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Ariane Web: Conseil d'État 400470, lecture du 10 février 2017, ECLI:FR:Code Inconnu:2017:400470.20170210

Décision n° 400470
10 février 2017
Conseil d'État

N° 400470
ECLI:FR:CECHR:2017:400470.20170210
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 4ème chambres réunies
M. Guillaume Leforestier, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX, avocats


Lecture du vendredi 10 février 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'ordonner à l'Etat de lui attribuer un logement tenant compte de ses besoins et capacités. Par un jugement n° 1517084/7 du 18 mars 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a enjoint au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, d'assurer le relogement de Mme A... et de ses deux fils, sous astreinte de 350 euros par mois de retard à compter du 1er juin 2016 et jusqu'à sa liquidation définitive par le juge, destinée au fonds national d'accompagnement vers et dans le logement en application des dispositions de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation.

Par un pourvoi enregistré le 7 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre du logement et de l'habitat durable demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement.



Vu les autres pièces du dossier ;




Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Leforestier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de MmeA....



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 5 décembre 2014, notifiée le 12 février 2015, la commission de médiation du département de Paris a reconnu Mme B...A...comme prioritaire et devant être relogée d'urgence en application du II de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation ; que, le 19 octobre 2015, l'intéressée a, en application du I de l'article L. 441-2-3-1 du même code, demandé au tribunal administratif de Paris d'ordonner à l'Etat de lui attribuer un logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités ; que, par un jugement du 18 mars 2016, contre lequel le ministre du logement se pourvoit en cassation, le tribunal administratif a fait droit à sa demande ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 441-16-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable à la date de la décision de la commission de médiation : " A compter du 1er décembre 2008, le recours devant la juridiction administrative prévu au I de l'article L. 441-2-3-1 peut être introduit par le demandeur qui n'a pas reçu d'offre de logement tenant compte de ses besoins et capacités passé un délai de trois mois à compter de la décision de la commission de médiation le reconnaissant comme prioritaire et comme devant être logé d'urgence. Dans les départements d'outre-mer et, jusqu'au 1er janvier 2017, dans les départements comportant au moins une agglomération, ou une partie d'une agglomération, de plus de 300 000 habitants, ce délai est de six mois " ; que l'article R. 778-2 du code de justice administrative dispose que le recours à fin d'injonction prévu à l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation doit être formé " dans un délai de quatre mois à compter de l'expiration des délais prévus aux articles R. 441-16-1, R. 441-17 et R. 441-18 du code de la construction et de l'habitation. Ce délai n'est toutefois opposable au requérant que s'il a été informé, dans la notification de la décision de la commission de médiation ou dans l'accusé de réception de la demande adressée au préfet en l'absence de commission de médiation, d'une part, de celui des délais mentionnés aux articles R. 441-16-1, R. 441-17 et R. 441-18 de ce code qui était applicable à sa demande et, d'autre part, du délai prévu par le présent article pour saisir le tribunal administratif " ; qu'il résulte de ces dispositions que le point de départ du délai imparti au préfet pour faire une offre de logement au demandeur déclaré prioritaire par la commission de médiation est la date de la décision de cette commission et que le délai de quatre mois imparti au demandeur pour saisir le tribunal administratif en l'absence de proposition de logement court à compter de l'expiration du délai imparti au préfet ; que, toutefois, dans le cas où la décision de la commission lui serait notifiée après l'expiration du délai imparti au préfet, il y aurait lieu, afin de conserver un caractère effectif à la voie de droit ouverte par l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, de reconnaître au demandeur la possibilité de saisir le tribunal administratif dans un délai de quatre mois courant à compter de cette notification ;

3. Considérant que le jugement attaqué relève que la décision de la commission de médiation du 5 décembre 2014 a été notifiée à Mme A...le 12 février 2015 et en déduit que le délai de six mois imparti au préfet de la région Ile-de-France pour lui faire une offre de logement a expiré le 12 août 2015 et que la requête de l'intéressée, présentée moins de quatre mois après cette date, n'est pas tardive ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des dispositions citées au point 2 que le délai imparti au préfet court à compter de la date de la décision de la commission, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'en application des dispositions précitées de l'article R. 441-16-1, le préfet de la région Île-de-France disposait à compter du 5 décembre 2014, date de la décision de la commission de médiation, d'un délai de six mois pour faire une offre de logement à MmeA... ; que ce délai expirait le 5 juin 2015 ; qu'eu égard au caractère franc du délai de quatre mois imparti à l'intéressée pour saisir le tribunal administratif, sa requête devait parvenir au greffe du tribunal au plus tard le 6 octobre 2015 ; que la notification de la décision de la commission de médiation mentionnait que " si vous n'avez pas reçu d'offre de logement (...) le 5 juin 2015, vous pourrez, jusqu'au 6 octobre 2015, faire devant le tribunal administratif un recours tendant à ce qu'il soit ordonné au préfet de vous reloger " ; que cette mention mettait l'intéressée en mesure de comprendre qu'elle ne serait plus recevable à saisir le tribunal administratif après la date indiquée ; que les dispositions de l'article R. 778-2 du code de justice administrative citées au point 2 n'exigeaient pas que la notification comporte la référence des dispositions instituant le délai de saisine du tribunal administratif ; que la requête de Mme A..., enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 19 octobre 2015, était tardive et, par suite, irrecevable ; qu'elle doit, dès lors, être rejetée ;

6. Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par la SCP Baraduc - Duhamel - Rameix, avocat de MmeA... ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 18 mars 2016 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande de Mme A...est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre du logement et de l'habitat durable et à Mme B...A....
Copie en sera adressée au préfet de la région Île-de-France.


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