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Ariane Web: Conseil d'État 386023, lecture du 30 novembre 2016, ECLI:FR:Code Inconnu:2016:386023.20161130

Décision n° 386023
30 novembre 2016
Conseil d'État

N° 386023
ECLI:FR:CECHR:2016:386023.20161130
Mentionné aux tables du recueil Lebon
4ème - 5ème chambres réunies
M. Benjamin de Maillard, rapporteur
Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public
SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, avocats


Lecture du mercredi 30 novembre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 novembre 2014, 13 février 2015 et 22 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat et la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-1100 du 29 septembre 2014 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son article 34 ;
- le code de l'éducation ;
- le code de la propriété intellectuelle ;
- la loi n° 2013-595 du 25 juin 2013 ;
- le décret n° 66-137 du 7 mars 1966 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benjamin de Maillard, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de l'assemblée permanente des chambres de métiers et autre ;



1. Considérant que les articles D. 335-33 à D. 335-35, introduits dans le code de l'éducation par le décret attaqué, instaurent la faculté de délivrer, pour une durée de quatre ans renouvelables, par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'éducation nationale, de la formation professionnelle, de l'enseignement supérieur et de l'économie, pris sur proposition conjointe du recteur d'académie et du président du conseil régional compétents pour le territoire concerné, un " label campus des métiers et des qualifications " à un " réseau d'acteurs qui interviennent en partenariat pour développer une large gamme de formations professionnelles, technologiques et générales, relevant de l'enseignement secondaire et de l'enseignement supérieur, ainsi que de la formation initiale ou continue, qui sont centrées sur des filières spécifiques et sur un secteur d'activité correspondant à un enjeu économique national ou régional " ;

2. Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les dispositions attaquées, qui se bornent à créer un label, auquel elles ne confèrent aucun effet de droit, et à fixer les conditions et modalités de son attribution, ne relèvent pas du domaine réservé à la loi par l'article 34 de la Constitution ; que la circonstance que le rapport annexé à la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, qui envisage la création de " campus des métiers ", est dépourvue de portée normative, est sans incidence sur la légalité de ce décret, qui n'a pas été pris pour l'application de ces dispositions ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 7 mars 1966 relatif à l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat, cette assemblée : " (...) 4° Emet des avis, soit à la demande des pouvoirs publics, soit de sa propre initiative, sur toutes les questions relevant des attributions du réseau des chambres de métiers et de l'artisanat, notamment les questions relatives aux entreprises du secteur des métiers et de l'artisanat, au développement économique, à l'aménagement du territoire et à la formation professionnelle initiale et continue " ; que ces dispositions ne créent pas de procédure d'avis obligatoire de l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat ; que les requérantes ne sont, par suite, pas fondées à soutenir que le décret serait irrégulier faute d'avoir été préalablement soumis pour avis à cette assemblée ;

4. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle : " Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public : / a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ; / b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement " ; que les requérantes soutiennent que les termes " campus des métiers et des qualifications " méconnaissent ces dispositions du code de la propriété intellectuelle en raison d'un risque de confusion avec plusieurs marques enregistrées à l'Institut national de la propriété industrielle à la date de publication du décret attaqué ; que, toutefois, la violation de ces dispositions ne peut le cas échéant résulter que d'un usage de ces termes, sans autorisation des propriétaires des marques déjà enregistrées ; que de telles circonstances ne peuvent découler que de l'attribution de ce label, laquelle ne procèdent pas du décret attaqué, qui se borne à en fixer les conditions et modalités, mais, ainsi qu'il a été dit au point 1, des arrêtés conjoints des ministres chargés de l'éducation nationale, de la formation professionnelle, de l'enseignement supérieur et de l'économie susceptibles d'être pris sur son fondement ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ne peut être utilement soulevé à l'encontre du décret attaqué ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation du décret attaqué ; que leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;


D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat et de la chambre de métiers de la Seine-Saint-Denis est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat, à la chambre de métiers de la Seine-Saint-Denis, au Premier ministre et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.




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