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Ariane Web: Conseil d'État 406154, lecture du 11 janvier 2017, ECLI:FR:CEORD:2017:406154.20170111

Décision n° 406154
11 janvier 2017
Conseil d'État

N° 406154
ECLI:FR:CEORD:2017:406154.20170111
Mentionné aux tables du recueil Lebon
Juge des référés
SCP SPINOSI, SUREAU, avocats


Lecture du mercredi 11 janvier 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, d'une part, d'exécuter, dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l'ordonnance et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, le jugement n° 1515309/7 du 30 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Paris lui a enjoint d'assurer son accueil en urgence dans une structure d'hébergement adaptée à ses besoins, sous une astreinte destinée au fonds national d'accompagnement vers et dans le logement de 50 euros par jour de retard à compter du 1er décembre 2015, d'autre part, de lui attribuer un hébergement tenant compte de ses besoins. Par une ordonnance n° 1621403 du 16 décembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité, en ce qu'elle ne mentionne pas la seconde note en délibéré qu'il a produite le 16 décembre 2016 ;
- cette ordonnance ne répond pas au moyen tiré de ce que l'inexécution du jugement rendu à son profit le 30 octobre 2015 par le tribunal administratif de Paris porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit constitutionnel d'asile et au droit à un recours effectif ;
- l'inexécution de ce jugement porte, en soi, une atteinte grave et manifestement illégale au droit à un recours effectif ;
- c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Paris a jugé que des conclusions tendant à l'exécution d'un jugement ne relèvent pas de l'office du juge des référés, alors que les dispositions du code de la construction et de l'habitation, dans leur rédaction issue de la loi de finances pour 2016, ne permettent plus de solliciter le tribunal administratif sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative pour assurer l'exécution d'un jugement ;
- la condition d'urgence est remplie ;
- le refus du préfet d'assurer son hébergement porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit à un hébergement d'urgence, au droit d'asile et au droit à un recours effectif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 décembre 2016, la ministre des affaires sociales et de la santé conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 janvier 2017, la ministre du logement et de l'habitat durable conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A..., d'autre part, la ministre des affaires sociales et de la santé et la ministre du logement et de l'habitat durable ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du mardi 3 janvier 2017 à 14 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Sureau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A... ;

- les représentants de la ministre des affaires sociales et de la santé ;

- les représentants de la ministre du logement et de l'habitat durable ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".

2. Il résulte de l'instruction que M.A..., de nationalité afghane, a obtenu le statut de réfugié et s'est vu attribuer à ce titre une carte de résident valable jusqu'au 19 mars 2024. Par une décision du 19 juin 2015, la commission de médiation du département de Paris, saisie sur le fondement du III de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation, l'a reconnu comme prioritaire et devant être accueilli en urgence dans une structure d'hébergement, un établissement ou logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, au motif qu'il se trouve dans une situation d'urgence. Par un jugement n° 1515309/7 du 30 octobre 2015, le tribunal administratif de Paris a enjoint au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, d'assurer l'accueil en urgence de M. A... dans une structure d'hébergement adaptée à ses besoins, sous une astreinte destinée au fonds d'accompagnement vers et dans le logement de 50 euros par jour de retard à compter du 1er décembre 2015. Depuis ce jugement, aucune offre d'hébergement n'a été proposée à M. A... qui, par un courrier en date du 7 septembre 2016, a saisi le préfet d'une demande tendant à ce qu'en exécution du jugement du 30 octobre 2015, son hébergement soit assuré dans les plus brefs délais. En l'absence de réponse, M. A...a saisi, le 13 décembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, d'une part, d'exécuter, dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l'ordonnance et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, le jugement du 30 octobre 2015, d'autre part, de lui attribuer dans les plus brefs délais un hébergement tenant compte de ses besoins. M. A...fait appel de l'ordonnance du 16 décembre 2016 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

3. Si M. A...soutient que le premier juge des référés a méconnu l'article R. 741-2 du code de justice administrative en ne visant pas la seconde note en délibéré qu'il avait déposée, il n'établit pas l'existence d'une telle note en délibéré par la simple production de l'accusé de réception d'une télécopie daté du 16 décembre à 17H36, alors même que l'heure à laquelle l'ordonnance attaquée a été rendue n'est pas connue.

