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Ariane Web: Conseil d'État 384542, lecture du 7 décembre 2016, ECLI:FR:CECHR:2016:384542.20161207

Décision n° 384542
7 décembre 2016
Conseil d'État

N° 384542
ECLI:FR:CECHR:2016:384542.20161207
Inédit au recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE ; SCP LE BRET-DESACHE, avocats


Lecture du mercredi 7 décembre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme C...E...B...et M. D...E...B...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du Préfet de la Haute-Garonne du 18 décembre 2008 approuvant la convention de concession conclue entre l'Etat et Electricité de France pour l'aménagement et l'exploitation des chutes de Camon et Valentine sur le cours d'eau de la Garonne ensemble le cahier des charges de cette concession, ainsi que la décision du rejet de leur recours gracieux contre cet arrêté. Par un jugement n° 0903850 du 7 décembre 2012, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Par une ordonnance n° 13BX00456 du 14 février 2014, le président de la 5ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité présentée par les requérants.

Par un arrêt n° 13BX00456 du 17 juillet 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du 7 décembre 2012 et rejeté le surplus de la requête d'appel de Mme E...B...et de M. E...B...et leur demande devant le tribunal administratif de Toulouse.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire, un mémoire de reprise d'instance et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 septembre et 16 décembre 2014, le 23 juin 2015, le 31 mai et le 2 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. E... B..., tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritier de Mme E...B..., décédée, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la compatibilité, avec le principe communautaire de non-discrimination et les obligations communautaires de publicité et de transparence, des dispositions de l'article 36 du décret du 26 septembre 2008 modifiant et complétant le décret du 13 octobre 1994 relatif à la concession et à la déclaration d'utilité publique des ouvrages utilisant d'énergie hydraulique, en ce que cet article dispense, pendant une période transitoire, le renouvellement des concessions en cause du respect de ces obligations ;

4°) de mettre à la charge de la société Electricité de France la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique, notamment son article 6 ;
- le décret n° 94-894 du 13 octobre 1994 ;
- le décret n° 2008-1009 du 26 septembre 2008 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Gabrielle Merloz, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Le Bret-Desaché, avocat de Mme B...et de M. B...et à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la société Electricité de France ;



Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... E... B..., qui était propriétaire d'un tènement foncier situé en bordure de Garonne au lieu-dit Camon, était titulaire d'un droit d'usage de l'eau de ce fleuve fondé en titre. En 1929, en application de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique, il a donné à bail ce droit d'usage à la société Energie électrique de la Haute-Garonne pour permettre à cette dernière d'aménager une usine hydroélectrique aux lieux-dits Camon et Valentine. Après que la société a obtenu, par décret du 19 août 1930, la concession de l'exploitation de l'usine pour une période expirant le 31 décembre 2008, le bail du droit d'usage de l'eau a été modifié par avenant des 8 et 9 octobre 1930 pour être aligné sur la même durée. La société Electricité de France (EDF), substituée à la société Energie électrique de la Haute-Garonne par l'effet de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz et des mesures réglementaires prises pour son application, a obtenu de l'Etat, représenté par le préfet de la Haute-Garonne, le renouvellement de la concession d'exploitation, par convention du 18 décembre 2008, dans des conditions déterminées par un cahier des charges qui y était annexé. Par arrêté du même jour, le préfet a approuvé cette convention et ce cahier des charges. M. D...E...B..., fils de M. A... E...B..., en son nom propre et en celui-de sa mère décédée en cours d'instance, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 juillet 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir annulé le jugement du 7 décembre 2012 du tribunal administratif de Toulouse, a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.


Sur la contestation du refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé ". Aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " (...) Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige ". Selon l'article 23-5 de cette ordonnance : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation. Le moyen est présenté, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé (...) ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article R. 771-16 du code de justice administrative : " Lorsque l'une des parties entend contester devant le Conseil d'Etat, à l'appui d'un appel ou d'un pourvoi en cassation formé contre la décision qui règle tout ou partie du litige, le refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité précédemment opposé, il lui appartient, à peine d'irrecevabilité, de présenter cette contestation avant l'expiration du délai de recours dans un mémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission ".

3. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une cour administrative d'appel a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été soumise, il appartient à l'auteur de cette question de contester ce refus, à l'occasion du pourvoi en cassation formé contre l'arrêt qui statue sur le litige, dans le délai de recours contentieux et par un mémoire distinct et motivé, que le refus de transmission précédemment opposé l'ait été par une décision distincte de l'arrêt, dont il joint alors une copie, ou directement par cet arrêt. A cet effet, M. E...B...demande l'annulation de l'ordonnance du 14 février 2014 par laquelle le président de la 5ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 6 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique.

