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Ariane Web: Conseil d'État 395442, lecture du 27 mars 2017, ECLI:FR:CECHS:2017:395442.20170327

Décision n° 395442
27 mars 2017
Conseil d'État

N° 395442
ECLI:FR:CECHS:2017:395442.20170327
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur
M. Gilles Pellissier, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER, avocats


Lecture du lundi 27 mars 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La commune de Pointe-à-Pitre a demandé au tribunal administratif de Basse-Terre de condamner la société Sodimat à lui restituer le prix d'une balayeuse acquise en 2006, soit 96 682 euros, et à lui verser la somme de 586 147,76 euros à titre de dommages et intérêts. Par un jugement n°s 1000024, 1000365 du 20 juin 2013, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté la demande de la commune de Pointe-à-Pitre.

Par un arrêt n° 13BX02416 du 20 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la commune de Pointe-à-Pitre, annulé ce jugement et condamné la société Sodimat à verser à la commune de Pointe-à-Pitre les sommes de 96 682 euros au titre du remboursement de la balayeuse défaillante, sous réserve que cette machine soit rendue à la société Sodimat, et de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 décembre 2015 et 21 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Sodimat demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Pointe-à-Pitre la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Anne Lévêque, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la société Sodimat, et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la commune de Pointe-à-Pitre.


1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la commune de Pointe-à-Pitre a conclu, le 1er février 2006, un marché public de fournitures avec la société Sodimat pour l'achat d'une balayeuse d'un montant de 96 682 euros ; que cette balayeuse a été restituée par la commune à la société Sodimat, à la suite de nombreuses pannes ; que la commune de Pointe-à-Pitre a formé appel du jugement du 20 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Sodimat à lui verser la somme de 586 147,76 euros à titre de dommages et intérêts ; que par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement et a condamné la société Sodimat à verser à la commune de Pointe-à-Pitre les sommes de 96 682 euros au titre du remboursement de la balayeuse défaillante et de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des pannes successives de l'engin au cours de la période comprise entre sa réception par la commune, le 10 mai 2006, et sa restitution à la société Sodimat, le 4 octobre 2007 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1641 du code civil : " Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus " ; qu'aux termes de l'article 1645 du même code : " Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur " ; enfin qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1648 du même code : " L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice " ; qu'il résulte de ces dispositions que le délai prévu à l'article 1648 du code civil court à compter de la découverte par l'acheteur de l'existence du vice, de son étendue et de sa gravité ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'en relevant, au terme de son appréciation souveraine des pièces du dossier, que si la commune avait découvert l'existence des désordres affectant la balayeuse dès le 4 octobre 2007, elle n'avait eu connaissance de l'ampleur des vices que lors de la remise du rapport d'expertise, le 30 juillet 2009, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a pas entaché son arrêt de dénaturation ; que, par suite, la société Sodimat n'est pas fondée à soutenir que l'action de la commune, engagée le 11 janvier 2010 devant le tribunal administratif de Basse-Terre, aurait été prescrite et, par suite, que la cour aurait dû rejeter les conclusions de la commune tendant au remboursement du prix de la balayeuse ;

4. Considérant, en second lieu, que la cour a condamné la société Sodimat à verser à la commune de Pointe-à-Pitre une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la privation de la jouissance de la balayeuse pour une période allant du 10 mai 2006 au 4 octobre 2007, sur le fondement tant des dispositions de l'article 1645 du code civil que des stipulations de l'article 23-2 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de fournitures courantes et de services, aux termes desquelles, dans le cadre de la garantie des prestations faisant l'objet du marché : " (...) le titulaire s'oblige à remettre en état ou à remplacer à ses frais la partie de la prestation qui serait reconnue défectueuse. / La personne publique a droit, en outre, à des dommages et intérêts au cas où, pendant la remise en état, la privation de jouissance entraîne pour elle un préjudice " ; qu'il ressort toutefois des énonciations de l'arrêt attaqué que si la réception de la nettoyeuse a été prononcée avec effet à la date du 10 mai 2006, sa livraison effective n'a eu lieu que le 31 août 2006 ; que, dès lors, en jugeant que la responsabilité de la société Sodimat pouvait être engagée, sur le fondement de la garantie des vices cachés ou de la garantie prévue par l'article 23.2 du cahier des clauses administratives générales, pour une période antérieure à la livraison du matériel, la cour a entaché son arrêt de contradiction de motifs en tant qu'il statue sur les conclusions de la commune tendant à l'indemnisation de son préjudice ; que la société Sodimat est fondée à en demander, dans cette mesure, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'annulation ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Sodimat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Sodimat au titre des mêmes dispositions ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 20 octobre 2015 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la commune de Pointe-à-Pitre tendant à la réparation du préjudice subi du fait de l'indisponibilité de la balayeuse.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la société Sodimat et les conclusions de la commune de Pointe-à-Pitre tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 3 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Sodimat et à la commune de Pointe-à-Pitre.