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Ariane Web: Conseil d'État 390298, lecture du 21 novembre 2016, ECLI:FR:Code Inconnu:2016:390298.20161121

Décision n° 390298
21 novembre 2016
Conseil d'État

N° 390298
ECLI:FR:CECHR:2016:390298.20161121
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 4ème chambres réunies
M. Jean-Dominique Langlais, rapporteur
Mme Laurence Marion, rapporteur public
SCP DIDIER, PINET ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats


Lecture du lundi 21 novembre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme G...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er juillet 2010 par laquelle le maire de Saint-Etienne a refusé de procéder à l'exhumation des restes funèbres de Mme C...et la décision du 20 janvier 2011 par laquelle il a rejeté son recours gracieux. Par un jugement n° 1101904 du 29 janvier 2014, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14LY00931 du 19 mars 2015, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par Mme A...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 mai 2015, 6 août 2015 et 13 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Etienne la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de Mme A...et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune de Saint-Etienne.



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Saint-Etienne a accordé en 1946 à M. D...une concession funéraire pour une durée de quinze ans ; que Mme E...C..., épouse de M.D..., a été inhumée dans cette concession le 5 mai 1950 ; que M. D...a procédé au renouvellement de la concession pour une durée de quinze ans le 17 mars 1961 ; que, par deux courriers qu'elle lui a adressés les 13 février et 23 septembre 1976, avant et après l'expiration de cette période de quinze ans, la commune de Saint-Etienne lui a vainement offert de faire de nouveau usage de son droit de renouvellement ; que M. D...n'ayant pas répondu à ses courriers, elle a procédé à la reprise de la parcelle concédée le 3 décembre 1976 ; que les restes funèbres de Mme C...ont été exhumés ce même jour pour être inhumés dans l'ossuaire municipal du Crêt-de-Roc ; que cet ossuaire a été ultérieurement remblayé en 1987 et recouvert d'une dalle de béton en 1992 ; que MmeA..., petite-fille de MmeC..., a adressé le 24 juin 2010 au maire de Saint-Etienne une demande d'exhumation des restes de sa grand-mère ; que cette demande a été rejetée par une décision dont l'intéressée a été informée par un courrier du 1er juillet 2010 ; qu'un recours gracieux de Mme A...a été rejeté par une décision du 20 janvier 2011 ; que Mme A...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 mars 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du 29 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de ces décisions ;

2. Considérant que la cour administrative d'appel de Lyon a jugé qu'en raison de l'impossibilité matérielle de procéder à l'exhumation des restes de MmeC..., le maire de Saint-Etienne ne pouvait que rejeter les demandes de MmeA... ; qu'elle en a déduit que l'ensemble des moyens dirigés par Mme A...contre les décisions en litige, qui tenaient à la régularité de ces décisions et la régularité de la procédure de reprise suivie en 1976, devaient être regardés comme inopérants ; que, toutefois, le maire de Saint-Etienne ne pouvait opposer à Mme A... l'impossibilité matérielle d'accéder à sa demande sans procéder à une appréciation des faits de l'espèce ; qu'en déduisant de cette impossibilité matérielle, qui ne résultait pas d'un simple constat, que tous les moyens soulevés contre les décisions du maire, qui se trouvait selon elle en situation de compétence liée, devaient être regardés comme inopérants, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la régularité du jugement :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le moyen tiré de ce que la minute du jugement attaqué ne porterait pas les signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative manque en fait, cette minute étant revêtue des signatures prévues ;

Sur la légalité externe des décisions attaquées :

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commune de Saint-Etienne justifie de la délégation régulièrement accordée le 8 avril 2008 par son maire au premier adjoint, M. F...B..., pour prendre toute décision relative au pouvoir de police municipale en matière de cimetières ; que tant la décision de refus transmise à Mme A...par un courrier du directeur adjoint des services municipaux du 1er juillet 2010 que la décision du 20 janvier 2011 rejetant son recours gracieux portent la signature de M. B...et indiquent ses nom et prénom ainsi que sa qualité, conformément aux prescriptions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ; que ces décisions, qui mentionnent les considérations de fait et de droit sur lesquelles elles se fondent, sont suffisamment motivées au regard de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Sur la légalité interne des décisions attaquées :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 16-1-1 du code civil : " Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. / Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence " ;

7. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 2213-40 de code général des collectivités territoriales : " Toute demande d'exhumation est faite par le plus proche parent de la personne défunte. Celui-ci justifie de son état civil, de son domicile et de la qualité en vertu de laquelle il formule sa demande. / L'autorisation d'exhumer un corps est délivrée par le maire de la commune où doit avoir lieu l'exhumation (...) " ;

8. Considérant, d'autre part, que, lorsqu'une concession funéraire accordée dans le cimetière d'une commune en application des articles L. 2223-13 et suivants du code général des collectivités territoriales n'est pas renouvelée par le titulaire initial ou ses ayant-droits, en application de l'article L. 2223-15, ou lorsque son état d'abandon est constaté, en application des articles L. 2223-17 et L. 2223-18, le maire peut, à l'expiration du délai prévu par le deuxième alinéa de l'article R. 2223-12, faire procéder au transfert des restes funèbres des défunts qui y sont inhumés vers l'ossuaire municipal prévu par l'article L. 2223-4, dont la rédaction issue de l'article 19 de la loi du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire, applicable à la date des décisions attaquées, prévoit que : " Un arrêté du maire affecte à perpétuité, dans le cimetière, un ossuaire aménagé où les restes exhumés sont aussitôt réinhumés. / Le maire peut également faire procéder à la crémation des restes exhumés en l'absence d'opposition connue, attestée ou présumée du défunt. / Les restes des personnes qui avaient manifesté leur opposition à la crémation sont distingués au sein de l'ossuaire " ; qu'il lui appartient alors, après avoir prononcé par arrêté la reprise du terrain affecté à la concession, de veiller à ce que les restes des défunts soient exhumés, réunis dans un cercueil de dimensions appropriées, conformément aux dispositions de l'article R. 2223-20, et inhumés de nouveau sans délai dans un lieu définitivement affecté à cet usage ; qu'il ne résulte pas de ces dispositions que les restes transférés vers l'ossuaire doivent être individualisés ;

9. Considérant qu'en l'espèce, l'exhumation des restes de MmeC..., déposés sans être individualisés dans l'ossuaire de Saint-Etienne avant que celui-ci ne soit remblayé et recouvert d'une dalle de béton, n'était pas matériellement possible par des moyens raisonnables ; que si Mme A...soutient que le transfert de ces restes avait été réalisé dans des conditions illégales, cette impossibilité matérielle faisait, en tout état de cause, obstacle à ce qu'ils lui soient restitués ; qu'au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier que le transfert, opéré après une reprise régulière de la concession par la commune à une date à laquelle le délai d'attente de deux ans prévu par les dispositions de l'article L. 2223-15 du code général des collectivités territoriales n'était pas applicable, aurait été réalisé dans des conditions illégales ; qu'ainsi, le maire de Saint-Etienne a légalement refusé l'exhumation des restes de MmeC... ; que Mme A...n'est, par suite, pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement qu'elle attaque, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme A...tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Saint-Etienne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...la somme de 1 000 euros à verser à la commune de Saint-Etienne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de la présente instance et de l'instance d'appel ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 19 mars 2015 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi de Mme A...et les conclusions présentées par Mme A...devant la cour administrative d'appel de Lyon sont rejetés.
Article 3 : Mme A...versera la somme de 1 000 euros à la commune de Saint-Etienne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme G...A...et à la commune de Saint-Etienne.
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.


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