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Ariane Web: Conseil d'État 395724, lecture du 28 décembre 2016, ECLI:FR:CECHS:2016:395724.20161228

Décision n° 395724
28 décembre 2016
Conseil d'État

N° 395724
ECLI:FR:CECHS:2016:395724.20161228
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
M. François Monteagle, rapporteur
M. Vincent Daumas, rapporteur public
SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats


Lecture du mercredi 28 décembre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

Par arrêté du 26 novembre 2010, le président du syndicat mixte pour le schéma de cohérence territoriale du bassin de Vie d'Avignon (SMBVA) a décidé de révoquer la directrice de ce syndicat, Mme A... B....

Mme B...a alors saisi le conseil de discipline de recours du centre de gestion de la fonction publique territoriale des Bouches-du-Rhône qui, par un avis en date du 21 mars 2011, a estimé que les faits qui lui étaient reprochés, justifiaient une sanction du troisième groupe, d'exclusion temporaire de fonctions d'un mois. Il a ainsi substituée cette nouvelle sanction à celle de la révocation.

Par jugement n° 1101536 du 9 mai 2011, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la requête par laquelle le SMBVA a demandé l'annulation de l'avis du conseil de discipline de recours.

Par un arrêt n° 13MA01687 du 3 novembre 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a fait droit à l'appel du syndicat et annulé le jugement du tribunal administratif de Nîmes ainsi que l'avis du 21 mars 2011 du conseil de discipline de recours.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, et un nouveau mémoire, enregistrés les 31 décembre 2015, 29 mars et 18 juillet 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du SMBVA ;

3°) de mettre à la charge du SMBVA la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi du n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Monteagle, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Mme B...et à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat du syndicat mixte pour le schéma de cohérence territoriale du bassin de Vie d'Avignon (SMBVA) ;


Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté en date du 26 novembre 2010, le président du syndicat mixte pour le schéma de cohérence territoriale du bassin de vie d'Avignon (SMBVA) a décidé de révoquer MmeB..., alors attaché territorial, pour avoir exercé une activité accessoire sur la base d'une autorisation de cumul où celle-ci avait imité sa signature. L'intéressée a alors saisi, en application de l'article 91 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, le conseil de discipline de recours du centre de gestion des Bouches-du-Rhône qui, par un avis du 21 mars 2011, a estimé que les faits qui lui étaient reprochés, justifiaient seulement une sanction du troisième groupe, d'exclusion temporaire de fonctions d'un mois. Par jugement du 9 mai 2011, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la requête du SMBVA tendant à l'annulation de cet avis. Par un arrêt du 3 novembre 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement ainsi que l'avis du 21 mars 2011. Mme B... se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. La constatation et la caractérisation des faits reprochés à l'agent relèvent, dès lors qu'elles sont exemptes de dénaturation, du pouvoir souverain des juges du fond. Le caractère fautif de ces faits est susceptible de faire l'objet d'un contrôle de qualification juridique de la part du juge de cassation. L'appréciation du caractère proportionné de la sanction au regard de la gravité des fautes commises relève, pour sa part, de l'appréciation des juges du fond et n'est susceptible d'être remise en cause par le juge de cassation que dans le cas où la solution qu'ils ont retenue quant au choix, par l'administration ou par le conseil de discipline de recours statuant sur le recours d'un fonctionnaire territorial, de la sanction est hors de proportion avec les fautes commises.

3. La cour administrative d'appel de Marseille, pour caractériser les faits reprochés à Mme B...et regarder comme insuffisante l'exclusion temporaire de fonctions d'un mois qui avait été retenue par l'avis litigieux, a estimé que " s'il ressort des pièces du dossier, d'une part, que l'intéressée avait jusqu'alors satisfait à l'ensemble de ses missions, ses qualités professionnelles et personnelles étant reconnues, lui ayant permis d'être désignée en qualité de membre de jury pour les concours d'attaché territorial et de secrétaire de mairie, d'autre part, que cet acte demeurait isolé et, avait eu pour objectif la poursuite d'activités accessoires et, que les faits incriminés auraient été commis dans un contexte conflictuel préexistant, les agissements de faux et usage de faux reprochés à l'intéressée ont inévitablement porté atteinte à la nécessaire confiance que doit légitimement pouvoir avoir ledit Syndicat mixte, employeur, en son agent, s'agissant notamment d'un personnel de direction, de catégorie A ".

4. Il ressort, toutefois, de l'expertise du docteur Bonnassieux, diligentée à la demande du SMBVA et produite en première instance, qu'à l'époque des faits, l'intéressée éprouvait des souffrances psychiques justifiant une prise en charge médicale adaptée, liées à un sentiment d'abandon par sa hiérarchie à la suite de l'agression physique dont elle avait été victime dans son service. Cette circonstance, qui avait été relevée par l'avis litigieux, devait être prise en compte pour apprécier la proportionnalité de la sanction retenue par celui-ci, dès lors que la perte de confiance entre Mme B...et le président du SMBVA, qui a été relevée par la cour, si elle pouvait conduire à ce que l'intéressée soit déchargée des fonctions qu'elle exerçait, ne pouvait justifier qu'elle soit révoquée. En s'abstenant d'en tenir compte, la cour a entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation.

5. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi, Mme B...est fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative de Marseille. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat mixte pour le schéma de cohérence territoriale du bassin de Vie d'Avignon le versement d'une somme de 3 000 euros à Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de cette dernière qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 3 novembre 2015 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : Le syndicat mixte pour le schéma de cohérence territoriale du bassin de Vie d'Avignon versera à Mme B...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du syndicat mixte pour le schéma de cohérence territoriale du bassin de Vie d'Avignon présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B...et au syndicat mixte pour le schéma de cohérence territoriale du bassin de Vie d'Avignon.