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Ariane Web: Conseil d'État 398717, lecture du 30 novembre 2016, ECLI:FR:Code Inconnu:2016:398717.20161130

Décision n° 398717
30 novembre 2016
Conseil d'État

N° 398717
ECLI:FR:CECHR:2016:398717.20161130
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 1ère chambres réunies
Mme Marie-Françoise Guilhemsans, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public


Lecture du mercredi 30 novembre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par décision du 7 avril 2016, enregistrée le 11 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), après avoir constaté la méconnaissance par Mme B...A..., candidate tête de liste à l'élection qui s'est déroulée les 6 et 13 décembre 2015 en vue de la désignation des membres du conseil régional d'Ile de France, de l'obligation de paiement effectif des dépenses électorales à la date de dépôt du compte prescrite par l'article L. 52-12 du code électoral, a rejeté son compte de campagne et saisi en conséquence le Conseil d'Etat en application de l'article L. 52-15 du code électoral. La commission a transmis des observations, enregistrées les 22 juin et 31 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;
- le code monétaire et financier ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Françoise Guilhemsans, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public.



1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : " Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle, par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. La même obligation incombe au candidat ou au candidat tête de liste dès lors qu'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8 du présent code selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts. (...) / Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. / Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 52-15 du même code : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. (...) / Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection.(...) " ; qu'en vertu de l'article L. 118-3 du même code, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques prononce l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales ;

2. Considérant que, par une décision du 7 avril 2016, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de Mme B...A..., tête de la liste " Nous citoyens " aux élections régionales d'Ile de France, au motif que le paiement effectif de sommes représentant 27 % des dépenses de ce compte, qui avait été effectué par des chèques émis la veille de la date limite du dépôt du compte et non encaissés à cette date, ne pouvait être regardé comme étant intervenu à la date limite de dépôt de ce compte, en méconnaissance des prescriptions de l'article L. 52-12 du code électoral ; qu'elle a, en conséquence, saisi le Conseil d'Etat, juge de l'élection, en application des dispositions de l'article L. 52-15 du même code ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral rappelées au point 1 que le compte de campagne doit être déposé auprès de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, accompagné de ses annexes et des justificatifs des " dépenses payées ou engagées par le candidat " qui sont retracées dans le compte ; que les conditions dans lesquelles les dépenses engagées en vue de la campagne électorale sont payées doivent garantir leur règlement effectif par le candidat à la date de dépôt du compte de campagne ;

4. Considérant que l'émission d'un chèque permet en principe, dès lors que son endossement transmet, en vertu de l'article L. 131-20 du code monétaire et financier, la propriété de la provision, de justifier du règlement effectif par le candidat des dépenses portées au compte de campagne ; qu'il en va toutefois autrement s'il apparaît des circonstances particulières de nature à jeter un doute sur le règlement effectif d'une dépense, notamment si le chèque n'a pas été remis au bénéficiaire ou si le bénéficiaire a accepté de ne pas l'encaisser ou de l'encaisser avec retard ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que MmeA..., qui était tenue au dépôt de son compte de campagne, bien que sa liste ait bénéficié de moins de 1 % des suffrages exprimés, dès lors qu'elle a bénéficié de dons de personnes physiques, a procédé au règlement d'une partie substantielle de ses dépenses électorales au moyen de plusieurs chèques signés le 11 février 2016, veille de la date limite de dépôt du compte, en raison du virement effectué sur son compte par sa formation politique le même jour et crédité le lendemain ; qu'ainsi, à la date du 12 février 2016, date à laquelle le compte a été déposé, l'ensemble des dépenses avaient été effectuées, même si une partie l'avait été par des chèques qui n'avaient pas encore été encaissés mais étaient en mesure de l'être à tout moment ; que la plupart de ces chèques ont été encaissés dans des délais normaux ; qu'ainsi, à la date du 7 avril 2016 à laquelle la Commission a statué, 93 % des dépenses du compte hors campagne officielle, avaient effectivement été encaissés, pourcentage porté à 97,5 % des mêmes dépenses à la fin de ce mois d'avril ; que, les trois chèques non encaissés à cette date ne représentaient qu'un montant global d'environ 400 euros, alors que le plafond des dépenses électorales applicable dans la région était de 3 422 822 euros ; qu'il ne résulte pas de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas soutenu que ces chèques, dont le montant est au demeurant très limité, n'auraient pas été remis aux bénéficiaires ou que certains de ceux-ci auraient accepté d'en différer l'encaissement ; que, par suite, les dépenses dont s'agit doivent être regardées comme ayant fait l'objet d'un règlement effectif avant le dépôt du compte de campagne ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le compte de campagne de Mme A...a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;

7. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 118-2 du code électoral " Sans préjudice de l'article L. 52-15, lorsqu'il constate que la commission instituée par l'article L. 52-14 n'a pas statué à bon droit, le juge de l'élection fixe le montant du remboursement dû au candidat en application de l'article L. 52-11-1. " ; qu'eu égard au nombre de suffrages recueillis par sa liste, Mme A...n'a pas droit au remboursement forfaitaire de l'Etat prévu par l'article L. 52-11-1 du code électoral, aux termes duquel " (...) Le remboursement forfaitaire n'est pas versé aux candidats qui ont obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés au premier tour de scrutin (...) " ;



D E C I D E :
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Article 1er : La saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est rejetée.

Article 2 : Mme A...n'a pas droit au remboursement forfaitaire de l'Etat en vertu de l'article L. 52-11-1 du code électoral.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et à Mme B...A....
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.


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