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Ariane Web: Conseil d'État 401656, lecture du 24 février 2017, ECLI:FR:CECHR:2017:401656.20170224

Décision n° 401656
24 février 2017
Conseil d'État

N° 401656
ECLI:FR:CECHR:2017:401656.20170224
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
Mme Emmanuelle Petitdemange, rapporteur
M. Benoît Bohnert, rapporteur public
SCP DE NERVO, POUPET ; HAAS, avocats


Lecture du vendredi 24 février 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Montpellier a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de liquider l'astreinte fixée par son ordonnance n° 1600944 du 14 mars 2016 et de condamner M. C... D... à lui verser les sommes dues, sur la base de 250 euros par jour, en conséquence de la non-exécution de cette ordonnance. Par une ordonnance n° 1602860 du 30 juin 2016, le juge des référés a condamné M. D...à verser au CROUS de Montpellier la somme de 7 275 euros.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 juillet et 2 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande du CROUS de Montpellier ;

3°) de mettre à la charge du CROUS de Montpellier la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Emmanuelle Petitdemange, auditeur,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de M. D...et à Me Haas, avocat du CROUS de Montpellier.


Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ". Aux termes de l'article R. 431-1 du même code : " Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire ". Aux termes de l'article L. 911-3 de ce code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ". Aux termes de l'article L. 911-7 de ce code : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. / Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. / Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée ".

2. La liquidation de l'astreinte à laquelle procède le juge des référés se rattache à la même instance contentieuse que celle qui a été ouverte par la demande d'astreinte dont elle est le prolongement procédural. Dès lors, il appartient au juge des référés qui, par l'ordonnance qu'il a prise sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, a assorti d'une astreinte l'injonction faite à l'une des parties, de statuer, d'office ou à la demande d'une partie, sur les conclusions tendant à ce que cette astreinte soit liquidée. S'il n'est alors pas tenu de compléter l'instruction écrite par la tenue d'une audience, il doit toutefois s'assurer du caractère contradictoire de la procédure.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier que, par une ordonnance du 14 mars 2016, celui-ci a, à la demande du CROUS de Montpellier, enjoint à M. D...de libérer la parcelle cadastrée section AR 233 dépendant du domaine public de l'Etat qu'il occupait sans droit ni titre, sous astreinte de 250 euros par jour d'occupation, à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la notification de l'ordonnance. Le CROUS de Montpellier a saisi le juge des référés, le 24 mai 2016, d'une demande tendant à la liquidation de l'astreinte pour la période courant à partir du 25 mars 2016, pour inexécution partielle de l'ordonnance du 14 mars 2016. M. D... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du juge des référés du 30 juin 2016 qui l'a condamné à verser au CROUS de Montpellier la somme de 7 275 euros.

4. Il ressort des pièces de la procédure devant le juge des référés que M. D... était représenté par Me B... A...dans l'instance engagée par le CROUS de Montpellier tendant à son expulsion de la parcelle cadastrée section AR 233. La liquidation de l'astreinte prononcée dans le cadre de cette instance n'en étant que le prolongement procédural, Me A...devait être regardé comme ayant conservé la qualité de mandataire de M. D... pour la demande de liquidation de l'astreinte prononcée. Les exigences de l'article R. 431-1 du code de justice administrative ont ainsi été méconnues dès lors qu'il ressort des pièces de la procédure que le mémoire du 24 mai 2016 du CROUS de Montpellier a été communiqué le 16 juin 2016 à M. D...et non à son avocat. Il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que M. D...est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée, qui a été irrégulièrement rendue.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. L'ordonnance n° 1600944 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier enjoignait à M. D...de libérer la partie de la parcelle cadastrée section AR 233 occupée par le " camion-pizzéria " qu'il exploitait dans un délai de huit jours à compter de sa notification, qui est intervenue le 16 mars 2016, soit au plus tard le 24 mars 2016. Il résulte de l'instruction que M. D...n'a pleinement exécuté l'injonction qui lui était ainsi faite que le 13 juillet 2016 et que, pour la période comprise entre le 25 mars et le 12 juillet inclus, son camion a continué à empiéter sur la parcelle AR 233. Il y a lieu, dans ces circonstances, de liquider à titre définitif l'astreinte prononcée pour l'injonction inexécutée au taux de 250 euros par jour de retard, pour la période comprise entre le 25 mars 2016 et le 12 juillet 2016 inclus, soit la somme totale de 27 500 euros. Toutefois, eu égard aux circonstances de l'espèce et au caractère très limité de l'inexécution, il y a lieu de prévoir une modération de cette somme en limitant le montant de l'astreinte à 25 euros par jour. Dans ces conditions, M. D...devra verser une somme de 2 750 euros.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.






D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 30 juin 2016 est annulée.

Article 2 : M. D...est condamné à verser la somme de 2 750 euros au CROUS de Montpellier.

Article 3 : Les conclusions de M. D...et du CROUS de Montpellier présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C...D...et au centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Montpellier.



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