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Ariane Web: Conseil d'État 400573, lecture du 30 novembre 2016, ECLI:FR:CECHS:2016:400573.20161130

Décision n° 400573
30 novembre 2016
Conseil d'État

N° 400573
ECLI:FR:CECHS:2016:400573.20161130
Inédit au recueil Lebon
8ème chambre
Mme Isabelle Lemesle, rapporteur
M. Edouard Crépey, rapporteur public


Lecture du mercredi 30 novembre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a, le 10 juin 2016, saisi le Conseil d'Etat en application de l'article L. 52-15 du code électoral, sur le fondement de sa décision du 6 juin 2016 rejetant le compte de campagne de Mme B...A..., candidate tête de liste de Nouvelle Alliance pour la Guadeloupe pour les élections régionales qui se sont déroulées les 6 et 13 décembre 2015 en Guadeloupe.

Cette saisine a été communiquée à MmeA..., qui n'a pas produit d'observations.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code électoral ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : " Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. La même obligation incombe au candidat ou au candidat tête de liste dès lors qu'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8 du présent code selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts. Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l'accord de celui-ci, par les personnes physiques qui lui apportent leur soutien, ainsi que par les partis et groupements politiques qui ont été créés en vue de lui apporter leur soutien ou qui lui apportent leur soutien. Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. / Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte. Le compte de campagne est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés ; celui-ci met le compte de campagne en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. (...) ". En vertu du troisième alinéa de l'article L. 52-4 du même code, le mandataire désigné par le candidat " règle les dépenses engagées en vue de l'élection (...). Les dépenses antérieures à sa désignation payées directement par le candidat ou à son profit, (...) font l'objet d'un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte bancaire ou postal. " En application des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral : " Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté (...), la commission saisit le juge de l'élection. "

2. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le compte de campagne déposé par Mme A...faisait apparaître en recettes 5 114 euros de dons de personnes physiques et 18 euros de versements personnels des candidats. La comptabilité établie par l'expert comptable faisait toutefois apparaître d'autres recettes, avec d'une part, des versements émanant des colistiers pour un montant total de 3 055 euros et, d'autre part, des versements en espèces non comptabilisés. Ces versements, qui n'ont pas été contestés par Mme A...dans le cadre de la procédure contradictoire devant la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, devaient, en application des dispositions de l'article L. 52-12 cité au point 1, figurer dans le compte de campagne.

3. En second lieu, il résulte de l'instruction que les dépenses afférentes au banquet de soutien à la liste Nouvelle Alliance pour la Guadeloupe organisé le dimanche 25 octobre 2015 à l'hôtel le Rotabas de Sainte Anne pour un montant total de 2 354 euros n'ont pas été inscrites au compte de campagne. Ce banquet, présenté sur la page Facebook de la liste, avant et après l'événement, comme un déjeuner de soutien à la Nouvelle Alliance pour la Guadeloupe au cours duquel les candidats " ont fait part de leurs motivations, de leurs visions pour une autre Guadeloupe ", est une dépense engagée en vue de l'élection au sens de l'article L. 52-12 du code électoral précité. Elle devait donc figurer dans le compte de campagne. La circonstance selon laquelle chaque participant aurait réglé directement son repas auprès du prestataire est sans incidence sur ce point et constitue un paiement direct irrégulier en violation des dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral citées au point 1.

4. Il suit de là que c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de MmeA..., sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, par une décision du 6 juin 2016. Celle-ci n'a ainsi pas droit au remboursement forfaitaire de l'Etat en vertu de l'article L. 52-11-1 du même code.

5. Aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral : " Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, le juge de l'élection peut prononcer l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales. / (...) Il prononce également l'inéligibilité du candidat ou des membres du binôme de candidats dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales. (...)".

6. Pour déterminer si un manquement est d'une particulière gravité au sens des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 118-3 cité au point 5, il incombe au juge de l'élection d'apprécier, d'une part, s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales, d'autre part, s'il présente un caractère délibéré. En cas de manquement aux dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral, il incombe, en outre, au juge de tenir compte de l'existence éventuelle d'autres motifs d'irrégularité du compte, du montant des sommes en cause ainsi que de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

7. Il résulte de l'instruction qu'en l'espèce, les dépenses électorales réglées par Mme A...sans recours au mandataire financier, contrairement aux dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral dont les prescriptions, dépourvues d'ambiguïté, présentent un caractère substantiel, se sont élevées à 2 354 euros. Le montant global de ces dépenses directement acquittées, relatives à des frais de réception, représentent environ 45, 5 % du total des dépenses déclarées dans le compte de campagne. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 2, le compte de campagne de Mme A...fait apparaître une autre irrégularité tenant à la perception de recettes non comptabilisées dans le compte de campagne.

8. Il résulte de ce qui précède que les manquements commis par Mme A...doivent être regardés comme d'une particulière gravité, au sens et pour l'application de l'article L. 118 3 du code électoral, de nature à justifier le prononcé d'une inéligibilité. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard au caractère substantiel des règles méconnues, au nombre et au caractère délibéré des manquements commis par l'intéressée, il y a lieu de déclarer Mme A... inéligible, en application de l'article L. 118-3 du code électoral, pour une durée d'un an à compter de la date de la présente décision.



D E C I D E :
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Article 1er : Mme B...A...est déclarée inéligible à toutes les élections pour une durée d'un an à compter de la présente décision.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et à Mme B...A....
Copie en sera adressée à la ministre des outre-mer.