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Ariane Web: Conseil d'État 394158, lecture du 24 février 2017, ECLI:FR:CECHR:2017:394158.20170224

Décision n° 394158
24 février 2017
Conseil d'État

N° 394158
ECLI:FR:CECHR:2017:394158.20170224
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
Mme M. Perrière, rapporteur
M. Benoît Bohnert, rapporteur public
SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER, avocats


Lecture du vendredi 24 février 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société Aéroports du Grand Ouest (société AGO) a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge partielle, à hauteur de 783 526 euros et 803 049 euros, des cotisations de taxe foncière auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 pour les installations aéroportuaires de Nantes-Atlantique. Par un jugement n° 1401627 du 27 août 2015, le tribunal administratif a fait droit à sa demande pour ce qui concerne l'année 2011.

Par un pourvoi enregistré le 20 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de la société AGO en tant qu'elle porte sur l'année 2011.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2010-1699 du 29 décembre 2010 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Mme Manon Perrière, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 31 janvier 2017, présentée par la société AGO.


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une convention approuvée par un décret du 29 décembre 2010, la SAS société concessionnaire Aéroports du grand Ouest (société AGO) a été chargée par l'Etat de l'exploitation des aérodromes de Notre-Dame-des-Landes, Nantes-Atlantique et Saint-Nazaire-Montoir pour une durée de 55 ans à compter du 1er janvier 2011. Les installations mentionnées dans la convention ont, pour la détermination de la taxe foncière due au titre des années 2011 et 2012, été évaluées selon la méthode comptable prévue par l'article 1499 du code général des impôts. Par un courrier du 17 avril 2013, la société a contesté le recours à la méthode d'évaluation comptable retenue par l'administration pour les installations aéroportuaires de Nantes-Atlantique et a demandé un dégrèvement partiel de sa taxe foncière au titre des années 2011 et 2012, correspondant à la substitution à la méthode comptable de la méthode d'évaluation prévue au 3° de l'article 1498 du code général des impôts. Par un courrier du 9 janvier 2014, l'administration a rejeté ces réclamations. Le ministre des finances et des comptes publics se pourvoit en cassation contre les articles 1er, 2 et 3 du jugement du 27 août 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a fait droit à la demande de la société AGO pour l'année 2011.

2. Aux termes de l'article 1498 du code général des impôts : " La valeur locative de tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison (...) 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe. (...) ". Aux termes de l'article 1499 du même code : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments (...) des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 1500 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2008 : " Les bâtiments et terrains industriels sont évalués : / 1° selon les règles fixées à l'article 1499 lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant, et que celui-ci est soumis aux obligations définies à l'article 53 A ; / 2° selon les règles fixées à l'article 1498 lorsque les conditions prévues au 1° ne sont pas satisfaites ". Aux termes de l'article 393-1 du plan comptable général : " Les immobilisations faisant l'objet d'une concession de service public ou de travaux publics sont évaluées dans les conditions suivantes. / (...) Les biens mis dans la concession par le concédant ou par le concessionnaire sont inscrits à l'actif du bilan de l'entité concessionnaire. L'inscription à l'actif du bilan du concessionnaire de la valeur des biens mis gratuitement dans la concession par le concédant comporte une contrepartie au passif du bilan, classée dans les autres fonds propres (...) ".

3. Il résulte des dispositions de l'article 1500 du code général des impôts que, dès lors que le propriétaire ou l'exploitant de bâtiments et de terrains industriels passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est soumis aux obligations déclaratives définies à l'article 53 A du même code et que ces immobilisations industrielles figurent à l'actif de son bilan, la valeur locative de ces immobilisations est établie selon les règles fixées à l'article 1499 du code. En outre, dans l'hypothèse où l'absence d'inscription des immobilisations industrielles à l'actif du bilan du propriétaire ou de l'exploitant procède d'une méconnaissance, par celui-ci, de ses obligations comptables, l'administration fiscale est fondée, après avoir, conformément au principe général des droits de la défense, mis le redevable de la taxe foncière à même de présenter ses observations, à corriger de cette omission les éléments déclarés en application des dispositions de l'article 53 A du code général des impôts, puis à établir la taxe foncière selon les règles fixées à l'article 1499 du code.

4. Pour faire droit à l'argumentation de la société, qui soutenait que l'évaluation des installations de l'aérodrome de Nantes-Atlantique devait être effectuée selon la méthode d'appréciation directe, conformément aux dispositions de l'article 1498 du code général des impôts, le tribunal administratif s'est fondé sur ce que la convention conclue entre l'Etat et la société, contrairement à la dénomination de concession qui lui a été donnée par le décret précité du 29 décembre 2010, avait, pour les aérodromes de Nantes-Atlantique et de Saint-Nazaire-Montoir, la nature d'un contrat d'affermage, pour en déduire que la société AGO, qui n'était pas propriétaire des installations aéroportuaires, ne pouvait pas les inscrire à l'actif de son bilan.

5. Il ressort cependant des pièces du dossier soumis aux juges du fond, en particulier des termes de la convention conclue entre l'Etat et la société AGO et du cahier des charges qui lui est annexé, que cette convention, qui forme un ensemble indivisible, a pour objet la construction et l'exploitation d'une nouvelle plate-forme aéroportuaire sur le site de Notre-Dame-des-Landes ainsi que le développement, le renouvellement et l'exploitation des deux aéroports existants sur les sites de Saint-Nazaire-Montoir et de Nantes-Atlantique. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que le tribunal administratif a inexactement qualifié la convention litigieuse et méconnu les dispositions de l'article 393-1 du plan comptable général en jugeant que la société ne pouvait pas inscrire les immobilisations en cause à l'actif de son bilan alors qu'elle y était, au contraire, tenue.

6. Au surplus, pour écarter la fin de non-recevoir opposée en défense par le ministre des finances et des comptes publics, tirée du défaut de mandat régulier habilitant la société AGO à agir en justice au nom de l'Etat pour contester la cotisation de taxe foncière au titre de 2011, le tribunal administratif a jugé qu'il résultait de l'instruction que la société avait été personnellement mise en demeure d'acquitter cette cotisation, par un avis d'imposition établi le 15 décembre 2011 qu'elle produisait. Il ressort cependant des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'avis d'imposition du 15 décembre 2011, qui mentionnait la société comme redevable de la taxe, a fait l'objet d'un avis de dégrèvement prononcé le 12 novembre 2012. Ainsi, en statuant comme il l'a fait, le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à demander l'annulation des articles 1er, 2 et 3 du jugement qu'il attaque.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement du 27 août 2015 du tribunal administratif de Nantes sont annulés.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure au tribunal administratif de Nantes.

Article 3 : Les conclusions de la société Aéroport du Grand Ouest présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances ainsi qu'à la société Aéroports du Grand Ouest.


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