4. Aux termes de cet article 6, désormais codifié à l'article L. 521-14 du code de l'énergie : " L'éviction des droits particuliers à l'usage de l'eau, exercés ou non, donne ouverture à une indemnité en nature ou en argent si ces droits préexistaient à la date de l'affichage de la demande en concession./ Lorsque ces droits étaient exercés à ladite date, le concessionnaire est tenu, sauf décision contraire du juge statuant ainsi qu'il est dit à l'avant-dernier paragraphe du présent article, de restituer en nature l'eau ou l'énergie utilisée et, le cas échéant, de supporter les frais des transformations reconnues nécessaires aux installations préexistantes à raison des modifications apportées aux conditions d'utilisation./ Pour la restitution de l'eau nécessaire aux irrigations, le concessionnaire dispose des droits donnés au propriétaire par les lois du 29 avril 1845 et du 11 juillet 1847./ Pour la restitution de l'énergie sous forme électrique, le concessionnaire dispose des servitudes d'appui, de passage et d'ébranchage prévues par l'article 12 de la loi du 15 juin 1906./ En cas de désaccord sur la nature ou le montant de l'indemnité qui est due, la contestation est portée devant la juridiction civile. Le juge devra, en prononçant, concilier le respect des droits antérieurs avec l'intérêt de l'entreprise concédée./ L'indemnité est due pour droits non exercés à la date de l'affichage de la demande fixée dans l'acte de concession ".

5. Ces dispositions instaurent, sous le contrôle du juge de l'expropriation, un droit à indemnité, en nature ou en argent, au profit des particuliers évincés, en tout ou partie, de leur droit à l'usage de l'eau du fait de l'octroi d'une concession pour l'exploitation de la force hydraulique. Les requérants soutenaient devant la cour qu'elles méconnaissent l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, faute de prescrire que cette indemnisation intervienne préalablement à l'entrée en vigueur de la concession. Toutefois, de telles concessions revêtent un caractère temporaire et ne sont, en tout état de cause, susceptibles d'entraîner aucune privation de propriété. Le moyen tiré de ce que les dispositions critiquées méconnaîtraient l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, uniquement applicables en cas de privation de propriété, était dès lors inopérant. Il suit de là que le président de la 5ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a pas commis d'erreur de qualification en regardant comme non sérieuse la question qui lui était soumise.

6. Il résulte de ce qui précède que M. E...B...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance par laquelle le président de la 5ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée.

Sur le pourvoi en cassation :

7. En premier lieu, la cour administrative d'appel a pu, sans entacher son arrêt de contradiction de motifs, juger, d'une part, au point 3 de cet arrêt, que les requérants justifiaient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir dès lors que le renouvellement de la concession se traduit par le maintien de l'éviction de leur droit d'usage de l'eau et les prive ainsi de la liberté d'exploiter ce droit à leur convenance pendant la durée de cette concession et, d'autre part, au point 11 de ce même arrêt, que le régime institué par la loi du 16 octobre 1919 n'a pas pour effet de les déposséder de ce droit d'usage mais uniquement d'apporter, pendant cette même durée, des restrictions à son exercice.

8. En deuxième lieu, d'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 29 du décret du 13 octobre 1994 relatif à la concession et à la déclaration d'utilité publique des ouvrages utilisant l'énergie hydraulique, dans sa rédaction antérieure au décret du 26 septembre 2008 : " Avant la onzième année précédant la date normale d'expiration du titre de concession, le concessionnaire, par lettre adressée au ministre chargé de l'électricité, fait part de son intention, soit de continuer l'exploitation au-delà de cette date, soit d'y renoncer./ (...) " et aux termes de l'article 30 du même décret : " Cinq ans au moins avant la date normale de la fin de la concession, le ministre chargé de l'électricité fait connaître au concessionnaire sa décision de principe : soit l'arrêt de l'exploitation sous le régime de la concession hydroélectrique, soit la poursuite de la procédure en vue de la délivrance d'une nouvelle concession hydroélectrique./ Dans le premier cas, la décision du ministre est motivée./ Dans le deuxième cas, le ministre invite le concessionnaire à déposer une demande de concession dans les conditions prévues aux articles 2 et 3 ci-dessus./ Faute pour le concessionnaire de fournir le dossier dans le délai de deux ans à compter de cette invitation, le ministre chargé de l'électricité peut considérer que le concessionnaire renonce à demander une nouvelle concession ; il l'en avise par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. ".

9. D'autre part, aux termes de l'article 36 du décret du 26 septembre 2008 modifiant le décret n° 94-894 du 13 octobre 1994 modifié relatif à la concession et à la déclaration d'utilité publique des ouvrages utilisant l'énergie hydraulique et le décret n° 99-872 du 11 octobre 1999 approuvant le cahier des charges type des entreprises hydrauliques concédées: " Les dispositions du décret n° 94-894 du 13 octobre 1994 relatif à la concession et à la déclaration d'utilité publique des ouvrages utilisant l'énergie hydraulique dans sa rédaction antérieure à la date de publication du présent décret restent applicables :/ (...) - au renouvellement des concessions hydroélectriques en cours à la date de publication du présent décret au profit des concessionnaires qui avaient la qualité d'établissement public à la date à laquelle ils ont été invités à déposer un dossier de demande dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 30 du décret n° 94-894 précité dans sa rédaction antérieure à la date de publication du présent décret ".

10. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'Etat, par courrier du 22 décembre 2003, a invité EDF, qui avait au préalable fait connaître son intention de poursuivre l'exploitation des chutes de Camon et Valentine, à déposer un dossier de demande de renouvellement de concession. La cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le régime transitoire prévu par les dispositions citées au point 9 s'appliquait à ce renouvellement, dès lors, d'une part, qu'EDF avait encore le statut d'établissement public à la date du 22 décembre 2003 et, d'autre part, que la concession qu'il s'agissait de renouveler n'était pas encore échue le 28 septembre 2008, date à laquelle a été publié le décret du 26 septembre 2008.

11. En troisième lieu, d'une part, il résulte des dispositions citées aux points 8 et 9 que le décret du 26 septembre 2008 a eu pour objet de soumettre l'attribution des concessions hydroélectriques à une procédure de mise en concurrence conformément aux principes de transparence et de publicité issus de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, et notamment de son arrêt du 7 décembre 2000, Telaustria et Telefondadress (aff. C-32498). Compte tenu des délais exceptionnellement longs fixés par la procédure de renouvellement, ce décret a pu légalement, sans méconnaître les exigences résultant du droit communautaire primaire, prévoir, à titre transitoire, que la procédure antérieure continuait à s'appliquer aux situations juridiques constituées avant son entrée en vigueur et réserver le cas des opérations de renouvellement de concessions en cours à la date de sa publication afin de préserver les droits acquis à ce renouvellement dont bénéficiaient les concessionnaires auxquels le ministre chargé de l'électricité avait fait part de sa décision de principe de renouveler la concession. La cour n'a ainsi pas commis d'erreur de droit en ne relevant pas l'illégalité du décret du 26 septembre 2008 en tant qu'il ne prévoit pas une procédure de mise en concurrence pour le renouvellement des concessions en cours à la date de son entrée en vigueur.

12. D'autre part, il est constant que la société EDF a initié la procédure de renouvellement de la concession litigieuse par la " lettre d'intention " mentionnée à l'article 29 du décret du 13 octobre 1994 avant la onzième année précédant la date normale d'expiration du titre de concession, soit en 1997. Il est également constant que conformément aux dispositions de l'article 30 du décret du 13 octobre 1994, le ministre chargé de l'électricité lui a fait connaître cinq ans au moins avant la date normale de la fin de la concession, soit en 2003, sa décision de poursuivre l'exploitation de la concession et l'a invitée en conséquence à déposer un dossier de demande dans les conditions prévues à cet article. Il résulte de ce qui a été dit au point 11 ci-dessus que la société EDF bénéficiait par suite d'un droit acquis au renouvellement de cette concession avant l'entrée en vigueur du décret du 26 septembre 2008. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de passation de la convention du 18 novembre 2008 en l'absence de publicité préalable ne peut dès lors qu'être écarté. Ce motif, qui n'appelle l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué à celui retenu sur ce point par la cour, dont il justifie légalement le dispositif sur ce point.

13. En quatrième lieu, l'article 23 du cahier des charges annexé à la convention de concession conclue entre l'Etat et EDF, intitulé " accords intervenus ", stipule qu'" Une restitution en nature d'eau et d'énergie doit a priori être maintenue au profit de M. E... B... à des conditions qui restent à contractualiser, ce sous réserve et en fonction de l'usage actuel. ". Cet article, qui se borne à renvoyer à un nouvel accord contractuel dont il ne fixe pas les conditions, est dépourvu de toute portée normative. Le requérant n'est dès lors pas fondé à exciper de son illégalité. Ce motif, qui n'implique aucune appréciation de fait, doit être substitué à celui retenu par la cour dans l'arrêt attaqué, dont il justifie légalement le dispositif sur ce point.

14. En cinquième lieu, comme indiqué au point 5 ci-dessus, les dispositions de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique n'emportent, en tant qu'elles affectent les droits d'usage de l'eau, aucune privation d'un droit de propriété garanti par l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. La cour n'a dès lors pas commis d'erreur de droit en jugeant que la convention de concession litigieuse ne porte au droit d'usage de l'eau des requérants aucune atteinte contraire à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

15. En dernier lieu, aux termes de l'article 1er du protocole n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ".

16. Pour les mêmes motifs que ceux qui précèdent, le régime institué par l'article 6 de la loi du 16 octobre 1919 n'emporte pas de privation de propriété au sens de ces stipulations. Si les dispositions de cette loi réglementent l'usage des biens au sens de la dernière phrase de l'article 1er du protocole n° 1, elles répondent à des considérations d'intérêt général, qui ne sont d'ailleurs pas contestées par les requérants, et n'apparaissent pas disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi, dès lors qu'elles instaurent au profit des particuliers évincés de leur droit d'usage de l'eau une indemnisation, subordonnée à la seule condition que le droit préexiste à la date de l'affichage de la demande de concession. Il suit de là que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la limitation du droit d'usage de l'eau des requérants résultant du renouvellement de la concession litigieuse n'est pas disproportionnée par rapport à l'objectif d'intérêt général poursuivi.

17. Il résulte de tout de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que M. E...B...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de M. E...B...au profit de la société Electricité de France au titre de ces dispositions.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. E...B...est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Electricité de France au titre de l'article L. 761-2 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. D... E...B..., à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer et à la SA Electricité de France.


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