indemnisation des conséquences de l'accident de M. A....

Article 2 : Le département des Hautes-Alpes est condamné à verser à M. A...une somme supplémentaire de 4 400 euros.

Article 3 : Les frais d'expertise sont mis à la charge du département des Hautes-Alpes.

Article 4 : Le département des Hautes-Alpes versera à M. A...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par le département des Hautes-Alpes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au département des
Hautes-Alpes.