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Ariane Web: Conseil d'État 393558, lecture du 5 décembre 2016, ECLI:FR:Code Inconnu:2016:393558.20161205

Décision n° 393558
5 décembre 2016
Conseil d'État

N° 393558
ECLI:FR:CECHR:2016:393558.20161205
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 1ère chambres réunies
M. Jean-Philippe Mochon, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public
BALAT, avocats


Lecture du lundi 5 décembre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler la décision du 28 septembre 2011 par laquelle le recteur de l'académie de Montpellier a refusé de reconstituer sa carrière par l'attribution d'un congé maladie pour accident de service avec allocation d'un plein traitement et de condamner l'Etat à lui payer la somme de 46 746,71 euros en réparation des préjudices subis en raison des fautes commises par l'administration dans la gestion et la reconstitution de sa carrière et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2011 par lequel le recteur de l'académie de Montpellier l'a admis à la retraite à compter du 16 octobre 2010 ;

Par un jugement n° 1105258-1105865 du 27 septembre 2013, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 28 septembre 2011 du recteur de l'académie de Montpellier en tant qu'elle refuse à M. A...l'attribution d'un congé maladie pour accident de service avec allocation d'un plein traitement jusqu'à sa mise à la retraite le 16 octobre 2010, condamné l'Etat à verser à M. A...la somme de 13 036 euros, avec intérêts, correspondant au demi-traitement non versé pour la période du 16 janvier 2010 au 15 octobre 2010 et à la réparation des troubles subis dans ses conditions d'existence ainsi qu'à une somme, assortie des intérêts, correspondant à la moitié de la part fixe de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves dont il a été privé au cours de la période du 16 janvier 2010 au 15 octobre 2010 et rejeté le surplus de ses conclusions ;

Par un arrêt n° 13MA04401 du 10 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête formée par M. A...contre ce jugement en tant qu'il ne fait que partiellement droit à ses conclusions ;

Par un pourvoi sommaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 16 septembre et 16 décembre 2015 et le 4 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Philippe Mochon, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Balat, avocat de M. A...;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., enseignant en lycée professionnel à Perpignan, a été placé en congé de maladie à compter du 15 octobre 2009, date de consolidation de son état à la suite de l'accident de service dont il avait été auparavant victime ; que, par un arrêté du 8 décembre 2011 du recteur de l'académie de Montpellier, l'intéressé a été rétroactivement admis à la retraite pour invalidité à compter du 16 octobre 2010, date d'expiration de son congé de maladie d'un an ; que, par un jugement du 27 septembre 2013, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 28 septembre 2011 du recteur de l'académie de Montpellier en tant qu'elle a refusé d'accorder à l'intéressé un congé de maladie pour accident de service, avec plein traitement, jusqu'à sa mise à la retraite le 16 octobre 2010, condamné l'Etat à indemniser M. A...au titre des pertes de rémunération et des troubles dans les conditions d'existence pour la période courant jusqu'au 16 octobre 2010 et rejeté le surplus de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2011 en tant qu'il avait une portée rétroactive et à l'indemniser à ce dernier titre ainsi qu'au titre du préjudice moral ; que, par un arrêt du 10 juillet 2015, contre lequel M. A...se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête contre ce jugement, en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses conclusions ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. (...) " ; qu'aux termes de l'article 63 de la même loi : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. (...). Le reclassement (...) est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. " ; qu'aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si cette dernière a été prononcée en application des 2° et 3° de l'article 34 de la même loi ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application du 4° du même article. " ;

3. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fonctionnaire dont les blessures ou la maladie proviennent d'un accident de service, d'une maladie contractée ou aggravée en service ou de l'une des autres causes exceptionnelles prévues à l'article 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, et qui se trouve dans l'incapacité permanente d'exercer ses fonctions au terme d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé maladie, sans pouvoir bénéficier d'un congé de longue maladie ou d'un congé de longue durée, doit bénéficier de l'adaptation de son poste de travail ou, si celle-ci n'est pas possible, être mis en mesure de demander son reclassement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emploi, s'il a été déclaré en mesure d'occuper les fonctions correspondantes ; que, s'il ne demande pas son reclassement ou si celui-ci n'est pas possible, il peut être mis d'office à la retraite par anticipation ; qu'il appartient à l'autorité compétente de se prononcer sur la situation de l'intéressé au vu des avis émis par le comité compétent, sans être liée par ceux-ci ; qu'en l'absence de modification de la situation de l'agent, l'administration a l'obligation de le maintenir en congé de maladie avec plein traitement jusqu'à la reprise de service ou jusqu'à sa mise à la retraite, qui ne peut prendre effet rétroactivement ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant, pour rejeter les conclusions dirigées par M. A...contre l'arrêté du 8 décembre 2011 du recteur de l'académie de Montpellier, que l'administration était tenue, afin de régulariser sa situation, de le mettre rétroactivement à la retraite à compter du 16 octobre 2010, à l'issue d'un congé de maladie d'une durée de douze mois, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. A...est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;





D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 10 juillet 2015 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : L'Etat versera à M. A...une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Voir aussi