4. Contrairement à ce que soutient le requérant, le premier juge des référés a répondu, en l'écartant, au moyen tiré de l'existence d'une atteinte grave et manifestement illégale aux trois libertés fondamentales qu'il invoquait.

Sur les conclusions tendant à l'exécution du jugement du 30 octobre 2015 du tribunal administratif de Paris ;

5. Si le juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, peut ordonner des mesures susceptibles d'avoir le même effet que celles que l'administration est tenue de prendre en exécution d'un jugement de tribunal administratif, des conclusions tendant à l'exécution d'un tel jugement ne relèvent pas de son office. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'exécution du jugement du 30 octobre 2015 du tribunal administratif de Paris.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

6. Aux termes du II de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation : "" II. Le demandeur qui a été reconnu par la commission de médiation comme prioritaire et comme devant être accueilli dans une structure d'hébergement, un établissement ou logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale et qui n'a pas été accueilli, dans un délai fixé par décret, dans l'une de ces structures peut introduire un recours devant la juridiction administrative tendant à ce que soit ordonné son accueil dans une structure d'hébergement, un établissement ou logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale./ (...) Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne, lorsqu'il constate que la demande a été reconnue prioritaire par la commission de médiation et que n'a pas été proposée au demandeur une place dans une structure d'hébergement, un établissement ou logement de transition, un logement foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, ordonne l'accueil dans l'une de ces structures et peut assortir son injonction d'une astreinte./ (...) Le montant de cette astreinte est déterminé en fonction du coût moyen du type d'hébergement considéré comme adapté aux besoins du demandeur par la commission de médiation. / Le produit de l'astreinte est versé au fonds national d'accompagnement vers et dans le logement, institué en application de l'article L. 300-2. ". Ces dispositions, par lesquelles le législateur a ouvert aux personnes déclarées prioritaires pour l'accueil dans une structure d'hébergement un recours spécial en vue de rendre effectif leur droit à l'hébergement, définissent la seule voie de droit ouverte devant la juridiction administrative afin d'obtenir l'exécution d'une décision de la commission de médiation. Par suite, ces personnes ne sont pas recevables à agir à cette fin sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Toutefois, dans l'hypothèse où un jugement de tribunal administratif qui a, sur le fondement des dispositions du II de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, ordonné l'accueil du demandeur reconnu prioritaire dans l'une des structures d'hébergement mentionnées par ces dispositions, demeure inexécuté, les dispositions des articles L. 345-2 et suivants du code de l'action sociale et des familles permettent à l'intéressé de solliciter le bénéfice de l'hébergement d'urgence. Le demandeur peut, s'il s'y croit fondé, saisir le juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de prendre toutes mesures afin d'assurer cet hébergement dans les plus brefs délais. Une carence caractérisée dans la mise en oeuvre du droit à l'hébergement d'urgence reconnu par la loi peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe au juge des référés d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose au sein du département concerné ainsi que de l'âge, de l'état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée.

7. Si le jugement du 30 octobre 2015 du tribunal administratif de Paris n'a reçu aucune exécution, il résulte toutefois de l'instruction, d'une part, que l'administration, qui ne dispose pas à Paris de places d'hébergement en nombre suffisant pour répondre à l'ensemble des demandes qui lui sont présentées, a dû définir un ordre de priorité tenant compte de la situation particulière des demandeurs et, d'autre part, que M.A..., âgé de 24 ans, est célibataire, sans enfant et n'apporte aucune précision quant à son état de santé. Par suite, le requérant ne justifie pas d'une situation d'urgence et d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale qui justifieraient que le juge des référés fasse usage des pouvoirs qu'il tire de l'article L. 521-2 du code de justice administrative pour enjoindre à l'administration, à titre exceptionnel, de l'accueillir sans délai dans une structure d'hébergement d'urgence.

8. Il suit de là que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions qu'il avait présentées au titre de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, après les avoir interprétées comme tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, de mettre à sa disposition un hébergement d'urgence.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A...doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B...A..., à la ministre des affaires sociales et de la santé et à la ministre du logement et de l'habitat durable.
Copie en sera adressée au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris.


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