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Ariane Web: Conseil d'État 403627, lecture du 16 décembre 2016, ECLI:FR:CECHS:2016:403627.20161216

Décision n° 403627
16 décembre 2016
Conseil d'État

N° 403627
ECLI:FR:CECHS:2016:403627.20161216
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre
Mme Laurence Franceschini, rapporteur
M. Xavier de Lesquen, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats


Lecture du vendredi 16 décembre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société Barnes et M. A...B...a produit, à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de la sanction prononcée à leur encontre par la Commission nationale des sanctions, un mémoire, enregistré le 17 juin 2016 au greffe du tribunal administratif de Paris, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel ils soulèvent une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1609254/2-1 du 19 septembre 2016, enregistrée le 20 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le vice-président du tribunal administratif de Paris, avant qu'il soit statué sur la demande de la société Barnes et M. A...B...a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 561-41, L. 561-42 et L. 561-45 du code monétaire et financier.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 561-37 et suivants ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laurence Franceschini, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Barnes et autre ;



1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 561-45 du code monétaire et financier, relatives au droit d'accès au traitement des données à caractère personnel aux seules fins de l'application des articles L. 561-5 à L. 561-23, ne peuvent être regardées comme applicables au litige, au sens de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, par lequel la société Barnes et M. B...contestent les sanctions qui leur ont été infligées par la commission nationale des sanctions sur le fondement des articles L. 561-37 à L. 561-44 du code monétaire et financier ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-41 du code monétaire et financier dans sa rédaction issue de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures applicable au litige : " La Commission nationale des sanctions reçoit les rapports établis à la suite des contrôles effectués par les autorités administratives mentionnées au II de l'article L. 561-36 et notifie les griefs à la personne physique mise en cause ou, s'agissant d'une personne morale, à son responsable légal. (...). " ; qu'en vertu de l'article L. 561-42 du même code dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 30 janvier 2009 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, alors en vigueur, : " La Commission nationale des sanctions statue par décision motivée, hors la présence du rapporteur de l'affaire. Aucune sanction ne peut être prononcée sans que la personne concernée ou son représentant ait été entendu ou, à défaut, dûment convoqué." ; que ces dispositions, qui sont applicables au litige au sens et pour l'application de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, n'ont pas été déjà déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au principe constitutionnel d'impartialité des juridictions, faute en particulier d'opérer une distinction entre les fonctions de poursuite et d'instruction, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;



D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des articles L 561-41 et L. 561-42 du code monétaire et financier dans leur rédaction issue respectivement de la loi du 12 mai 2019 et de l'ordonnance du 30 janvier 2009 est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Barnes, à M. A...B..., au garde des sceaux, ministre de la justice, et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au tribunal administratif de Paris.