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Ariane Web: Conseil d'État 399520, lecture du 9 décembre 2016, ECLI:FR:Code Inconnu:2016:399520.20161209

Décision n° 399520
9 décembre 2016
Conseil d'État

N° 399520
ECLI:FR:CECHR:2016:399520.20161209
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 6ème chambres réunies
Mme Sabine Monchambert, rapporteur
M. Jean Lessi, rapporteur public
SCP DIDIER, PINET, avocats


Lecture du vendredi 9 décembre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête et par un mémoire en réplique, enregistrés les 4 mai et 2 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Lien en Roannais demande au Conseil d'Etat de condamner le département de la Loire à une astreinte de 1 000 euros par jour en vue d'assurer l'exécution du jugement n° 14-42-08 du 29 juin 2015 par lequel le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Lyon a annulé la délibération du conseil général de la Loire du 20 décembre 2013 fixant les coûts horaires de fonctionnement applicables aux services d'aide à domicile en 2014 et enjoint au président de ce conseil général de prendre un arrêté de tarification pour l'année 2014 concernant le service d'aide à domicile qu'elle gère, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sabine Monchambert, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat du conseil départemental de la Loire.




Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-5 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'une décision rendue par une juridiction administrative, le Conseil d'État peut, même d'office, prononcer une astreinte contre les personnes morales de droit public ou les organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public pour assurer l'exécution de cette décision ".

2. Par un jugement du 29 juin 2015, le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Lyon a, d'une part, annulé la délibération du 20 décembre 2013 par laquelle le conseil général de la Loire a arrêté des coûts horaires de référence applicables à l'aide à domicile à compter du 1er janvier 2014, au motif que la fixation des tarifs des services d'aide à domicile relevaient de la seule compétence du président du conseil général. D'autre part, après avoir constaté que l'association Lien en Roannais n'apportait pas les éléments permettant au juge du tarif de fixer les tarifs applicables au service d'aide à domicile qu'elle gérait, il a enjoint au président du conseil général de la Loire de prendre un arrêté fixant les tarifs horaires applicables pour 2014 à ce service d'aide à domicile, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

3. Aux termes de l'article L. 351-6 du code de l'action sociale et des familles : " Les décisions du juge du tarif sont mises en oeuvre lors de l'exercice au cours duquel elles sont notifiées à l'autorité de tarification par une décision budgétaire modificative. / Lorsqu'une décision du juge du tarif passée en force de chose jugée fixe, ou entraîne nécessairement, une modification du tarif pour un exercice déjà clos, l'exécution de la décision fait l'objet de modalités comptables et financières simplifiées fixées par décret en Conseil d'Etat. / Tout paiement de sommes supplémentaires tient compte, le cas échéant, des sommes déjà versées au même titre par l'autorité de tarification ". Aux termes de l'article R. 314-63 du même code : " Les décisions du juge du tarif ayant autorité de chose jugée sont mises en oeuvre lors de l'exercice au cours duquel elles sont notifiées à l'autorité de tarification, par une décision budgétaire modificative. / Lorsqu'une décision du juge du tarif passée en force de chose jugée fixe, ou entraîne nécessairement, une modification du tarif pour un exercice déjà clos, l'exécution de la décision fait l'objet, en application de l'article L. 351-6, des modalités comptables et financières suivantes : / 1° Les dépenses approuvées de l'exercice sont abondées ou minorées du montant correspondant, respectivement, aux dépenses rétablies ou supprimées par le juge du tarif ; / 2° Lorsque ces dépenses doivent être couvertes par le tarif, les recettes tarifaires de l'exercice sont abondées ou minorées pour un montant identique, et font l'objet, soit d'un versement ou d'un reversement, soit d'une majoration ou d'une minoration tarifaire. Tout paiement de sommes supplémentaires tient compte, le cas échéant, des avances déjà versées au même titre par l'autorité de tarification ainsi que des reprises et des affectations des résultats opérées depuis le recours ; / 3° Le résultat comptable de l'exercice tient compte de cette variation de recettes ".

4. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la notification du jugement du tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Lyon, le président du conseil départemental de la Loire a, par un arrêté du 29 décembre 2015, arrêté le montant des recettes et dépenses prévisionnelles du service d'aide à domicile géré par l'association Lien en Roannais pour l'exercice 2014 à 5 956 192,14 euros et déterminé les tarifs horaires des aides et employés à domicile et des auxiliaires de vie sociale qui lui sont applicables à compter du 1er janvier 2014. A la suite de cet arrêté, le département a procédé au versement d'une somme de 33 728,36 euros, compte tenu des heures effectivement réalisées par l'association au cours de l'année 2014.

5. Il résulte du jugement du 29 juin 2015 que le tribunal interrégional, faute de disposer des éléments nécessaires, n'a ni fixé lui-même le tarif, ni indiqué les bases sur lesquelles le président du conseil départemental devait en fixer le montant, ainsi que le prévoit l'article R. 351-35 du code de l'action sociale et des familles. Ce jugement, motivé par la seule incompétence de l'autorité ayant arrêté le tarif, ne peut ainsi être regardé comme fixant, ou entraînant nécessairement, une modification du tarif pour un exercice déjà clos. Par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que le président du conseil départemental de la Loire, pour en assurer la complète exécution, aurait dû nécessairement, en application des articles L. 351-6 et R. 314-63 du même code cités au point 3, abonder les dépenses approuvées de l'exercice 2015, au cours duquel le jugement a été notifié, du montant correspondant aux dépenses rétablies pour 2014, abonder les recettes tarifaires de l'exercice 2015 pour un montant identique et majorer en conséquence les tarifs horaires fixés pour cet exercice. Enfin, eu égard au dispositif du jugement du 29 juin 2015, tel qu'éclairé par ses motifs, la contestation de la légalité de l'arrêté du 29 décembre 2015 relève d'un litige distinct de celui qui a été tranché par ce jugement. Par suite, il n'appartient pas au Conseil d'Etat d'en connaître dans le cadre de la présente instance.

6. Il suit de là que les conclusions de l'association Lien en Roannais tendant à ce que le Conseil d'Etat prononce une astreinte pour assurer l'exécution du jugement du 29 juin 2015 doivent être rejetées.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Lien en Roannais la somme que le département de la Loire demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'association Lien en Roannais est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département de la Loire sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association Lien en Roannais et au département de la Loire.
Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.


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