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Ariane Web: Conseil d'État 384365, lecture du 16 novembre 2016, ECLI:FR:CECHS:2016:384365.20161116

Décision n° 384365
16 novembre 2016
Conseil d'État

N° 384365
ECLI:FR:CECHS:2016:384365.20161116
Inédit au recueil Lebon
8ème chambre
M. Laurent Domingo, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; BROUCHOT, avocats


Lecture du mercredi 16 novembre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

MM. B...et C...A...ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler le titre exécutoire émis à leur encontre le 1er juillet 2010 par la commune de Saint-Leu-la-Forêt et de prononcer la décharge des sommes qui leur étaient réclamées. Par un jugement n°s 1007248, 1102376 du 6 mars 2012, le tribunal a fait droit à leurs demandes.

Par un arrêt n° 12VE01813 du 19 juin 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel de la commune de Saint-Leu-la-Forêt dirigé contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 septembre et 9 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Saint-Leu-la-Forêt demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de MM. B...et C...A...la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Brouchot, avocat de la commune de Saint-Leu-la-Forêt et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de MM.A....



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 19 décembre 1991, le conseil municipal de la commune de Saint-Leu-la-Forêt a institué, en application de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme, un programme d'aménagement d'ensemble concernant le secteur urbain dénommé " rue de Saint-Prix - chemin d'Apollon " ; que l'article 3 de cette délibération prévoyait l'actualisation annuelle de la participation mise à la charge des constructeurs en contrepartie de la réalisation d'un programme d'équipements publics défini selon une formule de révision devant être précisée par convention annexée ; que, par une seconde délibération du 29 avril 1993, le conseil municipal de Saint-Leu-la-Forêt a décidé d'approuver les termes d'une nouvelle convention et d'annuler celle prévue par la délibération du 19 décembre 1991 ; que, par un arrêté en date du 20 avril 2005, le maire de Saint-Leu-la-Forêt a accordé à MM. A...une autorisation de procéder à une division en cinq lots d'un terrain situé dans le périmètre du plan d'aménagement d'ensemble institué par la délibération du 19 décembre 1991 ; que, par un titre de recettes rendu exécutoire le 1er juillet 2010, le comptable du Trésor a mis à la charge de MM. A...le versement d'une somme de 115 141,57 euros correspondant au montant actualisé en 2010 de leur participation au financement des équipements publics prévus par le plan d'aménagement ; que la commune de Saint-Leu-la-Forêt se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 juin 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a confirmé le jugement du 6 mars 2012 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise annulant ce titre de recettes et déchargeant MM. A... de l'obligation de payer correspondante ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans les secteurs du territoire de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal, celui-ci peut mettre à la charge des bénéficiaires d'autorisations de construire tout ou partie des dépenses de réalisation des équipements publics correspondant aux besoins des habitants actuels ou futurs du secteur concerné et rendus nécessaires par la mise en oeuvre du programme d'aménagement. / Dans les communes où la taxe locale d'équipement est instituée, les constructions édifiées dans ces secteurs sont exclues du champ d'application de la taxe. / Le conseil municipal détermine le secteur d'aménagement, la nature, le coût et le délai prévus pour la réalisation du programme d'équipements publics. Il fixe, en outre, la part des dépenses de réalisation de ce programme qui est à la charge des constructeurs, ainsi que les critères de répartition de celle-ci entre les différentes catégories de constructions. Sa délibération fait l'objet d'un affichage en mairie. Une copie de cette délibération est jointe à toute délivrance de certificat d'urbanisme " ; qu'en vertu de l'article L. 332-12 du même code, une participation forfaitaire représentative de la participation prévue à l'article L. 332-9 précité peut être mise à la charge des lotisseurs par l'autorisation de lotir ;

3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions qu'un plan d'aménagement d'ensemble mettant à la charge des constructeurs une participation au financement des équipements publics à réaliser doit être institué par une délibération du conseil municipal identifiant avec précision les aménagements prévus ainsi que leur coût prévisionnel et déterminant la part de ce coût mise à la charge des constructeurs, afin de permettre le contrôle du bien-fondé du montant de la participation mise à la charge de chaque constructeur ; que ces dispositions impliquent également, afin de permettre la répartition de la participation entre les constructeurs, que la délibération procède à une estimation quantitative des surfaces dont la construction est projetée à la date de la délibération et qui serviront de base à cette répartition ; que l'ensemble de ces éléments doit être précisé dans la délibération et ne peut figurer dans les seules conventions conclues en application de celle-ci ; que, par suite, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'il n'était plus contesté devant eux que la délibération instituant le plan d'aménagement d'ensemble méconnaissait ces exigences, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la commune n'était pas fondée à soutenir que la somme réclamée à MM. A... par le titre de recettes contesté était justifiée par l'existence de stipulations contractuelles par lesquelles les intéressés se seraient engagés à verser la participation litigieuse ;

4. Considérant que si la commune soutient que la cour a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en relevant que la convention signée avec MM. A... le 13 mars 1993 avait été annulée par la délibération du 29 avril 1993 de son conseil municipal, il résulte des termes mêmes de l'arrêt attaqué que ce motif présentait un caractère surabondant, qui ne peut être utilement critiqué en cassation ;

5. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme que l'adoption d'un programme d'aménagement d'ensemble doit permettre, à l'occasion d'un projet d'urbanisme, de faire réaliser, dans un ou plusieurs secteurs du territoire communal, dans un délai et pour un coût déterminés, un ensemble d'équipements publics, dont tout ou partie des dépenses peut être mis à la charge des constructeurs, correspondant aux besoins actuels des habitants du secteur et à ceux qui résulteront d'une ou plusieurs opérations de construction, sans que ces équipements soient uniquement liés à une opération de construction isolée ; que l'absence de réalisation de l'intégralité des équipements publics annoncés à la date prévue par la délibération du conseil municipal approuvant un programme d'aménagement d'ensemble entraîne la restitution des sommes versées antérieurement à cette date, si elle est demandée, ou l'impossibilité de percevoir la participation correspondante, lorsque cette dernière est établie postérieurement à cette date ; que, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'il n'était pas contesté devant eux que les équipements publics prévus n'avaient été que partiellement réalisés à la date d'expiration du délai prévu dans la délibération instituant le programme d'aménagement d'ensemble, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en en déduisant que la commune n'était pas fondée à demander le versement de la participation litigieuse ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que son pourvoi doit, par suite, être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Leu-la-Forêt le versement d'une somme de 2 000 euros à chacun des deux défendeurs au titre de ces dispositions ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la commune de Saint-Leu-la-Forêt est rejeté.

Article 2 : La commune de Saint-Leu-la-Forêt versera à MM. A...une somme de 2 000 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Saint-Leu-la-Forêt et à MM. B... et C...A....