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Ariane Web: Conseil d'État 391829, lecture du 28 décembre 2016, ECLI:FR:CECHS:2016:391829.20161228

Décision n° 391829
28 décembre 2016
Conseil d'État

N° 391829
ECLI:FR:CECHS:2016:391829.20161228
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
M. François Monteagle, rapporteur
M. Vincent Daumas, rapporteur public
SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY ; BALAT, avocats


Lecture du mercredi 28 décembre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté municipal du 24 août 2006 par lequel le maire de Gagny (Seine Saint-Denis) l'a recruté en qualité d'assistant d'enseignement artistique non titulaire à temps partiel pour la période du 1er décembre 2006 au 4 juillet 2007, et d'enjoindre à la commune de Gagny de lui accorder un contrat à durée indéterminée à temps plein avec un salaire mensuel brut de 2 896,66 euros.

Par un jugement n° 0609580 du 9 juillet 2010, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13VE01656 du 23 avril 2015, la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir annulé le jugement litigieux, a rejeté la demande formée par M. A...devant le tribunal administratif.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 17 juillet et 19 octobre 2015, et le 25 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Gagny la somme de 3 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 ;
-- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Monteagle, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de M. A...et à Me Balat, avocat de la commune de Gagny ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... a été recruté par un arrêté du 5 mars 1985 en qualité d'animateur culturel vacataire par la commune de Gagny (Seine Saint-Denis) à compter du 1er décembre 1984. A partir de 1988, il a travaillé pour cette commune à temps plein, ses fonctions étant élargies à celles de responsable des arts plastiques. En mai 2006, il a sollicité un contrat à durée indéterminée mais, par lettre du 23 mai 2006, le maire de la commune lui a indiqué que la reconduction tacite de son contrat ne conférait pas à celui-ci la nature d'un contrat à durée indéterminée mais donnait naissance chaque fois à un nouveau contrat. Le maire a indiqué à l'intéressé que, dans ces conditions, le renouvellement exprès de son contrat n'était pas nécessaire. Par arrêté du 24 août 2006, le maire a recruté M. A... en qualité d'assistant d'enseignement artistique non titulaire à temps non complet pour la période du 1er décembre 2006 au 4 juillet 2007, afin d'assurer notamment l'enseignement du dessin à raison de 21 heures hebdomadaires et la coordination du département des arts plastiques à raison de 4 heures hebdomadaires. M. A...a alors saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise lequel, par un jugement du 9 juillet 2010, a rejeté les conclusions dirigées par l'intéressé contre l'arrêté du 24 août 2006, ainsi que les conclusions tendant à ce qu'il soit en outre enjoint à la commune de procéder à la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée. M. A...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 avril 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir annulé ce jugement, a rejeté sa demande de première instance.

2. Aux termes du I de l'article 15 de la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique : " Lorsque l'agent, recruté sur un emploi permanent, est en fonction à la date de publication de la présente loi ou bénéficie, à cette date, d'un congé en application des dispositions du décret mentionné à l'article 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, le renouvellement de son contrat est soumis aux conditions prévues aux septième et huitième alinéas de l'article 3 de la même loi. / Lorsque, à la date de publication de la présente loi, l'agent est en fonction depuis six ans au moins, de manière continue, son contrat ne peut, à son terme, être reconduit que par décision expresse pour une durée indéterminée. " Aux termes des septième et huitième alinéas de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 : " Les agents recrutés conformément aux quatrième, cinquième, et sixième alinéas sont engagés par des contrats à durée déterminée, d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables, par reconduction expresse. La durée des contrats successifs ne peut excéder six ans. / Si, à l'issue de la période maximale de six ans mentionnée à l'alinéa précédent, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée. ". Aux termes des troisième, quatrième et cinquième alinéas du même article, dans sa version applicable au litige : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 du titre Ier du statut général, des emplois permanents peuvent être occupés par des agents contractuels dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; / 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient ".

3. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que, pour les agents contractuels de la fonction publique territoriale recrutés sur un emploi permanent, en fonction au moment de l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005, le renouvellement de contrat régi par le I de l'article 15 de cette loi doit intervenir selon les règles fixées par les septième et huitième alinéas de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 et ne peut donc concerner que les titulaires de contrats entrant dans les catégories énoncées aux quatrième, cinquième et sixième alinéas de ce même article, qui seuls peuvent se voir proposer, par décision expresse et après six années de fonctions au moins, un contrat à durée indéterminée.

4. Il résulte des dispositions du cinquième alinéa de l'article 3 de la loi du 11 janvier 1984 que le recrutement de contractuels du niveau de la catégorie A n'est pas subordonné à l'absence d'un cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer des fonctions équivalentes. La circonstance que les fonctions confiées par contrat à un agent non titulaire pouvaient être assurées par des fonctionnaires appartenant à un cadre d'emplois du niveau de la catégorie A ne saurait dès lors, à elle-seule, exclure le contrat de cet agent du champ des dispositions du cinquième alinéa de l'article 3 de la loi du 11 janvier 1984.

5. Pour juger que l'emploi occupé par M. A...ne répondait pas à la condition fixée par le cinquième alinéa de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 et, par suite, que son titulaire n'entrait pas dans le champ d'application de l'article 15 de la loi du 26 juillet 2005 et ne pouvait ainsi pas bénéficier d'une requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la cour administrative d'appel s'est fondée sur le seul motif que cet emploi ne présentait pas une spécificité telle qu'il ne pouvait être occupé par des fonctionnaires territoriaux titulaires de catégorie A appartenant notamment au cadre d'emplois des professeurs territoriaux d'enseignement artistique. En se fondant sur cette seule circonstance, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. Par suite, M. A...est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Gagny la somme de 3 500 euros à verser à M.A..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M.A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 23 avril 2015 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : La commune de Gagny versera la somme de 3 500 euros à M. A...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Gagny au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à la commune de Gagny.