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Ariane Web: Conseil d'État 403900, lecture du 28 décembre 2016, ECLI:FR:CECHR:2016:403900.20161228

Décision n° 403900
28 décembre 2016
Conseil d'État

N° 403900
ECLI:FR:CECHR:2016:403900.20161228
Inédit au recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. François Monteagle, rapporteur
Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public
RICARD, avocats


Lecture du mercredi 28 décembre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

La société SNF, à l'appui de son appel contre le jugement n° 1306356 du 21 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de la communauté d'agglomération Saint-Etienne Métropole refusant de modifier la délibération de son conseil du 11 juillet 2013 instituant le versement destiné au financement des transports en commun, a produit un mémoire distinct, enregistré le 15 avril 2016 au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 16LY01303 du 29 septembre 2016, enregistrée le 30 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Lyon, avant qu'il soit statué sur la requête de la société SNF, a décidé, en application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du I de l'article L. 2333-70 du code général des collectivités territoriales.

Par son mémoire distinct et par un nouveau mémoire, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 23 novembre 2016, la société SNF soutient que les dispositions du I de l'article L. 2333-70 du code général des collectivités territoriales, qui sont applicables au litige et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution, méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et les charges publiques. Elle soutient, en outre, qu'en ne précisant pas les conditions auxquelles est subordonnée la délibération de l'organe compétent désignant les zones à l'intérieur desquelles les employeurs bénéficient du remboursement du versement transport, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions portant atteinte à ces principes.

Par un mémoire, enregistré le 3 novembre 2016, le ministre de l'intérieur soutient que les conditions posées par l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies et, en particulier, que la question soulevée n'est pas nouvelle et ne présente pas un caractère sérieux.

La question prioritaire de constitutionnalité a été communiquée à la communauté d'agglomération de Saint-Etienne, qui n'a pas produit de mémoire.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 73-640 du 11 juillet 1973 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Monteagle, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Ricard, avocat de la société SNF ;


Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Le I de l'article L. 2333-70 du code général des collectivités territoriales, relatif au versement destiné aux financements des transports en commun, dispose : " I. Le produit de la taxe est versé au budget de la commune ou de l'établissement public qui rembourse les versements effectués : / 1° Aux employeurs qui justifient avoir assuré le logement permanent sur les lieux de travail ou effectué intégralement et à titre gratuit le transport collectif de tous leurs salariés, ou de certains d'entre eux au prorata des effectifs transportés ou logés par rapport à l'effectif total ; / 2° Aux employeurs, pour les salariés employés à l'intérieur des périmètres d'urbanisation des villes nouvelles ou de certaines zones d'activité industrielle ou commerciale, prévues aux documents d'urbanisation, lorsque ces périmètres ou ces zones sont désignés par la délibération mentionnée à l'article L. 2333-66 (...) ".

3. Ces dispositions, applicables au litige, n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. La question de savoir si elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment aux principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et si, en les édictant, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions portant atteinte à ces principes faute d'avoir précisé les conditions dans lesquelles l'organe compétent peut déterminer les zones à l'intérieur desquelles les employeurs bénéficient du remboursement du versement transport, présente un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société SNF.




D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions du I de l'article L. 2333-70 du code général des collectivités territoriales est renvoyée au Conseil Constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société SNF, à la communauté d'agglomération de Saint-Etienne, au Premier ministre et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la cour administrative d'appel de Lyon.