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Ariane Web: Conseil d'État 391536, lecture du 28 novembre 2016, ECLI:FR:CECHR:2016:391536.20161128

Décision n° 391536
28 novembre 2016
Conseil d'État

N° 391536
ECLI:FR:CECHR:2016:391536.20161128
Inédit au recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Jacques Reiller, rapporteur
M. Edouard Crépey, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP DE NERVO, POUPET, avocats


Lecture du lundi 28 novembre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le service départemental d'incendie et de secours des Landes à lui verser la somme de 24 519, 62 euros correspondant aux heures supplémentaires non payées qu'il aurait effectuées au cours des années 2008 à 2010. Par un jugement n° 1102594 du 12 mars 2013, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13BX01286 du 5 mai 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Pau par M. B..., y compris la demande subsidiaire de lui verser la somme de 2 073, 04 euros au titre de l'année 2009.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 6 juillet et 6 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 5 mai 2015 de la cour administrative d'appel de Bordeaux ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours des Landes une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 ;
- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;
- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;
- le décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jacques Reiller, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de M. A...B...et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du service départemental d'incendie et de secours des landes ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 novembre 2016, présentée pour le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Landes ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B..., sapeur-pompier professionnel au sein du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Landes, a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande tendant à ce que lui soit versée la somme de 24 519, 62 euros correspondant aux heures travaillées et non rémunérées effectuées en 2008, 2009 et 2010, ou au moins, à titre subsidiaire, la somme de 2 063, 29 euros correspondant aux heures supplémentaires effectuées en 2009. M. B...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 mai 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête d'appel et confirmé le jugement du 12 mars 2013 du tribunal administratif de Pau rejetant sa demande.

2. Aux termes de l'article 1er du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement de la réduction de temps de travail dans la fonction publique de l'Etat, rendu applicable aux agents des collectivités territoriales par l'article 1er du décret du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale : " (...) Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. ". Par ailleurs, aux termes de l'article 1er du décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La durée de travail effectif des sapeurs-pompiers professionnels est définie conformément à l'article 1er du décret du 25 août 2000 susvisé auquel renvoie le décret du 12 juillet 2001 susvisé ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " La durée de travail effectif journalier définie à l'article 1er ne peut pas dépasser 12 heures consécutives ". Aux termes de l'article 3 : " Compte tenu des missions des services d'incendie et de secours et des nécessités de service, un temps de présence supérieur à l'amplitude journalière prévue à l'article 2 peut être fixé à 24 heures consécutives par le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours après avis du comité technique paritaire./". Enfin, aux termes de l'article 4 : " Lorsqu'il est fait application de l'article 3 ci-dessus, une délibération du conseil d'administration après avis du comité technique paritaire fixe un temps d'équivalence au décompte annuel du temps de travail. / La durée équivalente ne peut être inférieure à 2 280 heures ni excéder 2 520 heures. / A compter du 1er janvier 2005, elle ne peut être inférieure à 2 160 heures ni excéder 2 400 heures ".

3. Le régime d'horaire d'équivalence constituant un mode particulier de comptabilisation du travail effectif qui consiste à prendre en compte la totalité des heures de présence, tout en leur appliquant un mécanisme de pondération tenant à la moindre intensité du travail fourni pendant les périodes d'inaction, il résulte des dispositions précitées que seules peuvent constituer des heures supplémentaires ouvrant droit à un complément de rémunération les heures de garde assurées par les sapeurs-pompiers au-delà du temps d'équivalence au décompte annuel du temps de travail fixé, dans les limites prévues par l'article 4 du décret du 31 décembre 2001, par le conseil d'administration du SDIS.

4. M. B...soutient que, faute pour le conseil d'administration du SDIS des Landes d'avoir adopté la délibération prévue à l'article 4 du décret du 31 décembre 2001 fixant le temps d'équivalence au décompte annuel du temps de travail, la durée annuelle de travail effectif demeurait fixée conformément à l'article 1er du décret du 31 décembre 2001 à 1 607 heures, ouvrant droit pour toutes les heures effectuées au-delà au paiement d'heures supplémentaires. Il soutient qu'en jugeant qu'en l'absence d'une telle délibération, la durée équivalente au-delà de laquelle les heures de garde assurées par les sapeurs-pompiers ouvrent droit à un complément de rémunération doit être fixée à la durée maximale mentionnée par ces dispositions, soit 2 400 heures, la cour administrative d'appel de Bordeaux aurait commis une erreur de droit.

5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que si, par une délibération du 27 juillet 2007, adoptée après un avis favorable du comité technique paritaire, le conseil d'administration du SDIS des Landes a fixé pour les sapeurs-pompiers professionnels non officiers une équivalence entre un temps de présence en cycle de 24 heures continues et 16 heures de travail effectif par jour, il n'a en revanche pas pris la délibération prévue par l'article 4 du décret du 31 décembre 2001 pour déterminer un temps d'équivalence au décompte annuel du temps de travail. Dès lors que le pouvoir réglementaire a entendu fixer un temps d'équivalence au décompte annuel du temps de travail compris dans une fourchette entre 2 160 et 2 400 heures mais que le conseil d'administration du SDIS des Landes n'a pas déterminé un temps d'équivalence à l'intérieur de cette fourchette, c'est le seuil le plus proche du droit commun et le plus favorable au salarié qui doit être retenu. La durée équivalente au décompte annuel du temps de travail doit ainsi être considérée comme fixée à la durée minimale prévue par les dispositions de l'article 4 du décret du 31 décembre 2001, soit 2 160 heures. En fixant celle-ci à la durée maximale prévue par ces dispositions, soit 2 400 heures, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. B...est fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SDIS des Landes une somme de 3 000 euros à verser à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt n° 13BX01286 de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 5 mai 2015 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : Le service départemental d'incendie et de secours des Landes versera à M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du service départemental d'incendie et de secours des Landes présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au service départemental d'incendie et de secours des Landes.