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Ariane Web: Conseil d'État 391878, lecture du 8 février 2017, ECLI:FR:Code Inconnu:2017:391878.20170208

Décision n° 391878
8 février 2017
Conseil d'État

N° 391878
ECLI:FR:CECHR:2017:391878.20170208
Inédit au recueil Lebon
1ère - 6ème chambres réunies
Mme Dorothée Pradines, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public
SCP LEVIS ; SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats


Lecture du mercredi 8 février 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil général du Gard a rejeté son recours contre la décision du 1er octobre 2010 de la caisse d'allocations familiales du Gard de récupérer un indu total de 12 658,58 euros, correspondant à des trop-perçus de revenu minimum d'insertion, de revenu de solidarité active, de prime exceptionnelle de fin d'année et d'allocation de logement à caractère social au cours de la période allant du 1er septembre 2007 au 31 janvier 2010.

Par un jugement n° 1100691 du 3 novembre 2011, le tribunal administratif de Nîmes a, d'une part, transmis à la commission départementale d'aide sociale du Gard les conclusions de la demande de M. A...portant sur les trop-perçus de revenu minimum d'insertion et d'allocation de logement à caractère social et, d'autre part, rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un arrêt n° 11LY24765 du 18 mai 2015, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 3 novembre 2011 en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. A...concernant l'indu de revenu de solidarité active pour la période du 1er juin au 30 septembre 2009, enjoint au président du conseil départemental du Gard de réexaminer ses droits au revenu de solidarité active pour la même période et rejeté le surplus de ses conclusions d'appel.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 20 juillet 2015, 20 octobre 2015, 15 février 2016 et 5 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département du Gard demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 18 mai 2015, à l'exclusion de son article 4 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M.A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dorothée Pradines, auditeur,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du département du Gard et à la SCP Lévis, avocat de M.A....



1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement (...) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué " ;

2. Considérant que lorsque le juge administratif est saisi d'un recours dirigé contre une décision qui, remettant en cause des paiements déjà effectués, ordonne la récupération d'un indu de revenu de solidarité active, il entre dans son office d'apprécier, au regard de l'argumentation du requérant, le cas échéant, de celle développée par le défendeur et, enfin, des moyens d'ordre public, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, la régularité comme le bien-fondé de la décision de récupération d'indu ; qu'à cet effet, il ne saurait se fonder sur un moyen relevé d'office sans en informer préalablement les parties ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le président du conseil général du Gard a notamment réclamé à M. A...le remboursement d'un indu correspondant aux allocations de revenu de solidarité active qu'il avait perçues du 1er juin au 31 décembre 2009, au motif qu'il avait, pendant cette période, exercé une activité au sein de la SARL CBX, qui assurait elle-même la gérance d'un café, et n'avait pas produit les pièces qui lui avaient été demandées, propres à permettre d'évaluer ses ressources d'activité de travailleur indépendant ; que, devant le tribunal administratif comme devant la cour administrative d'appel, le requérant a contesté le bien-fondé de l'indu qui lui était ainsi réclamé en se prévalant exclusivement des dispositions de l'article D. 262-16 du code de l'action sociale et des familles, qui permet aux personnes relevant du régime social des indépendants de " prétendre au revenu de solidarité active lorsque le dernier chiffre d'affaires annuel connu, actualisé le cas échéant, n'excède pas, selon la nature de l'activité exercée, les montants fixés aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts " ; que la cour n'a pas méconnu son office en recherchant, au vu de l'ensemble des circonstances de fait qui résultaient de l'instruction, si l'activité que M. A...exerçait au sein de la SARL CBX, avant le 1er octobre 2009, date à laquelle il en est statutairement devenu le cogérant, permettait effectivement de retenir la qualification de travailleur indépendant et, par suite, si le département avait pu légalement déterminer les droits de M. A...au revenu de solidarité active en appliquant à sa situation les dispositions propres aux non-salariés ; que, toutefois, la cour ne pouvait, pour annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il avait rejeté les conclusions de M. A...concernant son droit au revenu de solidarité active pour la période du 1er juin au 30 septembre 2009, se fonder sur la circonstance que l'intéressé n'exerçait pas, pendant cette période, une activité en qualité de travailleur indépendant, alors que l'intéressé lui-même ne l'avait pas contesté, sans en avoir préalablement informé les parties et les avoir ainsi mises en mesure de présenter leurs observations ; que l'arrêt attaqué a donc été rendu à la suite d'une procédure irrégulière ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département du Gard est fondé à demander l'annulation des articles 1er, 2, 3 et 5 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du département du Gard, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;


D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er, 2, 3 et 5 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 18 mai 2015 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon dans la mesure de la cassation ainsi prononcée.
Article 3 : Les conclusions de M. A...présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au département du Gard et à M. B...A....